Mauvaise foi (et langue de bois) - Cortecs
CorteX est « un collectif d’enseignement et de recherche en esprit critique et sciences » (la science du doute et de l'esprit critique se nommant "zététique"), qui a fait vœu de pédagogie volontaire.
C’est ainsi, et entre autres, qu’ils vous convient à vous éduquer un peu à la mauvaise foi. Comment la reconnaître, comment l’éviter, comment l’utiliser, voire même comment devenir champion du monde de mauvaise foi ?
En connaissant sur le bout des doigts vos moisissures argumentatives !!
Nous avons découpé ces moisissures argumentatives en trois grandes catégories : les erreurs logiques, les attaques, et les travestissements.
A. Erreurs logiques
1. La généralisation abusive
= prendre un échantillon trop petit et en tirer une conclusion générale.
« Les Chinois sont vachement sympas. J’en connais deux, ils sont trop cool. »
2. Le raisonnement panglossien
= raisonner à rebours, vers une cause possible parmi d’autres, vers un scénario préconçu ou vers la position que l’on souhaite prouver.
« C’est fou, la banane a été créée pour être épluchée. »
3. Le Non sequitur (« qui ne suit pas les prémisses »)
= tirer une conclusion ne suivant pas logiquement les prémisses. Attention : la conclusion peut être finalement juste, mais le raisonnement est faux.
« Française des jeux : 100% des gagnants ont tenté leur chance. »
4. L’analogie douteuse
= discréditer une situation en utilisant une situation de référence lui ressemblant de manière lointaine.
« Vous ne me croyez pas, mais Galilée aussi a été condamné et avait raison. »
5. L’appel à l’ignorance (ou argumentum ad ignorantiam)
= prétendre que quelque chose est vrai seulement parce qu’il n’a pas été démontré que c’était faux, ou que c’est faux parce qu’il n’a pas été démontré que c’était vrai.
« Il est impossible de prouver que je n’ai pas été enlevé par des extra-terrestres. » (Raël)
6. Le post hoc ergo propter hoc (ou effet atchoum)
= confondre conséquence et postériorité.
« J’ai éternué et hop ! il a plu ! »
B. Attaques
7. L’attaque personnelle (ou argumentum ad hominem)
= attaquer la personne (sur sa moralité, son caractère, sa nationalité, sa religion…) et non ses arguments.
Variante 1 : l’empoisonnement du puits : « Impossible de donner du crédit à Heidegger, vu ses affinités nazies. »
Variante 2 : le Tu Quoque (« Toi aussi ») : « Comment Voltaire peut-il prétendre parler de l’égalité des Hommes alors qu’il avait investi dans le commerce des esclaves ? »
8. Le déshonneur par association (et son cas particulier : le reductio ad hitlerum)
= comparer l’interlocuteur ou ses positions à une situation ou à un personnage servant de repoussoir.
« Tu critiques la psychanalyse ? Comme Jean-Marie Le Pen ! »
9. La pente savonneuse
= faire croire que si on adopte la position de l’interlocuteur, les pires conséquences, les pires menaces sont à craindre.
« Si on autorise les préservatifs à l’école, ce sera quoi la prochaine fois? Des flingues ? De la drogue ? »
10. L’homme de paille (dite technique de l’épouvantail, ou strawman)
= travestir la position de l’interlocuteur en une autre, plus facile à réfuter ou à ridiculiser.
« Les théoriciens de l’évolution disent que la vie sur Terre est apparue par hasard. N’importe quoi ! Comment un être humain ou un éléphant pourraient apparaître de rien, comme ça ? »
11. L’argument du silence (ou argumentum a silentio)
= accuser l’interlocuteur d’ignorance d’un sujet parce qu’il ne dit rien dessus.
« Je vois que vous ne connaissez pas bien la philosophie politique puisque vous passez sous silence les travaux de John Rawls ! »
12. Le renversement de la charge de la preuve
= demander à l’interlocuteur de prouver que ce qu’on avance est faux.
« À vous de me démontrer que le monstre du Loch Ness n’existe pas. »
C. Travestissements
13. Le faux dilemme
= réduire abusivement le problème à deux choix pour conduire à une conclusion forcée.
« Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous » (l’argument dit de George W. Bush). Ou encore « La crise : mythe ou réalité ? »
14. La pétition de principe
= faire une démonstration contenant déjà l’acceptation de sa conclusion.
« Jésus est né d’une vierge. Comment cela serait-il possible sans l’intervention divine ? »
15. La technique du chiffon rouge (ou red herring, ou hareng fumé)
= déplacer le débat vers une position intenable par l’interlocuteur.
« Remettre en cause le lobbying industriel sur les nanotechnologies ? Autant revenir à la lampe à huile et à la marine à voile. »
16. L’argument d’autorité (ou argumentum ad verecundiam)
= invoquer une personnalité faisant ou semblant faire autorité dans le domaine concerné.
« Si même Nicolas Hulot met du shampoing Ushuaia, c’est que ça doit être sain. »
17. L’appel à la popularité (ou argumentum ad populum)
= invoquer le grand nombre de personnes qui adhèrent à une idée.
« Des millions de personnes regardent TF1, ça ne peut donc pas être si nul. »
18. L’appel à la pitié (ou argumentum ad misericordiam)
= plaider des circonstances atténuantes ou particulières qui suscitent de la sympathie et donc cherchent à endormir les critères d’évaluation de l’interlocuteur.
« Roman Polanski, il faut le défendre, il a beaucoup souffert. On ne peut pas accuser aussi gravement quelqu’un qui a autant de talent. » (suite au procès pour viol sur mineure)
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