Johnny Boy / À condition d’en parler...


Lie to me -
José Rodolfo
Loaiza Ontiveros



Tu as l’impression de vivre et revivre le jour de la marmotte ? C’est normal, je raconte toujours la même histoire mais juste d’un autre point de vue… Aujourd’hui on va causer partage et confiance (article légèrement dysphorique).



III. À condition d’en parler


Je ne sais pas vous, mais je fais partie de ces gen·tes qui pensent que le dialogue est la clé des relations humaines. On est assez nombreu·ses à le penser en fait, mais pas tant que ça à le pratiquer avec bonheur. D’abord c’est dur de dialoguer, peut-être encore plus que de se taire et de garder pour soi, parce que c’est difficile de se confier, de se livrer et de se confronter au libre-arbitre d’autrui. Ensuite, ça vous met dans des situations inconfortables qu’on aurait évitées en mentant ou en cachant, par exemple. Enfin, les limites du dialogue sont infinies. 1) Qu’est-ce qu’on dit ? 2) Qu’est-ce qu’on ne dit pas ? 3) Est-ce que des fois il ne faut pas se taire ? 4) Est-ce que l’autre ne serait pas plus heureu·se en ignorant certaines choses ? Personnellement je réponds :

1) Tout est susceptible d’être dit ; tu sais qu’il FAUT dire une chose quand tu ressens le besoin de la cacher. C’est le modèle-type du truc à dire.
2) Rien a priori.
3) Oui, parfois ; dialoguer ce n’est pas harceler ni tenter de réduire l’autre à sa conviction.
4) Non jamais ; qui es-tu pour parler du bonheur d’autrui ? Pourquoi lae laisses-tu marcher dans le noir ?

Les mots, c’est de l’info, je vois ça comme un flux. Chacun·e de nous en contient une énorme quantité. Les informations que je contiens ne sont pas les mêmes que celles contenues par lae voisin·e. Si je dialogue avec lui, simplement en discutant je veux dire, je vais déverser un peu de mon info vers lui et lui un peu de ses infos vers moi. Oui ? Il y a des infos dont on se moque bien, elles ne sont pas congruentes : ces trucs dont on s’en balek tu vois. Genre les opinions politiques de mon voisin, typiquement, je m’en fous absolument (parce que j’ai pas besoin de parler avec lui pour les connaitre par ailleurs, ça flotte sur un mât au-dessus du jardin, bref). Pourtant, le voisin pourrait contenir des informations qui m’intéressent : je ne sais pas, ce pourrait être un frère caché de ma mère, le père de la nouvelle copine de mon ex ou encore un barjo de macramé (mais j’en doute). Imagine que j’apprends ça, je suis au bout de ma vie : on se serait mis mutuellement à niveau sur cette info cruciale qui me manque. BIM vases communicants (oh). Notez que ce pourrait être une toute autre personne qui m’apprend des trucs sur le voisin, on s’en fout, l’idée c’est de faire passer l’info parce qu’elle est congruente, elle est utile, adéquate, idoine. Vive le dialogue.

Bon, je n’essaie pas de te convaincre que communiquer c’est bien, tu le sais déjà d’ailleurs tu communiques tous les jours, mais je te parle de congruence et j’insiste sur ce point. Il y a une forme d’adéquation très majestueuse dans les mots, non ? Je veux parler de ceux qu’on a bien choisis, c’est sûr, pas de ces mots qui s’adaptent à une situation, je te parle des mots qui reflètent la réalité du monde. Exemple : à la question « ça va ? » tu réponds soit « bien » pour être adapté·e à la situation soit tu réponds « putain j’en chie à mort » pour être congruent·e avec ton vécu, en adéquation avec la réalité. Les deux réponses sont honorables, mais il y en a qu’une qui soit vraie. Parfois l’on sera poli·e, parfois l’on sera vrai·e, c’est pas mal comme ça, ça dépend à qui on parle. Je ne réponds jamais « putain j’en chie à mort » à des inconnu·es ou à des personnes qui me sont hostiles. À l’inverse, avec qui se devrait-on d’être vrai·e ??? Je te le donne en mille, hein : avec les gens qu’on aime.

