Ébauches de vertige - Emil Michel Cioran




Pour une dépressive blasée par la marche du monde, lire Cioran c’est comme se regarder dans un miroir. Ça m’a un peu dégoutée, j’ai trouvé ça légèrement obscène de se complaire à ce point dans le drama. Pour celleux qui ne connaissent pas, sachez que cet hypocondriaque fasciné par le suicide a vécu jusqu’à l’âge honorable de 84 ans.

Cet opuscule est un recueil de pensées vagabondes, de coups de têtes, de colères mal digérées, d’affirmations autocentrées et somme toute assez vaines - « la lie de son esprit » apparemment. Cioran, champion de la fulgurance égoïste. Je vous en confie quelques-unes que j’apprécie particulièrement. Moi aussi j'ai confié la lie de mon esprit à des pages blanches.

Mais aujourd'hui j'en suis sûre, on peut réparer le chaos.



Quiconque est assez insensé pour s’embarquer dans une œuvre, de quelque nature soit-elle, ne tolère pas, au fond de lui-même, la moindre restriction sur ce qu’il fait. Ses doutes sur soi le minent trop pour qu’il puisse affronter encore ceux qu’il inspire aux autres.

On n’écrit pas parce qu’on a quelque chose à dire, mais parce qu’on a envie de dire quelque chose.

Toute concession qu’on fait s’accompagne d’un amoindrissement intérieur dont on n’est pas conscient sur le coup.

L’ennui est un état supérieur, et c’est le rabaisser que de le mettre en rapport avec l’idée de travail.

Par souci thérapeutique, il avait mis dans ses livres tout ce qu’il pouvait y avoir d’impur en lui, le résidu de sa pensée, la lie de son esprit.

L’illusion enfante et soutient le monde. On ne la détruit pas sans le détruire.

Dans les familles fêlées, un rejeton surgit qui se voue à la vérité et qui se perd en la cherchant.

Plus on a subi d’injustices, et plus on risque de verser dans l’infatuation ou dans l’orgueil carrément. Toute victime se flatte d’être un élu à rebours et réagit en conséquence, sans se douter qu’elle rejoint par là le statut même du Diable.

On ne répare pas le chaos.

Je n’ai rien inventé, j’ai été seulement le secrétaire de mes émotions.

Nous sommes déterminés mais nous ne sommes pas des automates. Nous sommes plus ou moins libres à l’intérieur d’une fatalité… imparfaite. Nos conflits avec les autres et avec nous-mêmes ouvrent une brèche dans notre geôle, et il est vrai qu’il existe des degrés de liberté, comme il existe des degrés de pourriture.

Commentaires

À lire

Le Tzolkin : les bases

Hard Lemon - Volubilis

Le Tzolkin : pratiques personnelles

Vassilissa la très belle

Le Roman de Tristan et Iseut - Joseph Bédier / IV - Le philtre

Joyeux Noël... Norman Rockwell !

Cape à capuche

Le Roman de Tristan et Iseut - Joseph Bédier / VII - Le nain Frocin

Marmite norvégienne

Bob le Blob