ψ / Semaine 5

Safari - PEJAC



Cinquième semaine : j’atteins mon rythme de croisière. Je mange, je dors et je chie tranquillement, paisiblement. Et je rencontre R..



SEMAINE 5

Jour 26 : lundi 4 mars

[Mes rêves de la nuit sont nuls, mais je ne vous les épargne pas complètement, allez : je change encore de chambre et il y a encore trois lits ; je sors en permission mais je me fais houspiller comme une gamine parce que j’arrive en retard et que j’ai craqué en chemin et que je me suis acheté un sandwich au maïs (beurk) et du coup je me barre ; je fais partie d’une émission de téléréalité du type « Une intello chez les teubés » ou même moi je me sens gênée par tant de condescendance et je vomis une grenouille ; je me fais entubée par un ami qui paie pour moi un péage dans une tour d’escalade (cherchez pas) avec une pièce qui coûte entre 50 cents et 700 euros du coup mon honnêteté me ruine ; j’ai en charge 3 bébés mais je n’ai pas assez de lait à leur donner dans leurs biberons.]

Le truc important de la journée, si vous avez suivi c’est que je change de chambre. Je quitte donc ma petite quiétude pour une chambre partagée (où il n’y a que deux lits, hein). La copine est sympa, ça le fait, mais la proximité est de ouf : 60 cm sépare son lit du mien et ses pets de mes narines (et réciproquement). Oui, les filles pètent, surtout quand elles mangent plus que d’habitude.

Je me fais une nouvelle copine devant la Vierge, celle-ci ayant tout nouvellement transcendée celle-là. On échange pas mal sur nos vies et le seul commentaire que j’en ferais c’est #MenAreTrash. Aucune de nous n’est ici après une longue vie paisible, hein.

Puis je commence un nouveau livre, que je recommande chaudement à toutes et à tous : Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité par Christophe André, aux éditions Odile Jacob (2009), un classique je crois ou qui gagnerais à l’être sans aucun doute. Je vais vous éparpiller des extraits au fil de ce journal (il est épais), et pour commencer, les mots que j’ai (ré)appris :

BATARDEAU : digue, barrage provisoire.
BELLE-DE-JOUR : liseron

Ces deux mots ont une certaine proximité dans le dico (mais ça on s’en fout) et les deux m’ont interpellée parce que le premier me désigne (le Volubilis est un liseron) et l’autre a souvent été prononcé par Johnny Boy et j’ai toujours pensé que ça s’écrivait « bâtard d’eau » et puis y a bâtard dedans donc je suis méchamment contente de l’associer à Johnny Boy mais non donc c’est juste méchant de ma part. Oui, je lui en veux toujours. Beaucoup. L’amusant en plus c’est que j’ai inversé les deux noms et leur définition respective sur mon cahier, c’est-à-dire qu’en face de « BATARDEAU » j’ai écrit « Liseron » et inversement. C’est celle qui dit qui y est de coup (l’Univers tend à la justice et l’équilibre, you know).

ALEXITHYMIQUE : personne peu douée pour identifier et nommer ses émotions.
LABILE : précaire, changeant (du latin labare qui a aussi donné laps et lapsus).
BAROQUE : qui est d’une irrégularité bizarre (s’oppose à « classique »), qui laisse libre cours à la sensibilité.

Ces deux derniers mots servent à décrire les états d’âme, que Christophe André dépeint comme plus subtils et moins intenses que les émotions. Les états d’âme sont en quelque sorte des reliquats de nos expériences dans notre inconscient, ils travaillent en arrière-plan de nos journées, hors de notre portée si nous n’y prenons pas garde. Il décrit chapitre par chapitre les différents (et fort nombreux) états de l’âme humaine et j’ai bien aimé ce qu’il dit de la culpabilité (qui est la gardienne de notre conscience, après tout si vous vous sentez coupable, c’est par rapport à vos propres valeurs morales), qu’honnit notre société occidentale actuelle, pour son plus grand malheur malheureusement.

La culpabilité joue un rôle important dans notre psychisme : nous contraindre à réexaminer certaines décisions dommageables aux autres. La culpabilité interpelle notre conscience morale et nous force à réfléchir. […] Trop peu de culpabilité fait de nous des égocentriques. Mais trop nous rend maladivement sensibles. Nous rend-elle meilleurs ? J’ai tendance à le penser, mais ce n’est pas l’avis de tous. Voici ce qu’en disait Théodore Dreiser, écrivain américain et militant anticapitaliste : « La conscience ? Elle n’empêche jamais de commettre un péché. Elle empêche seulement d’en jouir en paix.