C’est en suivant ce raisonnement, et en vivant des trucs merdiques à base de secrets et de mensonges, que j’en suis venue à l’idée que parler pour de vrai, c’est plus qu’important : c’est la base. Cette idée de vases communicants s’applique particulièrement au couple. La dernière fois que vous avez fait un tour sur un site de rencontres, combien de mecs/meufs cherchant l’âme sœur ont réclamé de l’honnêteté, de la sincérité, de l’authenticité ? Un gros paquet je pense. C’est hyper romantique de se dire qu’on sait tout de l’autre, qu’il ne nous cache rien (lol) (pardon, mon cynisme). Bien des gens s’accommodent par ailleurs du silence et des cachotteries, j’en connais de très bien, mais croyez-moi, celleux qui s’en sortent le mieux sont quand même celleux qui en ont discuté… Disons que je prie pour que la discrétion de leur partenaire soit à la hauteur de leur patience…

Wanna play ? - Loaiza
Alors je communique : je souligne très fort l’importance que ça a pour moi. Le gars que ça n’effraie pas peut tenter le truc, celui que ça effraie, je le prie de passer son chemin. Johnny Boy a tenté le truc alors qu’il était, je le dis maintenant, plutôt pas tenté par le concept des vases communicants. Il s’est quand même lancé en faisant une chose très silencieuse, je te le donne en mille : en ne disant rien. Genre il a rien dit, rien promis, juste écouté ce que je disais. À aucun moment il n’a débattu de l’opportunité ou non de dire les choses. Il a produit des efforts pour que ça tienne, peut-être bien qu’il a trouvé ça intéressant parfois de procéder ainsi, mais ça n’a jamais été ni fluide ni plaisant ni pour lui ni pour moi. J’ai fini par comprendre que s’il ne m’en parlait pas ou peu, ce n'est pas seulement parce que ça bousculait ses habitudes, c’était aussi parce que je désapprouvais sa manière de faire et qu’il voulait éviter le conflit. Il ne drive pas ses relations ; il les laisse avancer à la va-comme-je-te-pousse, un peu sur l’air de « sur un malentendu ça peut marcher ». Oh god, j’imagine que je ne suis pas la seule à avoir été gentiment trimballée.

Profanity Pop - Loaiza

Il a commencé à sortir avec Éliane une semaine après moi, à l'occasion de la Saint Sylvestre (peut-être) que nous n'avons pas passé ensemble, sans m'en parler, ni lui en parler à elle, tout en ayant pris des engagements de transparence avec moi, et des engagements tout court avec elle (ou pas, en tout cas il semble qu’elle le croyait elle). Il m'en a parlé trois semaines plus tard en me présentant la relation comme récente. Il était très évasif, c'était un supplice cette discussion parce que je le voyais louvoyer et que je l'ai laissé me mentir pour lui laisser sa figure... Puis je l'ai vu lui mentir à elle, pour passer une soirée avec moi et pas avec elle... je lui ai exprimé mon malaise, qu'être au milieu d'un de ses bobards ça ne me plaisait pas, qu'elle avait le droit de savoir où elle mettait les pieds etc. Il a accepté de jouer le jeu, de lui dire ce qu'il avait omis de dire - je l'ai vu se faire larguer en direct. On peut toujours dire que les meufs surinvestissent les relations dans lesquelles elles se trouvent, c'est-à-dire qu'elles se croient en couple dès qu'elles couchent trois fois, qu'elles plongent dans l'émotionnel avec trop d'allégresse, mais on pourrait aussi considérer que les hommes dévaluent et désinvestissent ces mêmes relations pour s'économiser le prix de la sincérité. On peut ne pas s'aimer, juste coucher ensemble et se devoir un certain nombre de choses qui concernent le fait de coucher ensemble : le sexe est la base de la procréation et la source de tout un tas d'ennuis physiques et mentaux, donc pas de sexe sans parler de sexe (contraception, prophylaxie, désir) et rendre des comptes sur le sexe. Les partenaires de vos partenaires sont vos partenaires, immédiatement, quels que soient les mots que vous employiez pour décrire la situation et même si vous ne connaissez pas leur existence. Il n'y a rien d'anodin à se faire croiser des chemins sur ce territoire-là, c'est un acte majeur et impliquant, il y en a qui (se) tuent pour ça, qui se marient, qui ont des enfants, qui se font battre, qui deviennent fols, le niveau de légèreté est à peu près de zéro, on vit dans une société patriarcale qui en fait une question d'honneur bordel de merde. S'il se passe quelque chose, et il se passera quelque chose, ça concernera tout le monde en un clin d’œil, peuchère. Je trouve ça dommage de jouer sur les mots pour jouer sur les relations, je trouve ça problématique.

