Comment parler du cinéma ?
« La séance de cinéma donne souvent lieu à des débats, des rencontres ou des animations de nature très diverse mais qui vont s’appuyer naturellement sur ce besoin ou ce désir de réaction présent chez beaucoup de spectateurs. L’objet des réflexions proposées ici est précisément de fournir aux animateurs quelques pistes pour mener un tel débat à propos d’un film vu de façon collective. On précisera cependant immédiatement que ces réflexions porteront sur les différentes dimensions du film et non sur l’exploitation éventuelle des thèmes dont traite tel ou tel film. Le cinéma est en effet un art de la représentation, et, dans une discussion, l’on passe très facilement du film à la réalité qu’il évoque plus ou moins directement ; mais il ne saurait être question d’aborder ces réalités nécessairement diverses, exigeant sans doute de multiples compétences qui ne peuvent être le fait d’un seul animateur.
On insistera précisément ici sur les différents aspects d’un film qui, dans les débats, est facilement réduit à n’être qu’un prétexte à la discussion. Rarement en effet, le film est considéré comme un véritable interlocuteur, et son propos est souvent considéré comme évident et immédiatement compréhensible par tous. Or, comme on essayera de le montrer, les choses ne sont sans doute pas aussi simples, et l’intérêt du cinéma (ou plus exactement un des intérêts du meilleur cinéma) est de nous proposer une représentation souvent problématique, complexe, nuancée et parfois ambivalente de la réalité. En outre, un film se réduit rarement à un propos, à des idées ou à des thèmes explicites et encore moins à un discours plus ou moins démonstratif : d’autres aspects — esthétiques, émotionnels, affectifs, imaginaires… — méritent d’être pris en compte et discutés avec les différents spectateurs. Ce sont ces aspects proprement filmiques qui retiendront ici notre attention.
Un « spécialiste » du cinéma ne dispose d’aucune autorité particulière, ni d’un savoir spécifique, pour interpréter un film ou même ses traits spécifiquement cinématographiques : face à des caractéristiques esthétiques remarquables — par exemple l’utilisation du plan-séquence dans Elephant de Gus Van Sant ou la caméra portée dans Rosetta des frères Dardenne —, l’analyste du cinéma ne dispose pas d’outils propres qui lui permettraient de déterminer le sens, la valeur ou l’effet de ces différents traits, et il recourra en réalité à des hypothèses de sens commun ou bien encore à différents savoirs (psychanalyse, philosophie, esthétique…) extérieurs au cinéma pour en donner une interprétation. »
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