Némésis

Némésis,
par Alfred Rethel, 1853…
ça va chier !



Némésis est une fille comme je les aime… Son nom vient du grec nemeinn, qui signifie « répartir équitablement ». Le surnom qu’on lui donne dans certaines tragédies antiques, Adrastée, signifie « Celle à laquelle on ne peut échapper » ; on la surnomme aussi L’Implacable.

Bref, une bonne copine à moi.

Si vous la croisez, c’est plutôt mauvais signe, c’est pas une rigolote.


Cette – discrète – déesse de la mythologie grecque personnifie la vengeance divine, non pas cataclysmique et aveugle, mais juste et source d’équilibre. En quelque sorte, elle distribue les bons et les mauvais points. Elle punit tout particulièrement l’hybris, la démesure humaine masculine, celle qui consiste à se croire l’égal des Dieux, le truc qui a poussé Prométhée à voler le feu de l’Olympe. Mais pas seulement : elle fesse les enfants désobéissants, venge les crimes d’infidélité ou massacre le trop grand bonheur des nantis.

Ses attributs sont le sablier et la tige de mesure, la roue de fortune, la balance, l’épée et le fléau… elle est parfois ailée, ou montée sur un chariot tiré par des griffons (c’est quand même plus facile pour harceler de remords le quidam trop avantagé).


Némésis,
par Gheorghe Tattarescu (1853)

Elle punit Aura, une nymphe orgueilleuse qui avait mis en doute la virginité d’Artémis. Il est « amusant » de voir que les textes que j’ai trouvé affirment que le châtiment n’a pas été aussi cruel que l’aurait voulu Artémis, qui voulait la voir changer en statue par Némésis… or, sa punition consista à être violée par Dionysos… lui retirant la virginité dont elle était si fière.

D’ailleurs, Némésis se fera surprendre à son tour, par Zeus, qui courait tous les jupons du monde et au-delà… elle repoussa longuement le Dieu tout puissant en prenant diverses formes animales, malheureusement, Zeus en était tout aussi capable qu’elle. Feignant un jour d’être un cygne pris en chasse par Aphrodite, il se réfugia auprès de Némésis qui avait elle-même pris l’apparence d’une oie… blanche donc, puisqu’elle l’accueillit sous le tendre duvet de ses ailes… avant de s’endormir. Suite à l’union qui ne manqua pas d’avoir lieu, elle pondit un œuf qui fut ensuite remis à Léda, femme de Tyndare. Il en sortit Hélène, ainsi que Polux. Ne vous étonnez pas, en suivant le lien, de lire que Léda est aussi considérée comme la victime de Zeus, c’est vraiment la famille tuyau-de-poêle, ces dieux de l’Olympe…

Sur cette fresque de 1560 de Véronèse, visible dans la villa Barbaro, la némésis n’est pas représentée par la femme, mais incarnée par l’homme qui la tient au frein.


Némésis elle-même est née de parents inconnus. Parfois, elle n’a pas de père (quand elle naît, selon les versions, de Nyx, la Nuit, ou d’Anankè, la Nécessité, le Destin, ou encore de Dikè, la Justice – elle naît alors par… parthénogénèse, une reproduction uniquement féminine), d’autres fois, elle n’a pas de mère (elle a alors pour père Océan, ou même Zeus). Ce flou artistique est peut-être dû au fait qu’elle est l’une des Déesses les plus primitives, avatar de la Grande Déesse originelle. Cette primauté lui vaut de n’être pas soumise aux lois des Dieux de l’Olympe et de pouvoir agir en toute autonomie.

Plus tard, dans la mythologie latine, elle devient la patronne des gladiateurs. Ces hommes (et ces femmes !) tâchaient de mériter leur gloire et leur fortune, ou encore de se racheter une conduite, dans la douleur... un truc qu'elle devait kiffer !

Dès l’Antiquité, et encore aujourd’hui, le nom commun némésis désigne la vengeance et la juste colère, et par extension l’Ennemi.

Mais ce n’est pas tout…

En 1984 (mon année de naissance !), un chercheur de l’Université de Berkeley, Richard A. Muller, utilise son nom pour désigner une étoile hypothétique, compagnon de notre cher Soleil. Hypothétique car elle n’a jamais été observée, ni même détectée.


On soupçonne son existence à partir de la périodicité des grandes extinctions des espèces vivantes de la Terre, dont on l’accuse sans détour. Elle serait une toute petite étoile, plus légère, moins brillante que le Soleil, forte d’une période de 26 millions d’années. Lorsqu’elle est au plus près du Soleil elle fout un bronx monstre dans le nuage d’Oort, où se trouve un grand nombre de comètes, ce qui provoque la ruée de ces corps célestes dans notre système solaire – et donc potentiellement sur notre planète. Ainsi seraient morts les dinosaures.

Quoiqu'en cherchant un peu vous trouverez des allumés qui vous expliquent qu’elle est très réelle et très proche et serait la responsable de l’inversion des pôles et des dérèglements climatiques, je vous rassure : son existence est très contestée, et si tant est qu’elle existe, elle serait aujourd’hui, logiquement, à son apoastre, c’est-à-dire à son point le plus éloigné du Soleil.




La Vengeance (avec un V, comme Volu), c’est pas pour tout de suite…

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