L’exemple de Naomi est assez clair en ce sens : il m’annonçait une relation terminée alors qu’elle ne l’était pas pour elle. Elle appelait souvent au début de notre relation, Johnny Boy me disait simplement qu’elle ne voulait pas comprendre que c’était fini mais en même temps, ce qu’il m’a dit de leur histoire me laisse penser qu’il a fait ça un peu légèrement. Ça allait bof bof entre eux, elle a été hospitalisée et il a cessé de la voir, ne l’a pas appelée, bref, il l’a laissée tomber mais n’a pas rompu. Maintenant, je sais ce que ça veut dire « ne pas vouloir que ce soit fini », mais je sais aussi que Johnny Boy c’est l’as du demi-mot et qu’il n’est pas toujours très courageux. Il l’a revue quand nous étions ensemble mais je n’en n’ai pas trop entendu parler.

Harry McNally
Bref, avec Éliane et Naomi je me rends compte qu’il utilise facilement le mensonge et l’à-peu-près malgré mes mises en garde. J’aurais probablement pu m’arrêter là avec Johnny Boy, après trois semaines de relations… mais à la place j’ai continué, et ui. J’essaie de montrer l’exemple : je lui parle de ma sexualité, des amant·es que j’ai eu·es, de mon expérience de l’échangisme… On s’est prêtés à un petit jeu : sur une feuille de papier, on a fait la liste de toutes nos expériences amoureuses et sexuelles, en apportant les précisions qui vont bien : les conditions de la rencontre, la première fois, la durée de la relation... Il a eu du mal, d’abord à se souvenir de tout, ensuite d’en parler : c’était gênant, pour lui (alors que je fais ça comme je respire). Il trouvait que ça faisait un peu « tableau de chasse » et m’a fait promettre de ne pas le publier ici. Que ce soit ma liste ou la sienne que je regarde, je ne vois pas comment on peut considérer ces successions d’échecs et d’instants minables comme des « tableaux de chasse ». Alors oui, lui et moi on a bien baisé, il y a des relations qui ont duré et on a beaucoup appris mais si j’en parle ça ne peut pas être pour me vanter ; trop d’instants gênants, de hontes, d’actes de trahison, de violence. Ça ressemble davantage au foutoir d’un échiquier après dix minutes de jeu entre deux débutant·es qu’à un tableau de chasse. Qui voit les gen·tes comme des trophées sérieux ? D’ailleurs, ça a été plus instructif que triomphant, Johnny Boy et moi on n’a clairement pas fonctionné pareil depuis le début de nos activités amoureuses.

