Sororisation générale - Chloé Delaume
L’expérience commence… C’est Chloé Delaume au micro de France Culture pour le Week-end Imagine au
Centre Pompidou, qui nous livre un texte inspiré de son ouvrage Mes bien chères sœurs et
performé aux côté de la musicienne Sophie Couronne et la comédienne Elisa
Monteil. Tu vas comprendre ce que sororité veut dire. Attention, pépite.
Ça va envoyer du bois : tu vas apprendre des mots (comme
sestralité ou uxoricide), des concepts et recevoir quelques conseils pour
mettre en actes tous ces mots. Qui veut jouer à BADABOUM avec moi ?
Le patriarcat bande mou. D’avoir
giclé partout depuis l’invention de Moïse, sa prostate se nécrose. Des siècles
d’hégémonie, la boue faite de nos sœurs, le saint-doux de père en fils,
prédation affichée, paternalisme sournois, domination acquise. Le pouvoir pour
alcaloïde et l’assurance des ogres qui reçoivent, attablés. Sélection naturelle
et concurrence vitale. Quelque chose est pourrie au royaume de la flaque. Les
indices et symptômes croissent et se multiplient. À se contempler jouir de son
impunité, le mâle alpha n’a pas vu surgir l’obsolescence de ses propres
attributs et fonctions symboliques.
Vigueur, combativité, courage,
maîtrise, les canons occidentaux antiques sont en cours de fossilisation. Le
mâle alpha s’éteint, ses pouvoirs s’amenuisent. L’époque est historique et les
faits indéniables. Les critères et fictions virilistes se périment à mesure que
la technologie se substitue à l’humain. Force et puissance physique : les
muscle de ces messieurs, l’automation s’en branle. Drones et exosquelettes partout
se greffent et se déploient.
Les formes et stratégies
d’oppressions séculaires s’avèrent déjà inefficaces. Intimider un algorithme ne
relève pas plus de l’envisageable que de culpabiliser une base de données. Les
logiciels sont insensibles au chantage affectif, l’intelligence artificielle hermétique
aux effets de la testostérone. Au contact de la quatrième révolution
industrielle, la phallocratie devient soluble. Tous égaux devant le chômage et
les applications de rencontres. Des corps usés, nervures dissoutes, de la
viande au rabais qui à force de râteaux s’est tellement attendrie, c’est dur de
distinguer l’identité sexuelle de la chair à pâté, quel que soit le marché sur
lequel elle échoue.
Le couillidé ne contrôle plus rien
mise à part la taille de sa barbe. Les
jeunes filles codent et les enfants rient de la fable du chevalier. Évolution
des mœurs et des pratiques de vie. Sur les écrans trop de héros. Dans la
réalité, « protéger » est un verbe qui ne se conjugue plus qu’à
l’échec antérieur. Le mythe du papa-tronc, pilier sécuritaire, se consume à
même la souche. En sachant le roi nu, plus personne ne se veut prince. Un
sceptre, une dynastie. Faillite pour héritage et anosognosie, des châteaux en hospices, vue sur le bilan carbone, la
corruption transmise de gourdin en gourdin. Les trésors de papi, la jeunesse le
remercie mais elle n’a pas de placard dans sa colocation.
C’est l’histoire d’une espèce qui se
regarde dans le miroir sans admettre que son visage est celui de Donald Trump,
ni que le monothéisme lui fait une vilaine peau. C’est l’histoire de la chute
du vieux papatronat, à l’heure où la
puissance ne sait plus dans quel corps elle devrait s’incarner. C’est l’histoire
du pouvoir qui soudain change de camp.
Au commencement était la Toile, le
couillidé pris dans ses fils, sélection sous twitelle et concurrence virale,
bouleversements et crises, environnements pluriels, numérique et virtuel.
Maintenant dans l’open-space, tout le monde entend crier.
Abois, effondrement, certains y
voient une traque, déplorent que désormais au bureau niveau ambiance, avec ces
hystériques on peut plus faire une vanne. C’est pas la fête du slip.
Certainement, c’est une traque. Spécimen
prédateur, autre main, autre trique, dans les bureaux des femmes en même temps
que l’alarme un cor sonne l’hallali.
Depuis que s’est craquelé le lac
d’indifférence, par un trou dans la glace les cadavres de stagiaires refluent à
la surface. Une odeur de sirènes en décomposition, bacchanales faisandées de
promesses frelatées, les narcisses repêchés empestent la naïveté et les larmes
croupies. C’est une vraie infection.
Équité absolue, précarité partout et
privilèges nulle part. Face à la fin d’un monde le sexe importe peu et tout
fait mauvais genre. Transition observable, pas besoin d’être sybille pour lire
dans les entrailles des selfies retouchés.
C’est l’histoire d’une espèce qui
s’est crue le génie d’un miroir qui se fissure, conjonction de mouvements et
séismes multiples qui actuellement convergent. Mœurs et économie, société et
outils, informations, savoirs, accessibilité, circulation, paroles, gestes et
changements d’urgence sur planète agonique.
Binaire ou gender-fluid, transition vers la mort, à chacun de gérer. Un queer vaut mieux que deux choléras
admettra grand-papa en regrettant que le cloud
ne puisse pas l’héberger. Individualité partout, patriarcat nulle part. L’exil
est impossible et l’abuseur cerné. Abrogation concrète, dégraissage des usages.
