Johnny Boy / Chacun·e a la possibilité de se dégager de la relation si elle ne lui convient pas

Shusaku Takaoka


On en vient presque à bout ! Cette fois, j’actualise un peu ce texte écrit il y a des mois. J’ai pris du recul sur notre relation et notre séparation, je sais bien que ce n’est pas entièrement sa faute. On a trop joué à faire semblant.










VI. Chacun·e a ainsi la possibilité de se dégager de la relation si elle ne lui convient pas.

Eh oui, parce que c’est la finalité de toute cette transparence, les avantages du dialogue : c’est de toujours savoir où on a mis les pieds, de jouer avec des cartes pas truquées et avoir ainsi l’opportunité de se retirer de la partie si on le juge nécessaire. Cela peut paraître évident au premier abord, mais entre nous, combien de couples sont prêt à admettre qu'ils peuvent se séparer au premier coup de grisou ? L'idée c'était vraiment : on n'essaie pas à tout prix, on ne va pas se faire du mal.

Sauf que :

- Je n’arrive pas à lâcher Johnny Boy. Plus le temps passe et plus c’est dur. Je l’ai mis au centre de ma vie : je vis chez lui, il vit chez moi, je fréquente ses amis. Il m’apporte tout ce que j’ai. Et il m’apporte peu en vérité ! Mais j’ai vidé ma vie. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Si je le perds, je n’ai plus rien. Oui, oui, toutes ces années d’indépendance, de hargne, d’autonomie, de féminisme, de célibat choisi, pour en arriver là ! Dans cet état de dépendance affective totale, où mon ego se maintient parce que j’existe dans les yeux de quelqu’un.

- En face de moi, j’ai un Singe qui sent bien à quel point je tiens à lui et qui ne veut pas vraiment me faire de peine. Alors il tient aussi, vaguement. Parfois il veut vraiment, parfois il lâche l’affaire. Et puis il s’est lassé, rendre des comptes, me regarder sombrer doucement, il ne kiffait pas (et je le comprends).


***
LES QUESTIONS QUE JE ME TU TE POSES

Est-ce que tu as aimé Johnny Boy ?

On s’est bien kiffés avec Johnny Boy, on s’entendait bien, parce qu’on avait des sensibilités différentes mais qui nous amenaient aux mêmes endroits : par exemple Pamela Anderson, la musique, le climat ou les rivières. Je ne peux plus voir l’eau s’écouler depuis les berges sans penser à lui. C’était pas le grand amour, mais on a drôlement hésité avant de se quitter, on s’y est pris à plusieurs fois, on a eu des moments de persévérance, aussi. C’était assez rationnel en fait, on a joué aux adultes : « on dirait que toi tu ferais ça et moi, je ferais ça et alors ça ferait ça » et des morceaux de baise tout autours, tu vois. Je crois que j’essaie d’expliquer que je suis passée par toutes les couleurs avec lui. Nous avons été très réticents tous les deux à se faire des déclarations d’amour. Il a été le premier à le faire, mais seulement quand il était ivre, je lui en voulais un peu… Quand j’ai commencé à le dire, ça l’a mis mal à l’aise et quand il a commencé à le dire sobre, j’ai commencé à me dire que peut-être ? il m’aime. Le « je t’aime » tu sais que c’est qu’il est piégeux, on met trop de choses dedans. Alors je me suis dit qu’il valait mieux regarder les actes et c’était pas top non plus. Je ne me sentais pas aimée et ça a émoussé mon affection pour lui. J’ai eu le temps de m’attacher, j’ai fait sa connaissance jusqu’au fond de ses baskets, je l’ai trouvé gentil et je me suis longuement demandé comment s’appelait le vide qu’il a laissé. Aujourd’hui je le sais : dépendance affective.


Est-ce que Johnny Boy t’as aimée ?

Johnny Boy n’a pas été très très affectueux, c’est la tendresse qui m’a manquée mais je pense que c’était calculé : je l’ai de mes yeux vu rationner l’affection qu’il me donnait, limiter les caresses, les attentions, c’était comme s’il creusait dans mon cœur à la pelle. J’ai jamais eu l’amour de Johnny Boy, je ne pense pas. Il a peut-être bien été comme moi, un peu amoureux, il a bien joué à être mon mec, mais avec des pincettes pour pouvoir lâcher si ça devient chaud. C’était l’idée de base après tout.

***


Je l'ai quitté dix fois (j’ai pas compté, mais on ne doit pas en être loin), dès les premiers mois de notre relation, puis tous les trois ou quatre mois, pour diverses raisons.