D’abord, j’ai commencé plus tôt : j’ai eu mon premier petit ami à 15 ans, lui sa première à 18. Mais tous les deux nous avons commencé par une relation qui a duré plus de trois ans. Ensuite, il a beaucoup baisé, de manière opportuniste disons, mais en ayant de temps à autre des relations plus stables et de plus en plus courtes. Il n’a aimé aucune de ces filles, les quelques-unes qu’il a désirées plus que les autres l’ont déçu quand il les a eues. Les commentaires sur leur physique sont omniprésents (notamment leur poids), je vous les épargne. De mon côté, je dresse une liste de relations monogames classiques, censées être durables mais qui dans les faits ne durent jamais plus de deux ans. Je m’autorise une demie-aventure. Puis je rencontre mon mari qui me propose un fonctionnement libertin basé sur l’échangisme, ce qui double le nombre de mes partenaires en quelques années. J’ai été plusieurs fois amoureuse au cours de ma vie et plusieurs fois je me suis retrouvée dans des situations insupportables. Bonjour la gueule du tableau de chasse, à moins de considérer que c’était moi la proie. Je n’ai pas non plus eu l’impression qu’il était si fier que ça de sa liste à lui. La mienne trahissait mon irrépressible besoin de former un couple, la sienne témoignait plutôt d’un besoin de ne pas s’emmerder avec ces choses étranges que sont les filles. On a dû se dire que cette fois ce serait différent : j’arriverais à ne pas tout l’enfermer et lui arriverait un peu à s’engager.

Avec Rebeca d’ailleurs, j’ai l’impression que ça se passe mieux. Il parle un peu plus facilement, avec moi, avec elle - mais rien d’extravagant, il est horrifié à l’idée de raconter « ce qu’il fait avec elle ». Leur relation va s’éteindre, parce qu’elle ne lui plait pas tant que ça, dit-il. J’ai discuté avec elle plus d’une année plus tard, ce n’est pas tout à fait ce qui s’est passé pour elle : elle s’attachait à Johnny Boy et elle a trouvé que notre relation non-exclusive était quand même très exclusive alors elle a cessé de le voir.

Harry McNally
Avec Gamila la même histoire se répète mais encore pire, je le sens honteux de cette relation, comment il m’aura mise mal à l’aise ce gars hé. Vu les discussions qu’on a eues et les règles qu’on s’est fixées, je comprends qu’il s’inquiète de ma réaction… Baiser bourrer, c’est triché, m’annoncer ça entre la poire et le dessert, c’est triché aussi. Par contre je sais que cette fois il a parlé des choses à temps avec elle et qu’elle n’est pas embringuée contre son gré dans un truc qu’elle désapprouve. Il la revoit quelques fois mais ce n’est pas très enthousiaste, à cause de leur différence d’âge. À chaque fois qu’ils se voient, il prend un ou deux jours avant de me rappeler et ça commence à me rendre nerveuse. Ses silences ont commencé à faire beaucoup de bruit en moi.

À ce moment-là, je t’avoue qu’il y avait quand même quelque chose de rassurant à le voir se contenter de foirer des plans cul - pour une meuf qui veut garder son mec je veux dire. Mais tu me connais, j’ai cette petite fibre d’intégrité là… qui me faisait trouver tout ça un peu dégradant, pour lui, pour elles et finalement pour moi, un peu en deçà de ce que j’attends de la liberté sexuelle et peu safe pour finir. Je lui souhaitais de trouver sa meuf sûre.

Contrairement à Éliane, Gamila et Rebeca qui font partie de son cercle d’ami·es un peu distant, Armel travaille avec lui. Ça n’est pas non plus à proprement parler une collègue, ils n’ont pas de rapports hiérarchiques de près ou de loin, mais ils se connaissent depuis un moment, et surtout, il veut sortir avec depuis un moment. Peut-être que l’aspect pro a joué pour que ça ne marche pas, dès que j’ai connu Johnny Boy j’ai connu Armel, puisque c’est la fille après qui il courait quand je lui courais après, celle pour qui il m’a refoulée deux fois. C’est une fille cool, j’ai pas de contentieux avec elle. Mais c’est toujours ivres qu’ils se branchent et en pleine gueule de bois qu’ils regrettent ensuite, ou pas, ou si, ou non ça oscille comme ça, bon, je laisse faire de toute façon. Mais comment ses mœurs me saoulent ! Imaginez quand même deux secondes la discussion avec le mec qui a encore mal aux cheveux qui essaie de (ne pas trop) décrire sa soirée avec seulement des mots découpés en quatre et moi en face, super ouverte d’esprit, mais très à cheval sur la réalité des choses. La meuf qui a des questions basiques qui sont des énigmes pour un mec bourré : « vous vous êtes protégé·es ? » par exemple. « Non, elle m’a surtout sucé tu sais ». Il y avait un ·es à « protégés », Johnny Boy.