Désolé, ça sent le fauve, il est
temps d’aérer.
C’est l’histoire d’une espèce qui ne
sait pas s’adapter, déplacement des enjeux autant que des espaces intimes,
privés, publics ; mutation des tissus sociaux, transformation de la
cellule familiale ; famille par toutes, famille pour toutes ; des
papas, des mamans, une activité de groupe, structures et liens s’inventent,
adaptés, inédits. Les noyaux se fissurent, les places se redéfinissent, comme
les identités. L’hétéro-normatif lui aussi se dissout au contact du réel, le propre du vivant c’est de créer la surprise…
La
chaîne de reproduction prône son autonomie. Les ventres femelles
rappellent : qu’importe la poule ou l’œuf, l’important dans l’histoire
c’est qu’on se passe de coquelets. Les spermatozoïdes nécessaires mais
discrets. Transmutation des mœurs et techniques génétiques, PMA, GPA…
Du haut de la pyramide alimentaire,
le couillidé perd ses dents et cela le chagrine, il y tenait beaucoup.
En mémoire des souvenirs des incisives, en mémoire des parquets que nous eûmes
tant rayés, les organes se recyclent et le sperme se congèle, les dents, des
organes durs, implantées dans les os. Avant de disparaitre, peut-être que
chaque espèce fait un dernier cauchemar ? Avant de disparaitre peut-être
que chaque espèce se demande pourquoi elle maintenant et pas plus tard ?
Les
poses masculinistes scintillent dans le formol et les taxidermistes
s’impatientent chez Deyrolle. Le
mâle dominant découvre qu’autour de lui les femmes le trouvent moins attractif
que n’importe quel gay. L’intime est politique et les enfants du queer
s’amusent à touiller le trouble dans les chakras béants. Alchimie barbotante,
invocations sorcières, les sorts sont mis à jour, passés au micro-onde puis
plongés dans l’eau froide, ajoutez du bromure et une pincée de mots-dièses, les
consciences en direct se mettront à bouillir. Le gras remonte à la surface, sa
traçabilité étrangement translucide.
Des
billes de vif-argent, des chenilles de mercure tordent leurs cheveux verts, le
thermomètre se brise dans un éclat de rire. Du vibro ou de la bite, ce que
maman préfère, il suffit de demander. Tout l’or des coups de reins devient le
chant d’un batelier au creux des tables de nuit, le tiroir aux petites morts.
Autonomisation de l’orgasme à l’échelle nationale. Le marché des sex-toys
poursuit son explosion tan dis que celui des piles alcalines progresse depuis
dix ans sans que le quotidien n’ait été envahi de nouvelles télécommandes ou
d’appareils hi-fi sans prise, câbles, connexions… L’intime est politique, le clitoris en 3D et le tri sélectif.
L’environnement
se meut. L’aube, cette fois c’est certain, dévorent les crépuscules. Mœurs et
techniques de vie, les réseaux se déploient, extensions persistantes pour un
changement de climat et des gueules d’atmosphère. La lutte des arcs-en-ciel,
les combats remportés, le mariage des licornes, révolution des cœurs et du
nombre de battements aux marches des mairies ; étoffes, triangles roses,
palpitantes, mémorielles, rehaussées de sequins, le code civil à la main ou à
la boutonnière. La lutte des arcs-en-ciel. Il en reste des anges. Tant de
siècles et tant d’âmes broyées de ne pas répondre aux normes universelles de
sécurité mentale hétéro-planifiée. Avant d’être sur un char, festoyant la
gay-pride au milieu de ses ami·es, c’était dans
l’ambulance, direction un endroit où on va te soigner que, sanglées de cuir,
les licornes ruaient dans les brancards. L’homosexualité déclassifiée en France
comme maladie mentale : juin 1981. Jusque-là pas le sauna mais le
sanatorium. Jusque-là quand une mère enfantait une licorne, elle avait des
problèmes avec sa belle-famille. Le mariage des licornes : le couillidé
s’étrangle, du vent sur le parvis. Le sang des anges, des grains de riz, le
parcours, la trachée… Tonton, pourquoi tu tousses ? Pourquoi papa
s’étouffe ? Où est passé Charlie ? Parfois, lorsqu’un anneau s’étrenne
à l’annulaire d’un corps en transition, un fin duvet brumeux et humide gonfle
le ciel. Les bustes de Marianne sourient et des cristaux de pluie virevoltent
en courant d’air. Ça pique les yeux. De la neige de verre. Ce sont les anges
martyrs, invertis, double peine, les déchirés en deux, le nez dans une
enveloppe de chair inadaptée. Sur leurs ailes les crachats ont été si nombreux.
Quand elle est culturelle la haine se
sédimente. Le fantôme d’une coccinelle les regarde s’ébrouer, le
ciel de la mairie se paillette, en nuées s’enchante un carrousel. Le mariage
des licornes. Liberté et égalité, individu et citoyen, certificat,
épouse-épouse, époux-époux, qui fait la femme ? se demande secrètement en
les félicitant un membre de la famille.