« J’avais des souvenirs, j’ai une histoire. »

J’intègre par ailleurs :

- qu’une autre différence entre une émotion (par exemple la colère) et un état d’âme, c’est qu’une émotion, surtout si elle est forte, tend à pousser à l’action (pour s’en soulager notamment) contrairement aux états d’âmes qui ont l’art et la manière de se faire discrets et sont non-opératoires si on ne les traite pas consciemment.

- qu’il y a plus d’états d’âmes négatifs que positifs qui nous passent dedans et que ça s’explique :
1) par l’évolution : les insouciant·es n’ont pas eu le temps de se reproduire parce qu’il leur est arrivé des trucs fâcheux à force de ne pas s’inquiéter ;
2) par l’effet Zeigarnik qui veut que l’on prête plus d’attention à ce que l’on a laissé inachevé et qu’on a donc pas mal de raisons au quotidien de se sentir préoccupé·es ;
3) par le fait que la vie est vachement dure, dans l’ensemble… T’en doutais-tu ? Plus une personne a connu d’évènements adverses dans sa vie plus elle sera sujette à la dépression. Tirez-en toutes les conclusions qui s’imposent pour vous, pour vos proches (et pour moi) pliz.

- que les états d’âmes négatifs nous font traiter les informations de manière procédurale (lentement, prudemment, avec une attention portée sur les détails) d’où leur effet ruminatif, alors que les états d’âme positifs nous font traiter les (mêmes) informations de manière heuristique (rapidement, globalement et de manière intuitive) d’où leur effet d’empowerment. Jean-Louis Chrétien parle de « Joie en crue » :

« Dès que la joie se lève, tout s’élargit. »

Allez une petite dernière pour la route :

Pour [Maître Eckhart] l’éveil spirituel passait par deux étapes : « être parmi les choses et auprès des gens » puis « faire de toute chose une bénédiction. »

Jour 27 : mardi 5 mars

[Cette nuit, je chasse le serpent, du moins une sorte de bête qui ressemble en tous points à la salle petite bête qui devient sexy au début de Men In Black 2 (tu sais, avec la petite collerette) et qui sont attirés… par le bruit des pas. Faut les éclater avec une bêche, j’aime moyen et je me plains d’avoir à faire ça mais pas le choix : les hommes sont à l’usine. On peut aussi les appâter avec des os de seiche et c’est en en cherchant que je trouve un squelette de femme que je sais que c’est une femme parce qu’elle a encore des enfants dans les bras (à l’état de squelette aussi). Ça se confirme : cette chasse aux serpents, réservée aux femmes, peut mal tourner. De retour de mon dur labeur, je traverse un village où tout le monde se hait et où toutes les familles se font face en se chantant joliment leur haine mutuelle. Au lever du jour je me rends compte que c’est la rentrée et oh mon dieu, je ne sais même pas où j’ai été mutée et je ne serais jamais à l’heure pour amener ma fille à l’école. Oui je tourne en rond un peu.]

Du coup je me réveille contente que ce soit pas la rentrée, hein.

Mon psy n°1 me rate encore, une fois parce qu’il me visite en chambre alors que je suis en cadrage, la seconde parce que je suis avec la psy et la troisième parce qu’il n’a plus le temps. Il me demande de « lui courir après dans les couloirs » jeudi, ce que je trouve moyen comme façon de prendre / honorer un rendez-vous.

Je reçois une merveilleuse lettre de ma fille et nous nous appelons en fin de journée. On fait avec son père un petit bilan vaccins (on est sur la même longueur d’onde globalement là-dessus : septiques mais pas trop, donc on lui fait les indispensables mais pas 17) et je me marre (jaune) devant son refus (que je partage mais pas pour les mêmes raisons) de vacciner notre fille contre le HPV au prétexte qu’il ne veut pas l’encourager à avoir des relations sexuelles trop tôt (elle a 11 ans). Le truc c’est que ce vaccin doit être fait AVANT le début de la vie sexuelle justement (entre 11 et 14 ans selon les préconisations officielles) et donc indépendamment de toute idée que pourrait se faire les parents de ce qu’est l’âge pour commencer à avoir des rapports sexuels. Il me dirait qu’il ne veut pas lui filer de capote pour les mêmes raisons que ça me ferait bondir pareil. À part ça il vient de lui acheter des serviettes hygiéniques, conscient qu’elle a franchi un cap hormonal tout récemment. Mais bref, je l’invite à se renseigner de son côté-là-dessus et d’en reparler dans pas trop longtemps après lui avoir fait sentir autant que j’ai pu l’inanité toute patriarcale de son raisonnement. Je veux bien une raison mais pas celle-là.