Là, Johnny Boy commence à trouver ma position intrusive, vraiment ce fonctionnement ne lui convient pas (tu m’étonnes John). Pourtant, je serais allé tellement plus loin sans penser une seconde que ce soit un poids pour lui ! Parler de leurs rencontres, de leurs plaisirs, est-ce qu’elle a une contraception ? Dis-moi qu’elle a des gros seins ! Dis-moi que c’est moi qui suce le mieux quand même ??? bref, ambiance de fond de classe détendue et bienveillante qui booste les hormones, pas ce bal des cocu·es qui mine l’ego, pitié. Bah non, il a fallu encore une valse des faux-semblants de plus, il y a eu Odile.

Bon, avec Odile J’AI un contentieux, pourquoi crois-tu que je l’ai appelée Odile ? En vrai son prénom est plus mélodieux. Au début j’ai cru à une fée, ils se sont plus de jour et pas bourrés, c’était inespéré et prometteur. Il a beaucoup prétendu à la transparence avec elle dès le départ. En retour, j’ai été très, très exigeante. Comme je l’ai décrit au chapitre précédent sur la liberté sexuelle, la communication est tout de suite malaisante. Iels sont en pleine NRE, ils se kiffent, c’est tout de suite intense et le souci de Johnny Boy c’est de me rassurer, mais avec quoi ? Ils se voient toutes les semaines, nos habitudes sont logiquement bousculées et j’attends de lui plus que jamais des signes d’affection, or, nous n’en sommes plus là, on se prend la tête pour un rien. Il me fait moins et moins bien l’amour, se réserve ouvertement pour elle, m’explique qu’elle au moins elle est sortable, elle est souriante et « conciliante avec le regard masculin », elle est valorisante. Ce sont des petits coups avec ses petits poings dans mon petit estomac. Elle-même se montre hostile envers moi et il tente doucement de me le faire savoir. Il fait le ping-pong entre nous deux, ménage la chèvre, le chou, calme le jeu autant qu’il peut. Moi, bah je cherche ma place. Je sais que Johnny Boy a envie de cette relation, j’ai envie de la lui permettre, par contre je veux qu’il joue franc-jeu avec moi. Le truc qui se passe, c’est que Johnny Boy a deux meufs maintenant. C’est une situation que je peux concevoir mais elle n’a jamais pris explicitement cette forme, ça s’est fait sans se dire. C’est ce « sans se dire » qui m’a ulcérée. Bien sûr que je me suis sentie désaimée quand il s’est mis à l’aimer, mais j’ai immédiatement lutté contre ce sentiment. Parce que c’était déjà visible en fait, Johnny Boy ne m’aime pas, j’ai aucune raison d’être SA meuf. J’avais besoin que ces choses soient dites. C’est pour ça que je voulais discuter avec Odile. Je ne savais pas comment j’allais m’y prendre au juste mais je savais que j’arriverais à la convaincre. Mais elle refuse et elle le quitte. Du coup on se quitte puis on se quitte pas et on re-essaie de rattraper le truc avec Odile. Elle doit venir chercher ses dernières affaires chez lui et il veut en profiter pour parler avec elle et reposer les choses. Je suis surprise de recevoir des messages au fur et à mesure de leur discussion. Voici cet échange :
(mes réponses sont en gras à droite)