Conjonction
de courants et de tempêtes multiples qui actuellement convergent. Déplacement
des urgences. Analyse des lipides et du bilan carbone. Saturation de l’air.
Mesure face au délit. Pas besoin de sortir de Delphes pour lire dans le marc
d’hashtags, ni que les astres soient alignés. L’apocalypse d’après Weinstein.
L’avènement de la révélation. Les cavaliers sont en peignoirs et les porcs
balancés dans un étang de feu. L’extinction de l’espèce avec elle un système,
croyances et traditions. Le post-patriarcat n’est pas une utopie et à l’ère
numérique les espaces se multiplient comme le temps s’accélère. Les faits
s’accompliront. Mois à mois, décennies. L’autorité,
déjà, comme la honte, change de camp.
De
la cendre d’os de porc on fait la gélatine composant les capsules de nos
médicaments, le silence des agnelles dedans réduit en poudre, le couteau sous
la gorge et une langue dans la bouche, même les anxiolytiques deviennent durs à
avaler. Des siècles de soumission, la voix basse et passive, proie, pâture,
cible, à table ! servez-vous tant que c’est chaud.
Révolution
haut-le-cœur, le corps social se cabre de voir jaillir l’acide, ses ulcères
sont vivants, les abcès en collier se déroulent, se dévident, perle à perle,
fil à fil, des ongles percent les miroirs. La vérité éclate et partout se
répand. Paroles et gestes toxiques, digestion impossible, refluant, déferlante,
harcèlements, agressions, un océan de tweets et la loi agitée. L’apocalypse
d’après Weinstein, le réel se dévoile tel que le subissent les femmes, toutes
les femmes, quelle que soit la façon dont elles le sont devenues. Perçues comme
femmes, traitées comme telles, aucune classe sociale n’y échappe. Au
commencement était #MeToo. Enfin… presque. Depuis que les réseaux existent, la
quatrième vague féministe derrière les écrans se préparait. Internet libéra la
femme là où Moulinex a échoué.
J’écris
de chez les féministes hétéros qui se maquillent. Je serais volontiers restée
chez les lesbiennes mais on ne fait pas toujours ce qu’on veut. J’ai été
homosexuelle pendant 18 mois, un peu avant l’apocalypse de 2012. J’écrivais
alors de chez les High Fem, c’est comme ça qu’on appelle les lesbiennes qui se
maquillent et portent des escarpins. J’écris de chez les ex-bonnasses, les
suffisamment cotées sur le marché pour avoir reçu des appels d’offres et avoir
reçu le choix des options. J’ai été pute pendant 3 ans, c’était juste avant
l’an 2000. On appelait ça « hôtesse de bar » : la fellation sur
place, la baise à emporter. J’écris de chez les tox’ des boîtes à pharmacie,
les thymo-déréglées, les internées, les dépressives, les maniaques, les
bipolaires, les psychotiques, les obsessionnelles, les phobiques, les sur-émotives.
Celles qui régulièrement arrêtent de suivre leur traitement et ont envie de se
pendre passé moins d’une quinzaine. Celles qui compensent et décompensent. Les
boulimiques, hyperphagiques, celles que des gens croient enceintes tant leur
ventre en peu de temps est devenu énorme. J’ai lu tous les regards sur mon
corps, du lubrique au dégoût. Connu l’œil effaré qui saisit la vendeuse quand
on lui demande si elle a cette robe en 46 ? Abusé de la patience dont peut
faire preuve un homme face à des cils battants en 90B. Si j’ai reperdu du
poids, c’est ça cause des vêtements. J’écris de chez les connasses qui font du shopping,
les adoratrices du vintage, les nostalgiques boudoir-cocotte, les esthètes de
la penderie, les suicidaires de carte bleue hors soldes, celles qui parfois ne
se lèvent que de pouvoir s’habiller. Celles qui passent pour l’ennemi, qu’elles
soient lesbiennes ou pas dans n’importe quel milieu un chouïa militant pour
cause de sursapage. Que celles qui n’ont jamais subi un concert de djembé en
sandales à talons cessent de mentir tout de suite.
J’écris
de chez les vraiment toutes seules, les orphelines, les nullipares, les
célibataires à Paris, celles sans attaches ni branches qui dans le réel
flottent, qui s’écrivent à la craie, leurs vies faites de falaises, qui ne
savent pas qui prévenir en cas d’accident. J’écris de chez les sans-familles,
celles qui doivent s’inventer chaque jour, de chez celles qui en rigolent,
c’est une question de principes, la faiblesse est toujours une maladie
honteuse. J’écris de chez celles qui ont des douleurs menstruelles effroyables,
des bouffées de chaleur précoces et qui n’osent plus s’en plaindre de crainte
d’être traitées d’essentialistes. Celles qui culpabilisent de ne pas être assez
fortes, celles qui ont mis longtemps avant de crever leur trouille, celles qui
perçoivent une sœur dans le cœur de chaque transsexuelle et admirent leur
courage au point de puiser dedans, devenir celle que je voulais, personnage de
fiction. J’écris de chez les chieuses, les princesses hystériques authentiques
drama-queen, le donjon de la reine des pommes, les tellement meufs que
dépassées, trop à l'aise avec leur féminité dans le débat public obsolète.