Jour 28 : mercredi 6 mars

[Je cauchemarde assez horriblement : un de mes frères cadet et une bonne amie que j’ai perdue il y a un moment maintenant viennent de se marier et lorsque je les croise, je leur adresse un froid « je ne vous connais pas ». Dans la même veine, j’explique (à je ne sais qui) qu’un de mes frères (aîné cette fois) s’est suicidé sauf que j’ai oublié comment, tellement je m’en fous. Je me réveille avec une culpabilité de ouf.]

Et je me dis en m’habillant que si j’ai de mauvais parents et des relations fraternelles difficiles, bah je ne suis peut-être pas une si bonne sœur que ça non plus.

Je remarque également que cela fait un mois que je suis hospitalisée, maintenant. Et que je m’en sors bien : 1 mois sans drogue, un mois à rêver, un mois à manger. C’est presque une autre vie.

Dans la journée, je pense beaucoup à Louis. J’aurais beaucoup de regrets si je ne lui exprimais pas, d’une manière ou d’une autre, le plaisir que j’ai à le voir, même quelques jours par semaine. J’échafaude des approches toutes plus irrationnelles les unes que les autres, il va bien finir par en sortir quelque chose. Je réécris ma lettre à Machérie : il y faut plus d’amour, plus d’amour, plus d’amour. Je ne veux pas qu’elle se sente agressée ou jugée. J’aimerais l’aider, pas l’enfoncer. J’ai remarqué que parmi les filles qui participent avec moi au groupe de parole « Addictions », personne n’est ici sur le conseil d’une amie. Non, elles sont plutôt là suite à des cataclysmes : coma, accidents de la route, tentatives de suicide. Je voudrais pas que ça arrive à Machérie… Et je voudrais que d’autres choses lui arrivent par contre, des choses bonnes. Je ne peux pas en parler, ni ici ni dans la lettre que je lui envoie mais je me promets d’en parler avec elle, les yeux dans les yeux, les cœurs ouverts, quand je serai sortie.

Un brin de lecture dans l’après-midi, toujours Les états d’âme, de Christophe André :

« Ne plus se débattre, inlassablement apprendre à laisser passer la vague, comme un nageur pas encore noyé. Accepter la souffrance, l’accueillir, oui l’accueillir, et l’observer : il y a toujours quelque part une sortie de secours. Tiens bon, tiens bon, respire dans ta tête, et surtout garde les yeux ouverts. »

[…]

« On considère souvent que la dépression est une sorte de maladie terminale, d’aboutissement de l’usure anxieuse, de l’usure liée à des confrontations épuisantes avec notre monde, avec notre vision du monde. »

Et puis quelques mots :

ONTOLOGIE : partie de la philosophie qui traite de l’être.
ONYCHOPHAGIE : habitude de se ronger les ongles.
CONSOMPTION : amaigrissement et dépérissement dans une longue maladie.
PUINÉ·E : qui est né.e après un frère ou une sœur.



Je me promets, plus tard :


- visiter le blog www.365mornings.comIsalou Regen demande chaque jour à une personne croisée dans la rue pourquoi elle s’est levée ce matin.



Le suicide de Saül - Pieter Brueghel l'Ancien (1562)

Et puis sinon j’ai pas fait caca aujourd’hui.

Jour 29 : jeudi 7 mars

Je vous épargne les rêveries un peu confuses de la nuit, par contre je partage avec vous la grande nouvelle : on diminue mon Valium ! À savoir la prise du matin. Je vais enfin pouvoir voir à quoi le sert ce truc, à quel point ça me sert.

La super deuxième bonne nouvelle, c’est mon premier caca mou depuis un mois. On a des petites joies simples parfois, quand on en a longtemps chié (si j’ose dire). Je travaille un peu mon manuscrit de La Fille et puis je rencontre pour la deuxième fois le psychiatre en chef, qui qualifie mon séjour de « progression harmonieuse » parce qu’il n’aime pas le mot « miracle ». Il faut dire que je vais tellement bien que certaines se demandent ce que je fais ici : j’ai l’air équilibrée, bien dans mes pompes, heureuse…

Une nouvelle nous rejoint dans notre groupe « cadrage », R., une femme qui me touche immédiatement et profondément, nous faisons intimement connaissance en assez peu de temps.