Elle est bien arrivée. On discute et je pense pas avoir oublié de choses à dire. Tenté de retenter quelque chose mais pas sûr que tu sois motivé bien sûr en prévoyant un échange à 3… et communiquer plus comme ça ?
Okay pour ça.
Pour ça ?
Pour cette proposition : pouvoir discuter à 3 pour que vous puissiez continuer sur votre lancée (donc + que du plan Q)
On a discuté avant.
? pas compris
J’arrive pas à interpréter la fin de ton texto. C’est du sarcasme que tu fais ?
Non pas du tout je dis que je suis d’accord pour que vous ayez une relation riche et soutenue à condition qu’il y ait communication possible à 3 ! Et si mes conditions conviennent à savoir capote et transparence. ET QUE JOHNNY BOY COMMUNIQUE !
Ok. Elle :
Accepte que tu donnes ton aval pour les futures décisions, organisations…
Remarque que quand c’est pas clean chuis pas bien,
Est d’accord pour discuter à la fin de ses vacances dans 3 ou 4 semaines.
Voilà ce qui ressort pour le moment.
C’est okay pour moi. Je compte pas « donner mon aval » je veux juste être informée comme il faut. T’as déconné quand même. Genre si on n’a pas causé, le 15 août c’est mort.
En gros je la vois pas du mois d’août donc ça reporte en septembre.
Me semble oui sauf si on prend le temps de parler avant. On est quasi à avoir une conversation à trois là dis-donc ! Ce serait juste + fluide. Buena noche tutti.

La tension est palpable, ça ne peut pas bien se passer dans ses conditions. Il interprète mal mes paroles, je ne comprends pas ses réponses… et puis la situation elle-même est bizarre : elle n’avait pas été prévue, c’est effectivement quelque chose dans ce goût-là quand j’imagine une communication ouverte mais pas avec ce niveau d’agressivité. Il croit vraiment que je veux valider ses faits et gestes avec elle. Il croit au début que je parle de la situation présente « discuter à 3 pour que vous puissiez continuer sur votre lancée donc + que du plan Q » et qu’il me répond « on a discuté avant ». Il n’a pas compris que je parle de la relation en général, pas de tout de suite maintenant : j’ai pas besoin qu’on parle tout de suite pour qu’il puisse baiser dans la soirée… Quand je parle de spontanéité, de communication ouverte, je ne parle pas de rapports envoyés minute par minute. Je ne veux pas « donner mon aval » ni décider pour lui. Le lendemain, Johnny Boy n’appelle pas : c’est ce qu’il fait quand il attend de me voir pour me dire un truc, il n’y a rien qu’il puisse faire de pire. Ça sent le sapin. D’ailleurs, l’accord que nous avions à trois ne tiendra pas très longtemps : convaincue que notre discussion se passera mal, elle propose à Johnny Boy de se revoir tous les deux avant. J’exprime mon désaccord, il tente de me persuader en se montrant plus sincère que jamais mais je campe sur mes positions. Il me propose de lire les messages qu’il a échangés avec Odile mais je refuse parce que je trouve que ça collerait trop à l’idée que la communication que j’attends correspond à ce genre d’intrusion. J’ai eu tort, j’ai brûlé d’envie de les lire. Il n’ose pas et donc tarde à répondre à Odile - il se fait plaquer à son tour. À ce moment-là, on se trouve en weekend camping avec des amis à lui : ambiance, ambiance. On se sépare en rentrant, c’est trop de tensions, trop d’incompréhension, ça ne le fait plus du tout. Dans l’immédiat, ça me soulage de ne plus être avec lui, j’ai l’impression de lâcher un gros fardeau. Pour autant, Johnny Boy ne va pas disparaître, il est très présent dans ma vie sociale, nous partageons certaines activités et on se croise à plusieurs reprises. Nous recoucherons une fois ensemble puis ça va devenir dur pour moi. Je n’arrive pas à le lâcher, je sais qu’il va complètement disparaître si je lâche et ça me fait peur. En même temps je mâche beaucoup d’amertume. Après une nuit pénible où il s’est endormi ivre dans mon lit, je décide de lire les messages que j’ai refusé de lire quelques jours plus tôt. Oui c’est mal, je sais. C’est très, très mal pour la confiance hein. Il se trouve que nous n’en avions plus. Je n’ai même pas appris grand-chose, mais juste ce que j’avais à savoir, ce que Johnny Boy aurait dû entreprendre de me dire : il ne voulait pas seulement pouvoir lui accorder beaucoup plus de temps, il était aussi nécessaire que j’arrête de dresser des barrières entre lui et sa volonté de faire ce qu’il veut. Ça aurait pu fonctionner, probablement, si je ne posais jamais de questions et me contentais de tout accepter.