Celles qui paraissent suspectes d’avoir trouvé leur place, celles qui doivent
avoir honte d’être des proies faciles, celles qui devaient s’adapter pour ne
plus être des cibles, celles qui désormais voient qu’elles forment partout
légions mais ne savent pas tellement, une fois quittés le clavier et l’écran
comment faire pour qu’enfin le réel se modifie. J’écris depuis 20 ans. En
France, aujourd’hui, les écrivains c’est seulement 30% de femmes. Le langage a
toujours été une chasse gardée. Qui possède le langage possédera le pouvoir. La
vérité des faits est dans Lewis Carroll, de l’autre côté du miroir : « La question, dit Alice, est de savoir
si vous avez le pouvoir de faire que les mots signifient autre chose que ce
qu’ils veulent dire. » « La question, riposta Humpty Dumpty, est de
savoir qui sera le maître, un point c’est tout. » Je suis maîtresse en
ma parole et pour le partage du pouvoir, le langage, le choix de chaque mot
relève du politique. La question est de savoir comment s’en emparer.
***
« Sororité »,
substantif féminin du latin soror,
sœur. En latin médiéval, désignait une communauté religieuse de femmes.
Rabelais l’a fait sortir de l’enceinte du couvent après le XVIe siècle. Le mot
sororité devient une communauté de femmes ayant une relation, des liens,
qualités, état de sœurs. Hors de la loi et la famille. Une relation, l’état de
sœurs, le sang n’y est pour rien si ce n’est le menstruel, une solidarité,
rapport de similitude, le partage d’une condition en dépit de ses pluriels.
Hors de toute hiérarchie et même sans droit d’aînesse, une relation, des liens.
Ici pas de mamatronne. Qualité, état de sœurs. Un mot plutôt joli, quatre
syllabes rondes, souriantes, qui encerclent, susurrent la possibilité d’une
union féministe en milieu naturel. Dès le XVIe siècle la langue le permettait.
Puis le terme a disparu totalement de l’usage après le XVIIe, ça a duré
longtemps, on se demande bien pourquoi ?
Hypothèse 1
Hypothèse
1 : l’Église appréciait peu qu’en dehors des couvents des regroupements de
femmes solidaires hors contrôle puissent être envisagés. Du coup ses
représentants expliquèrent que c’était mal de trainer entre filles parce que ça
rend lesbienne, ce qui déplait à Dieu au point d’ouvrir l’enfer à qui s’en rend
complice.
Hypothèse 2
Hypothèse
2 : les hommes appréciaient peu qu’hors de leur autorité les femmes
s’imaginent exister. Par la sororité surgit l’indépendance, l’autogestion, pire
encore : l’auto-détermination. Du coup ils convainquirent leurs épouses et
leurs femmes d’écouter le curé et de se concentrer sur les charges domestiques
et la reproduction de l’espèce.
En
1634, un homme d’Église et d’État, le cardinal de Richelieu, fonda une
institution encore en fonctionnement, l’Académie Française. Depuis janvier
1635, la mission de celle-ci est de veiller sur la langue, de la normaliser, de
la perfectionner, de l’uniformiser. On pouvait dire « autrice » dans
le langage courant, comme on disait « lectrice » à l’époque. La
féminisation des métiers s’appliquait de soi. Il s’agissait alors de nommer le
réel ou de l’anticiper. Le dictionnaire n’est pas responsable, ce sont les
hommes en habit vert qui s’escriment à le mutiler. À la pointe de l’épée les
curetages se succèdent, les mots et leurs vertus peu à peu rapetissent et
bientôt s’évaporent. Quand un mot n’est plus dit, qu’il n’est plus prononcé, ce
qu’il désigne aussi disparait des esprits.
L’Académie
Française : des hommes régissent la langue. Le patriarcat sévit en
immortel depuis 1635. Une communauté de femmes, soudées et solidaires, juste
parce qu’elles partagent quoi ? La possibilité de décéder en couche ?
La culpabilité de ne pas mourir à la guerre ? Une communauté de femmes, ce
qu’elles peuvent faire ensemble, mise à part caqueter dans de nouvelles
toilettes ruineuses pour le ménage ? Notons que dès le XVIIe siècle, la
question s’est posée et fut vivement réglée. Une communauté de femmes liées dans
un état de sœurs : manquerait plus qu’elles s’instruisent !
Le
mot sororité est sorti de l’usage et s’est fossilisé. Une communauté de femmes,
c’est un ressort comique, en France dans nos classiques comme la réalité.
Les précieuses ridicules
est une pièce de Molière représentée à Paris en 1659. La Commission des Précieuses Ridicules est le surnom endossé par
les chercheuses qui travaillaient avec Yvette Roudy pour féminiser les noms de métiers, les grades et les titres auprès
de l’Académie Française en 1984. « Le Français est la langue de Molière,
ici reste l’héritage maudit des femmes savantes. »
Même
celles des années 80, pourtant femmes jusqu’au bout des seins et ayant réussi
l’amalgame de l’autorité et du charme selon Michel Sardou, ce qui n’est pas
nommé n’existe pas. C’est valable tout le temps et parfaitement partout. Ne
négligez pas l’impact de la chanson française, surtout de variété, sur la
population.