Dans la soirée, en laissant un peu trainer mes oreilles, j’apprends que Louis fait des vacations pour se payer des voyages. Je tente de me persuader que ça veut sûrement dire qu’il est célibataire. Je ne comprends pas trop cet attrait assez brusque pour un homme de 30 ans mon aîné, à part qu’il a l’air gentil, doux et équilibré, comme homme. Ça me changerait.

Allez, encore de la lecture et encore des mots jolis à savoir :

« Il existe une incompatibilité totale des états d’âme de colère et ceux de bonheur. C’est d’ailleurs l’incompatibilité la plus radicale dans les jeux d’alliance subtils des états d’âme : on peut être heureux malgré la tristesse, ou malgré son inquiétude. Mais pas heureux et énervé. La colère dérange systématiquement l’harmonie et le lien au monde. Pour vivre heureux (ou à peu près), il est indispensable de développer une aversion pour la colère et le ressentiment. »

TACHYPSYCHIE : accélération de la pensée.
AUTOLYSE : destruction des tissus par leurs propres enzymes.

Jour 30 : vendredi 8 mars

[Je rêve d’une grande marche que j’entreprends avec tout un groupe de hippies mais que je finis par faire seule, et nue, en traversant une rivière, escaladant des arbres et bravant des nids d’araignées grosses comme ça (des épeire diadèmes magnifiques). Un peu plus tard, je me retrouve avec trois hommes : Louis, Jarry (oui, le comique) et un enfant d’une demi-douzaine d’années (le fils d’une connaissance hippie). Vous aurez compris que le premier me plait, que le second aussi et que le troisième bah, il faut s’en occuper et qu’il est même très très sollicitant dans son genre de gamin chiant. Le truc se corse parce qu’en plus de moi, il y a une autre femme (beaucoup plus vieille que moi) et une autre fille (beaucoup plus jeune que moi). Les nénettes, on se retrouve en concurrence pour séduire les deux messieurs tout en étant très accaparées par le jeune enfant. Les gars sont aux anges : ils sont séduits par nous trois, sans exprimer de préférence particulière, tout contents d’être l’objet de tant d’attention. Ça finit à l’horizontale mais on n’a pas beaucoup de place, à cinq sur le même tapis. Un quatrième larron s’invite, que j’écarte avec quelques remords parce que j’avais oublié que je l’avais justement invité, mais pas plus que ça. Je lui rends son sabre du coup.]

Comme si ça avait un rapport, je me dis en me réveillant que Johnny Boy boit, fume, ment, ne prends jamais soin de moi, se repose sur moi pour les repas, le ménage, les lessives et que donc, en gros, je n’ai vraiment rien à trouver auprès de lui à part de la merde. C’est presque à se demander ce que je lui trouve. D’ailleurs, je ne trouve pas.

Ah tien, c’est la Journée des droits des Femmes. D’après ce que j’en vois à la télé, c’est toujours traité avec le même mépris : on offre des roses et des promotions sur la lessive ahah bande de gros cons. Oups, j’avais oublié que la colère dérange mon harmonie.

Tiens, est-ce que j’aurais la réponse à « à quoi me sert le Valium ? » ??

C’est vendredi aussi, c’est jour de sortie ! Persuadée que j’ai pris au moins 2 tailles de pantalon vu que je peine maintenant à entrer dans ceux que j’ai emmenés avec moi, je me taille une petite marche jusqu’au Babou du coin. C’est la première fois que je mets le pied dans cette enseigne et je suis terriblement déçue. D’abord ça pue le plastique et la colle, les fringues sont toutes en synthétique, coupées avec les pieds. Et puis, je m’en rends compte devant la glace, sous la lumière crue des néons : je suis toujours une tringle à rideaux, j’ai le corps mou, pâle. Et poilu bien sûr. Je rentre en n’ayant acheté qu’un legging (trop grand) et un joli châle, mais le moral dans les chaussettes. Pour me consoler, je trouve mon Causette au tabac du coin. Et pour carrément réparer le truc, une patiente m’offre des fringues qu’elle a choisies trop petites et que j’enfile comme un gant.

La journée a été dure mais bonne. Je commence à me dire que la vie peut être comme ça : dure mais bonne.

Jour 31 : samedi 9 mars

[Nuit de cauchemars : je suis une grosse sœur qui se greffe littéralement dans le dos d’un de ses frères, ce qui a pour conséquence de me rendre invisible... Ensuite j’assiste passivement à une scène de suicide : une mère a attaché les poignets de son bébé à tout un mécanisme (via des cordes et des tiroirs) qui lui délivre des antidépresseurs en quantité quand le bébé s’agite, ce qui ne manque pas d’arriver en l’absence de sa mère… Puis j’ai repris le boulot, j’ai une classe en charge et je leur diffuse un porno bien trash sur les conseils malavisés d’une collègue… Et histoire de finir en beauté, je me retrouve face à Johnny Boy devant qui je tente de me montrer fière et détachée mais en moins de deux je me mets à ramper devant lui en appelant Odile « Coconne » et en lui demandant si elle est mieux que moi.]

