Soleil. Soleil. Soleil. Foin.
Où nous trouvons une raison de plus de
ne pas porter de soutien-gorge.
Le cul calé
comme il peut à l’arrière de l’andaineur (Andex PZ 420…), ça crapahute sec. Ça
vous remplit les oreilles, ça vibre, ça secoue. Un truc de malade. Parcourir
chaque mètre carré d’herbe coupée, en faire un petit tas bien joli, bien
régulier, tout en longueur.
Sous une chape
de soleil de plomb.
Le dos étalé
sur une botte renversée, je le regarde passer. Le ciel est d’un bleu qui
rendrait jalouses les ailes d’un geai. Il y a un nuage, ni plus, ni moins, et
encore, il s’effiloche, s’estompe, disparaît déjà. Ma main est dans ma culotte,
le bouton de mon jean a glissé, mon t-shirt donne ma peau au soleil, soleil,
soleil. Foin. Qui pique mes épaules, qui gratte le bas de mon dos. Ma main
s’agite.
Sous un soleil
qui pique, plisse les yeux.
Après
l’andainage, le pressage, puis l’alignage, enfin le rangeage.
Pressage :
ça fait tchac tchac tchac, sous le vrooooooooooooooom constant, c’est le bras
mécanique, qui monte et qui descend, qui range, serre, presse les brins secs,
cassants, acérés.
À la sortie, un
pavé d’herbe, lourd et piquant, qu’il
faut saisir par cette ficelle tellement tendue qu’elle vous cisaille les
doigts, même sous les gants.
Sous un soleil
assommant, qui pleut comme vache qui pisse. Un vent, parcimonieux, qui vous
fait tout juste croire qu’il va vous
rafraîchir.
La nuque
offerte aux rayons qui mordent, aligner les 500 bottes que la machine a
patiemment conçues. Rassemblée deux lignes en une. Traîner une botte sur deux,
la porter pour les mastocs, la faire rouler pour les minitocs. Garder à
l’esprit que celles qui sont restées au soleil sont plus légères que celles qui
nous ont attendues à l’ombre. Ne pas les compter.
Sous un soleil
sans pitié pour les peaux douces, pâles, fines et tendres des jeunes filles en
fleur.
Le corps en
étoile, un instant étendu à l’ombre du bois, boire le litre de flotte que vous
venez de perdre et qui vous colle au jean, au t-shirt, au soutien-gorge.
Entrée en scène
des trois remorques sur lesquelles il faudra tout monter. J’imagine le temps où
ça se faisait à bras d’homme, j’en ai mal au dos. Aujourd’hui, il
« suffit » de longer les lignes, et une brave machine, digne,
morphologiquement, des meilleures salles de torture, vous monte le tout,
crocheter, ranger. Marcher à côté, pour surveiller l’introduction des bottes
dans la machine, le cliquet de la roue qui fait un peu ce qu’il veut.
L’herbe sèche
vole partout, dans vos cheveux, votre nez, vos yeux. Ne frottez pas, se serait
encore pire. Un nuage urticant.
Sous un soleil
qui ne se lasse pas de vous cuire dans votre propre eau.
Rentrer, enfin.
Aussi vite que le permettent ces bons vieux tracteurs, avec leurs cinq tonnes
de chargements chacun.
Les genoux dans
l’herbe sèche, au sommet de la remorque, quasi au niveau du toit du hangar,
nous sommes bien visibles depuis le chemin qui y mène. Il a gardé son pantalon
sur ses genoux, je comprends vite pourquoi. Ça gratte. Ses mains sales sur ma
croupe, ma joue à même l’herbe sèche. C’est toute la fatigue de la journée qui
exhale de ma bouche.
Les foins,
c’est bien, mais surtout à la fin.
Ayez pitié des
paysans qui garnissent vos assiettes. Si vous en croisez un, sur la remorque
qu’il a remplie à la sueur de ses mains, faites lui un câlin.
Pensez au
prochain agneau que vous dégusterez.
On aura baisé
dans le foin qui l’a nourri.
Commentaires
Enregistrer un commentaire