Sororité,
communauté de femmes ayant une relation, des liens, qualités, état de sœurs.
L’important c’est de comprendre qu’en oubliant que ce mot existe, les femmes
ont perdu le concept avec, autant que les hommes qui les regardaient. Sororité,
ça voulait dire : les femmes deviennent une caste, une classe, plus
dangereux que le communisme à l’échelle internationale, un incendie dans chaque foyer. Aucune révolution ne
fera tomber le gland de la phallocratie. On peut tuer le roi et dénoncer son
frère, mais la bite, on ne touche pas, sauf si papa demande.
Lorsqu’un
mot disparait de l’usage, c’est que plus personne n’en a l’usage, souvent parce
qu’il désigne quelque chose qui n’existe plus. Par exemple les vespasiennes, le
métier de rémouleur, la notion de cadre maison ou les wagons fumeurs. Il arrive
par ailleurs que certains mots perdurent au fronton d’édifices qui se veulent
rassurants bien que tous aient été évidés de leur sens : liberté, égalité,
fraternité par exemple.
« Fraternité »,
de frater, frère. Tout comme
sororité, fondé sur le latin médiéval. Un rapport fraternel, des liens
fraternels, un lien affectif et moral. Frères hors du sang mais bien frères
d’armes qui guerroient et connaissent le rire du sergent ou à défaut se défient
chaque soir, courbés, tendus, écrans, manettes. Fraternité universelle puisque
l’homme prit une majuscule et le relais immédiat des dieux pendant que nous
préparions le dîner. C’est important de bien manger.
Sororité.
Les Parisiennes vont chercher le roi à Versailles le 5 octobre 1789. Le peuple
a faim, elles veulent du pain. Une fois que les grilles ont cédé, les émeutiers
poursuivent, faire la révolution : une affaire de bonhommes. Elles ont été
utiles mais que ça reste discret et qu’elles soient bien mignonnes de rentrer
coucher les gosses, d’autant que sans surveillance, ils doivent faire des
conneries.
Si le mot sororité avait été d’usage,
la façade des mairies aurait été changée : liberté, égalité, sororité par
exemple ; et les bustes de Marianne auraient probablement deux tailles de
bonnet de moins.
Les
mots sororité et fraternité, bien qu’apparus ensemble, n’ont pas eu le même
destin. Pour autant, aujourd’hui, en ce qui concerne la devise républicaine, pardonnez-moi
mais j’y reviens, fraternité : obligation morale, devoir de la nation
envers ses citoyens, droit à la protection de la santé, la sécurité matérielle,
le repos et les loisirs, les congés parentaux, la retraite des travailleurs.
Est-ce qu’un mot garde son sens quand tout ce qu’il désigne est devenu
obsolète ? Est-ce qu’un mot a sa place quand tout le monde le défend mais
que plus personne ne le ressent, ne l’applique ni ne l’utilise ? C’est
quand même une question qu’il est sain de se poser.
Pensez-vous
qu’aujourd’hui les Parisiennes forceraient les grilles de l’Élysée pour
réclamer du pain, l’égalité des salaires, le droit aux congés menstruels, la
PMA pour les copines, un bon d’achat pour un produit du groupe LVMH, faire un selfie avec le chien présidentiel ?
Merci de développer, exercice en une heure.
Sororité,
substantif féminin du latin soror,
sœur, tout comme le mot fraternité est tiré du latin frater. Tandis que le mot fraternité connait un succès
retentissant, sororité depuis des siècles a été jeté aux orties, peut-être même
enfoui profondément sous terre, exprès, le plus profond possible. Sororité
fossilisée, de la roche, un petit caillou, une boule végétale mais si sèche, des
syllabes qui semblent étrangères et parfaitement inanimées. Sororité : le
mot dort sous terre, on le croit mort, il va se réveiller…
Nous
sommes dans une forêt française, peu avant 1940. Un campement, des jeunes
filles, une communauté de filles et un état de sœurs. Ensemble, ce soir-là,
elles cherchent autour du feu comment nommer leur lien. Elles portent un
uniforme : chemise, foulard et jupe-culotte. Elles appartiennent aux
scouts de France. Activité non mixte, un rapport spécifique entre femmes, un
usage, une nécessité de nommer ce qui existe. Autour du feu, après les chants,
les filles s’interrogent sérieusement : trouver le terme équivalent serait
d’utilité publique. Un scout est toujours prêt à faire une bonne action. Les guides
et les aînées recherchent dans leur manuel, leurs souvenirs, leurs leçons de
vocabulaire, d’éventuelles pages du Nouveau Testament. Lapinette Pieuse et
Loutre Savante ne peuvent se résoudre à l’hypothèse de parler une langue non
équitable. Un mot existe quelque part puisqu’elles en font ici l’usage. Hélas,
dans ce campement, en pleine forêt française peu avant 1940, aucune n’a amené
de dictionnaire, ni prêté attention au sac de couchage vide dans la tente des
louvettes. Fracas. Chutes. Hurlements. L’écho d’un éboulement qui engloutit
lentement le dernier appel au secours. Identification. Chevrette Curieuse, neuf
ans. L’infortunée enfant, par l’envie emportée s’est éloignée des tentes vers
les profonds fourrés. Aussitôt, c’est la meute toute entière qui s’élance, en
s’armant de courage, de lampes torches, d’une boussole, de cordes et de bâtons.