***
LES QUESTIONS QUE JE ME TU TE POSES
***

Pourquoi est-ce que je ne parle que des histoires de Johnny Boy ? C’est vrai ça, c’est pas un peu obsessionnel ? Je pourrais pas m’occuper de mon cul un peu ?

Ah aha, mais c’est ce que j’ai fait. J’ai eu des crush moi aussi, sauf que je n’ai pas couché avec, je n’ai rien fait croire à personne et ces non-relations ont été problématiques à 0 moment. Ça vient de ma tendance à la prudence et à vouloir laisser hors de mon corps ce que je veux laisser hors de ma vie. C’est pour ça que je ne couche pas sans moult précautions et donc que je ne couche pas tout court. C’est un peu chiant mais j’espère que tu as remarqué que je suis loin d’imposer cette ascèse à Johnny Boy, quoique j’aimerais qu’il s’en approche un peu plus. Je suis prête à être tolérante.

J’ai été confrontée aux relations de Johnny Boy puisque je voulais les connaître. Elles n’ont pas atteint toutes le même niveau de problématicité, y avait des variantes à chaque fois un peu. Ensuite elles ont été relativement nombreuses, je veux dire qu’elles ont occupé un espace-temps assez conséquent. Au lieu de dire que je suis obsessionnelle, on pourrait dire que c’est Johnny Boy qui l’a été. C’est parce que la liste est longue et un peu redondante qu’elle parait si… longue et redondante.

Pour finir : les partenaires de mes partenaires sont mes partenaires. C’est pas une clause secrète, non-dite ou cachée, elle a été bilatéralement et plusieurs fois acceptée. Je me suis retrouvée bien démunie face aux échecs successifs de notre démarche.

***

À vrai dire je ne peux pas savoir quels chemins Johnny Boy a pris à chaque fois qu'il est allé se promener. J’ai déchanté, doucement mais sûrement : ce que Johnny Boy aimait dans notre relation, c’était sa permissivité. Avec le recul, je pense qu'il a eu la sensation d'aussi bien nous gérer que du sable entre ses doigts. Allégorie du sable entre ses doigts :


On s’est accrochés pendant un an et demi à cette liste de règles, on a beaucoup discuté de notre relation, mais il manquait toujours quelque chose : la sincérité de Johnny Boy et son accord effectif sur le fait que sa vie sexuelle était aussi la mienne. Il y avait des choses que je ne voulais pas qu’il fasse, vous pouvez trouver ça tyrannique (et m’expliquer que vous vous acceptez tout, good boy), mais je lui ai donné le choix et surtout la liste de ces choses que je ne voulais pas qu’il fasse : qu’il couche sans m’en parler, sans se protéger ou trop souvent. Il n’a pas aimé du tout devoir me rendre des compte là-dessus et pour éviter mes impératifs, il en a beaucoup appelé au seul qu’il avait lui : on n’est pas un couple, il ne me doit rien. J’ai pas aimé, mais Johny Boy m’a re-appris quelque chose : tout est très relatif, vous savez. On-n-est-pas-un-couple, mais-on-garde-une-certaine-liberté-sexuelle, à-condition-d-en-parler, tout ça, tout ça… tout ça est très relatif. J’avais oublié qu’il n’y a pas que ma vérité qui vaille, on peut en trouver des tas d’alternatives. Et je ne me suis pas rendue compte tout de suite que j’avais affaire à une arsouille, un singe, un bonimenteur, un prestidigitateur, un bidouilleur. Gentil ! mais avec des grands pieds qui se prennent tout le temps dans le tapis. J’ai cru qu’on pouvait tout négocier mais Johnny Boy gardait toujours son jeu dans sa poche et jouait avec de la monnaie de singe, comme c’est irritant. Moi je veux gérer, hop hop, pendant qu’on est chauds et pendant qu’on est amis. Oui ça frictionne. Si ton truc c’est éviter les discussions gênantes, c’est mort.



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