Ils deviennent méchants mes rêves dis donc.

Le gros malaise quand je me réveille, en nage, mais je chasse la déprime assez facilement. Je vais à la bibliothèque renouveler mon stock de livres, je discute une heure au téléphone avec Machérie, je fais une lessive, je cire mes pompes. Et je ne fume pas trop : 4 clopes. Je poursuis ma lecture du moment sur Les états d’âme. Je vous en livre quelques mots et de jolies citations en vrac.

ACÉDIE : état d’âme de l’occident chrétien qui frappait notamment les moines : tristesse, démotivation, découragement.
SAPIDE : qui a de la saveur (du latin sapidus, sage ; contraire d’insipide).
ÉQUANIMITÉ : égalité d’âme.

« Le bonheur c’est de le chercher. »

« Rechercher la joie par décret de la raison. »

« On ne peut pas quitter un endroit où on n’a jamais accepté d’arriver. »

« Si un homme marche dans la forêt par amour pour elle la moitié du jour, il risque fort d’être considéré comme un tire-au-flanc ; mais s’il passe toute sa journée à spéculer, à raser cette forêt età rendre la terre chauve avant l’heure, on le tiendra pour un citoyen industrieux et entreprenant. »

Plusieurs études ont montré que les personnes aliénées par les valeurs matérialistes épuisent plus vite les ressources de la terre.

Jour 32 : dimanche 10 mars

[Johnny Boy me travaille encore cette nuit : je couche avec lui mais il n’ose pas éjaculer parce qu’il a peur d’Odile vu qu’elle a tué son précédent mec en pleine plongée sous-marine… Après ça je me retrouve en vélo ou en voiture, c’est assez indéfinissable comme moyen de locomotion, mais je conduis comme une savate. Je croise un pote devant une église, il me trouve merveilleusement belle, il m’invite dans un magasin de bricolage où je m’encombre d’une énoOorme pince coupante (mon féminisme sécateur ?) que je finis par rapporter au comptoir parce que je n’en ai vraiment pas besoin. Là, je trouve des cartes (de celles que les enfants collectionnent) Totally Spies et celle qui me saute aux yeux est celle où elles se tiennent la main : bon sang mais c’est bien sûr, elles sont lesbiennes !! D’ailleurs, en rentrant chez moi, ou chez quelqu’un d’autre, je ne sais pas trop, je trouve deux cartes : un faire-part de mariage de deux femmes et un autre faire-part disant « on est toujours ensemble » des mêmes nénettes. Après ça je mange des insectes à la télévision.]

C’est une deuxième vie mes rêves, parole, j’aurais plus jamais besoin d’aller au cinéma je crois.

Je fais encore plus intimement connaissance avec R.,  ma nouvelle commensale ; il y a quelque chose entre elle est moi qui commence à s’installer, que je ne peux pas encore définir. Ou que je n’ose pas définir. Dans la journée j’appelle ma fille Chicorée : elle me rappelle qu’elle vient de passer le week-end avec son pépé, c’est-à-dire mon père, où elle a fait de la vannerie avec sa femme. J’ai encore fumé 4 clopes, je commence à croire que peut-être, je vais arriver à arrêter. Bientôt.

Les premiers kilos commencent à se voir sur mon corps aussi : quand je regarde vers mes pieds, je ne vois plus mon pubis. Enfin, juste quelques poils qui dépassent quoi. Ça me procure une joie indescriptible.

La clinique étant toujours très calme le week-end (la moitié des patientes sont en sortie), je peux finir paisiblement mon ouvrage du moment. Derniers extraits :

« Un jour
Un jour je m’attendais moi-même
Je me disais Guillaume il faut que tu viennes
Pour que je sache enfin celui-là que je suis »

« N’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi. »

« Jouis et fais jouir, sans faire de mal, ni à toi ni à personne. »

Ne vous faites pas de mal. Jamais. La vie s’en occupe.

« Bonheur, je ne t’ai reconnu
Qu’au bruit que tu fis en partant »

Tous nos chagrins sont des chagrins d’amour.

« Tous ne peuvent être victorieux en même temps, alors que tous peuvent vivre en paix : cette valeur est donc universalisable, à la différence de l’aspiration à la suprématie. »


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