Pauvre Chevrette Curieuse, une plongée dans la pierre, le cœur des bois
profonds n’est jamais fait d’argile. Le sang n’y suffit pas, des larmes et de
la sueur, des nœuds et des astuces, l’urgence, entre filles… bonne action. En
magie, sang, larmes, sueur, ça donne corps à la force mentale, ce sont des
extraits de vie pour que prennent vie les souhaits. Peut-être que c’est pour ça
qu’en tombant dans l’abîme où le mot sororité avait fossilisé, le sang de
Chevrette Curieuse, ses larmes autant que celles de ses sœurs paniquées, la
sueur de leurs efforts, le mot sororité est revenu à la vie.
La
faculté de reviviscence, certains mots l’ont, tout comme ces plantes qui au
contact de l’eau reprennent forme et croissance. Une Rose de Jéricho, plante de
résurrection, désert, fleur de rocher.
Peu
avant 1940, le scoutisme féminin déterra le mot sororité de l’oubli afin de
l’utiliser durant quelques années avant de lui préférer le terme de sestralité de manière définitive. Ce
sont les faits réels, les données à retenir… mais vous savez très bien que sans
sacrifier une chèvre on ne peut pas maintenir l’attention de l’auditoire.
Sororité,
utilisé et rejeté au profit de sestralité. Le mot était adapté, aussi n’est-il
pas incongru de demander pourquoi. « Sestralité sonne mieux, semble plus
élégant », « variété des nuances » : arguments non
recevables, ici pas de poétique, ce qui se joue ici relève du politique et en
dépit du plomb, pas d’alchimie du verbe.
Qui
était attentif avancera sans axiome une probabilité : scoutisme et guides
de France, foi, pratique catholique, un lien avec l’Église. La formule reste
immuable autant que le danger, couplet au goût du jour mais toujours le même
refrain…
Une assemblée de femmes qui se
délivrent du mal, manquerait plus qu’elles inventent leur propre façon de
penser ! de vivre, de s’organiser, carrément un système. Pire que le
communisme, debout ensemble, pluriel de femmes, qu’entendrons-nous dans nos
campagnes si elles n’accouchent plus de soldats ? Si nos compagnes
désertent nos bras, ne risquent-elles pas de nous égorger ? Aucune instance soumise à un dieu ou un maître n’a
intérêt à voir le mot sororité se propager de bouches en bouches, s’incarner
dans des actes et des comportements.
Copine entends-tu
Le pouvoir de ce mot sur
nos peines ?
Copine entends-tu
Les cris sourds de nos
vies qu’on enchaîne ?
Ohé, féministes,
ouvrières, absolutistes
C’est l’alarme
La sororité modifie le
gout du sang
Et des larmes
Il
a fallu attendre les années 1970 pour que sororité revienne, soit prononcé,
écrit. Ce sont les féministes françaises qui l’ont réinvesti. Aux États-Unis
leurs homologues venaient de composer le terme sisterhood, sur le modèle de brotherhood.
Un néologisme militant, la volonté d’ancrer dans la langue un mot qui désigne
des liens, des affinités, un vécu commun au-delà des classes et hiérarchies,
inhérent au partage de la condition féminine. Ces liens entre hommes avaient un
mot, ceux entre femmes n’existaient pas. Ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Sisterhood en anglais, ce n’est pas sorority, il ne s’agit pas ici de campus
américain, de sororité étudiante, la notion même de sélection et de bizutage,
de hiérarchie, de promesses prononcées, de nécessité de formuler le lien pour
l’acter. Ce que le mot décrit, c’est le mouvement contraire.
Le terme sororité implique
l’horizontal, ce n’est pas un décalque du patriarcat. L’état
de sœur neutralise l’idée de domination, de hiérarchie, de pyramide. La qualité
de sœurs, expériences, âges multiples, le cercle de parole qui s’écoute en
égales. Différentes mais égales. Qui possède le langage obtiendra le pouvoir,
le pouvoir absolu, celui où dire c’est faire. Un féminisme actif, le retour de
sorcières d’autant plus dangereuses qu’elles ont appris le sort d’unité.
« La seule chose que toutes les femmes
partagent, c’est le fait d’être perçues en tant que femmes et d’être traitées
comme telles. » Cette phrase est de Julia Serano et résout la faille des pluriels. Le féminisme devient
soluble au contact catégoriel. Julia Serano est une biologiste et militante
féministe américaine, spécialisée dans les études de genre. Elle n’est pas née
femme, elle l’est devenue après avoir traversé, habité et expérimenté des états
queer et flous vraiment de l’intérieur.
La
sororité n’est en rien une question d’affect, c’est une éthique de vie, ce que
les femmes partagent, qu’elles se trouvent au-dessous ou au-dessus du plafond
de verre. Mieux que le communisme, un féminisme actif. Pour qu’un mot devienne
la vie pas besoin de magie ni de bouc émissaire. Le sang, les larmes, la sueur,
liquider les formules qui ont trop fait recette. De la sororité au féminisme
actif il y a trois pas de fourmis.