Au début, j’étais encore sûre de moi et peu dépendante, j’étais certaine de pouvoir lâcher au premier red flag. Il était très critique sur mon mode de vie, mes valeurs, ça m’insupportait mais je me disais que ce n'était pas si grave puisqu'on n'était... pas un couple. C'est pour ça qu'on se quittait : parce qu'il avait ouvert trop grand sa bouche sur des sujets qui ne le concernent pas. Ou parce que je me rendais compte que j'étais devenu la bonniche. Bref, du domestique comme au bon (non) vieux temps des débuts de mon mariage. Et à chaque fois il revenait, s'excusait, faisait des promesses. J'acceptais, je pardonnais.

Au fil du temps, cette relation a pris de plus en plus de place, c'était de plus en plus important pour moi de tenir. Je voulais que ça fonctionne bordel !! Plus j'échouais et plus il fallait tout refaire. J'avais besoin que ce que je croyais si important, l'amour libre, fonctionne. Les autres fois où l'on s'est quittés, c'était parce qu'il ne respectait pas les règles : il me mentait, cachait ses relations jusqu'à ce que ça devienne intenable, faisait amende honorable en trois mots balancés entre la poire et le fromage (ce n'est pas une image), baisait bourré, sans se protéger, bref, les lignes rouges étaient salement piétinées. Jusqu'au bout il a eu lui aussi des sursaut de ténacité, mais sans jamais adhérer dans les faits à ce que j'essayais de mettre en place. Définitivement, nous n'étions pas sur la même longueur d'onde. Je m'entêtais là où il sentait trop mal à l'aise. On a commencé à s'engueuler à un rythme vraiment trop élevé pour être vivable, et autant te dire que je n'étais pas commode. J'étais colère ! Mais je ne voulais pas qu'il parte... je voulais qu'il change. Combien de fois on fait cette erreur là, qui fait du mal à tout le monde ? Pourquoi j'ai tenu aussi longtemps, pourquoi j'ai accepté l'inacceptable ? Pourquoi je l'ai laissé piétiner mes principes ? Pourquoi, diable, je ne me suis pas plus respectée ? Avec quelle assiduité j'ai creusé ma tombe, saperlotte. C'était une caricature de tout ce que je ne voulais pas.

Je refais le parallèle avec mon mariage, enfin, mon divorce : ce qui a été le plus lourd, c'était le domestique, le quotidien, les tâches ménagères et les désaccords de principe, sur nos valeurs. Mais ce qui a causé véritablement notre perte, c'est le cul. Mis bout à bout, le cul sur le couple, ça fait un peu beaucoup trop. Le couple, le fonctionnement quotidien, on peut chercher des solutions (et ne pas les trouver et là, ça devient une question de valeurs et c'est tout comme le cul), mais le cul, c'est hyper-épidermique. C'est no way, c'es impossible à négocier, sinon avec sa propre conscience et là, ça fait du mal. Tu peux pas taper dans tes valeurs à la truelle et espérer bien t'en sortir. Tu te détruis toi-même, tu casses ton amour-propre, tu ruines ton self-estime, caramba !

Ce n'est pas juste une question d'accepter que ton mec couche ailleurs ou en aime une autre. Il couchait et me mentait. Il ne les aimait pas, il les méprisait. Il n'y prenait pas de plaisir, ou si peu et c'était tellement hors-limites que je ne pouvais pas faire preuve de tolérance. Il y avait loin avant que je me réjouisse de son plaisir ! Il ne supportait pas mes limites ; c'était invivable pour lui, invivable pour moi.

Et donc, à la onzième fois, il a été plus raisonnable que moi (mais pas trop courageux non plus), il a vraiment disparu. Oh, il ne m'a pas quittée, il m'a laissé faire. Des "va te faire foutre" je lui en avais déjà lancés plein à la figure, là il lui a suffi de dire "ok". Il avait une autre histoire, avec Odile, à faire tenir (et notre histoire avait déjà pas mal foutu la merde donc il avait du boulot).



Évidemment je lui en ai voulu de s’être contenté d’attendre que je rompe, il avait cet insupportable égoïsme de ne jamais se mettre dans une situation désagréable, mais je ne crois pas que ça ait été si facile que ça pour lui non plus. Il ne voulait pas être le mec qui laissait tomber une meuf qui va super mal. Mais ça, c’est son histoire : il se trouve que c’est sa boucle à lui ; ce n’était pas la première fois que ça lui arrivait, ça ne m’appartient pas et je n’aurais rien à en dire.

Mais à partir de là, quand je me suis retrouvée seule, j’ai perdu pied.


VII. Et ça ne doit pas être un drame.

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