La
sororité permet de créer un nous hors de toute hiérarchisation individuelle des
urgences personnelles et combats collectifs. En constance, état de sœurs,
relation, qualité des liens. En fil de soie se tissent des communautés de
femmes qui forment et créent des « nous ». Le mot sororité désignait
toutes ces « elles » qui devenaient des « je », des essaims
de « je » en forme de « nous ». Des « nous », un
« nous » de femmes, de perçues et traitées comme telles.
Sororité,
le mot existe, son réel à notre portée. Le pouvoir vertical est déjà érodé, les
liens se forment en cercle (?) et les femmes s’organisent, elles ont beaucoup
d’alliés, les enfants de papatron n’ayant pas très envie de reproduire le
modèle. Le système patriarcal est devenu obsolète aux yeux mêmes des vaillants
autoentrepreneurs. L’occasion, c’est un fait, relève de l’historique, ce serait
un peu dommage de passer à côté…
C’est
pour ça que j’écris, mes ami·es inconnu·es,
pour que circulent les armes autant que la parole, pour que se pense un monde
hors de toute érection, ni déesse, ni maîtresse. Modifier nos rapports à la
domination, faire brûler les échelles avec les sets de table. Surtout
abandonner les concours de bonnets. En moule à gâteaux ou en seins, reste en
commun la silicone, c’est valable pour la moon-cup alors ne faites pas les
malines. Puisque pas de matriarcat, entendons-nous l’alternative ? Mon ami·e
inconnu·e,
pas mon enfant, ma sœur, outil, sororité, un rapport entre femmes qui
renverserait la donne autant que la devise inscrite sur les frontons.
Fraternité existe, sororité aussi. Utiliser ce mot c’est modifier l’avenir.
Copine entends-tu
Le pouvoir de ce mot sur
nos peines ?
Copine entends-tu
Rire ce jour où ma vie
vaut la sienne ?
Ohé, féministes,
ouvrières, absolutistes
C’est l’alarme
La sororité modifie le
gout du sang
Et des larmes
Rangez vos ( ?)
Être sœur c’est plus
qu’être camarades
Sortez les cisailles, les
hashtags
Qui mitraillent les
grillades
Ohé harceleurs priapiques
adipeux
Courez vite
Ohé prédateurs, attention
petits pourceaux
Ça retweete
C’est nous qui brisons le
cristal
Comme le plafond de verre
Sororales secousses
Neutralisez la frousse
tenancière
Il y a un pays des femmes
Une utopie et une trêve
Et si nous vois-tu
rivales et séparées
On en crève
Ici chacune sait ce
qu’elle veut
Ce qu’elle fait
Qu’elles en passent
Allons inconnu·es
Ce n’est pas que sur
Facebook
Que ça se passe
La sororité, lien et
confiance pour contrer
La déroute
Chantez sans canon
Désormais nous sommes
paroles
Qui s’écoute
La
sororisation, c’est l’action de sororiser. Sororiser, c’est rendre sœurs. C’est
créer, par la qualité des liens une relation qui amène à l’état de communauté
féministe. Une communauté soudée, animée par la même volonté de déjouer les stratégies
paternalistes et la violence sexiste ordinaire, terreau fertile aux viols, aux uxoricides.
La
sororisation c’est aussi former le cercle qui enserre le réel pour le modifier
tout de suite, le rendre respirable, éradiquer les pressions et tensions dans
la pièce, empêcher toute suprématie couillidienne de s’établir. Un pacte tacite
et immédiat. Un pacte de
non-agression, très concrètement, pour commencer.
La
sororité est une démarche consciente, un rapport volontaire à l’autre. La
sororité relève de l’intime et du public, parce que dans le privé faut quand
même pas charrier on a toutes des frangines sur qui on peut compter avec qui on
fait bloc, des piliers dispersés, un socle ou une grosse team. Le mot sororité, c’est toujours pratiquer, faire bande ce
n’est pas le plus difficile. Le plus difficile,
c’est de modifier le regard que l’on pose sur une fille. La méfiance. L’ironie
protectrice. Les tests. Ce qu’on se dit dans sa tête, les tous premiers
réflexes, ce qui va alimenter la dissolution de la sororité au contact de
l’espace public ensuite, aussi.
Pour ça, faire acte de confiance, la
même confiance a priori que l’on a en l’absence du corps, en ligne, dans un
espace virtuel, envers une amie inconnue. De l’empathie, se mettre à sa place.
Souvent l’autre femme aussi a peur, envoyer des signes bienveillants, ne jamais
tirer la première, vérifier que le scud
n’est pas une maladresse. Dans ce cas, et seulement dans ce cas, alors le droit
d’atomiser en appliquant le choc en retour. La sororité c’est pas non plus
« marchez-moi dessus mesdames », on n’est pas chez mémé.
Nous
subissons cette société parce qu’affaiblies par la rivalité, l’agression par
réflexe et surtout la violence dont peuvent faire preuve auprès des plus
faibles les femmes devenues fortes. Celles qui s’en sont sorti. Exercice du
pouvoir et absence d’empathie. Souvent par ailleurs mères, elles se refusent à
être sœurs. À noter également que le syndrome de la schtroumpfette fait encore des ravages indépendamment de l’âge et du
type de milieu. Néanmoins, ne jamais oublier : on ne nait pas mamatronne,
on le devient. Ancienne victime devenue ogresse, de s’être débrouillées seules
leur cœur peut être tanné.
La sororité est une attitude :
ne jamais nuire volontairement à une femme, ne jamais critiquer publiquement
une femme, ne jamais provoquer le mépris envers une femme. La sororité est
incluante, sans hiérarchie ou droit d’aînesse, cercle protecteur, horizontal.
La
quatrième vague est visible, ce qu’il faut c’est l’entretenir, la gorger, la
nourrir, pas se contenter de surfer dessus. La déferlante peut être fragile,
l’occasion historique manquée. Pour ça, il va falloir agir, au-delà de l’écran
et du clavier. Le décalage entre le dire et le vécu est encore abyssal, il faut
que se poursuive l’essor pour que s’affirme le tsunami.
Intime,
privé, public, des astuces à trouver pour l’avènement d’un monde féminin
décomplexé fun et tripant, cela va de soi. Neutraliser la gaudriole, conserver le sens de la rigolade.
Les Français sont de grands enfants,
le jeu est la meilleure des armes. Puisqu’il s’agit au fond d’un jeu de
société, redistribuer les cartes, changer la forme des pions, se déplacer sur
le plateau, inventer d’autres règles. Modifier les enjeux. Le jeu du Badaboum est
un vieux jeu d’adresse et d’équilibre. Le but est d’empiler les pièces de bois
jusqu’à la chute. Une pièce de trop et BADABOUM. Lorsque sur le plateau social
un représentant du papatronat empile les remarques sexistes ou paternalistes,
les joueuses en présence ont pour but de lui faire perdre l’équilibre en les
ponctuant d’un BADABOUM. Je sais que là vous vous dites : « quelle
idée à la con ». Je vous comprends, vraiment, je vous avoue que moi-même
sur le coup j’ai hésité. Mais je l’ai testée pour vous avec quelques copines.
Tu la sens bien, chéri, ma grosse déconstruction ? À partir de deux
joueuses, peut se pratiquer partout, ne convient pas en présence des enfants de
plus de 18 mois.
Ça y est on a un regard. Intervenir
dès lors qu’une femme est en danger, insultée, agressée, harcelée dans un
espace public : les transports en commun, l’open-space du plateau sur
lequel on travaille, l’escalier de son immeuble où s’effondre la voisine. Une
connivence tacite, communauté complice aux liens indéfectibles
Faire le deuil du bitchage et des
glaires clandestines. C’est un vrai sacrifice. C’est un peu comme Buffy, la
mort est notre cadeau. Mais la phallocratie est un mauvais objet nettement plus
adapté.
De même, on évitera d’employer le
terme « connasse ». Même si on le pense très fort. Ce n’est pas de la
censure, c’est juste un petit effort. Le coût d’un trait d’esprit au profit d’autre
chose, quelque chose de nouveau, pour que toutes de notre vie nous soyons l’héroïne.
Appliquer à soi-même le test de Bechdel. Parler chaque jour
avec des femmes de quelque chose qui est sans rapport avec un homme. Attendu
que vous ne pouvez pas dire de mal d’une autre femme, vous devez de part et d’autre
être plus créatives. Peut-être plus sincères aussi. Dépouiller des habites de
la conversation, partager ce qui vous occupe. Nota bene : les enfants ça ne compte pas, c’est comme la
météo.
Ne
plus avoir peur de rien désormais puisque unies. Le patriarcat s’effrite, qui
sont vraiment ces hommes qui nous maintiennent à genoux ? Observez bien l’espèce
nommée « baby boomer » : à droite, la main de ma sœur dans la
culotte du zouave, à gauche les barricades « cimetière des éléphants ».
Bientôt à la retraite, les derniers mâles alpha courent après l’infirmière en
déambulateur. D’ici une décennie tout sera modifié. En attendant, chaque jour
faire face à leurs pulsions en se dressant en groupe, rien n’est plus efficace
que l’intimidation.
Les
fictions virilistes, même les hommes n’en veulent plus. Pour les plus de
50 ans il se peut que se soit foutu mais ça laisse de la marge. Ma propre
génération était adulescente, les trentenaires sont ouverts, les autres sont
des fils. Les us et les coutumes, une question de costumes et d’usage du
langage.
Rappeler
à l’ordre, oui, après tout il faut bien pour que joue l’histoire, qu’il y ait
maitresse du jeu et dans ces nouvelles
règles, aucun être vivant ne prononce « ma petite » devant votre
prénom ni ne dégrade une femme en votre présence sans provoquer votre réaction.
La sororisation c’est une nouvelle partie, où la victime devient par ses sœurs héroïne,
où les femmes sont perçues et traitées dignement.
La
sororisation, c’est expérimenter l’idée d’une connivence à l’échelle nationale,
débouler BADABOUM, joyeusement foutre en l’air ce qui reste des mâles alpha,
pour l’avènement d’un monde qui mérite qu’on soit dedans.
Une utopie à portée de main, livrée
avec son mode d’emploi. Ce serait vraiment dommage de passer à côté.
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