Jeanne d'Arc (2) : ... puis ça tape dur...
L’année suivante, nous sommes en 1429, Domrémy est attaqué par les anglais, Jeanne se réfugie à Neufchâteau avec sa famille puis retourne seule à Vaucouleurs, où elle est accueilli et soutenue par la population. Priant pour la guérison de tel duc, prophétisant telle bataille, elle se fait remarquer par Yolande d'Aragon, reine d’Anjou, conseillère du Dauphin (et sa future belle-mère, elle lui mariera sa fille Marie) et farouche adversaire des bourguignons. Baudricourt commence à la prendre au sérieux. On la munie donc d’une escorte de fiers-à-bras qui lui resteront fidèles de combats en combats : les écuyers Jean de Metz et Bertrand de Poulengy, le messager royal Coulet de Vienne, et leurs serviteurs Julien et Jean de Honnecourt et Richard l’Archer ; enfin on l’expédie à Chinon avec un courrier de Baudricourt. Elle est reçue deux jours plus tard par le Dauphin Charles, en privé, avant d’être présentée à la Cour. A cette occasion, Jeanne annonce la libération d’Orléans, le sacre du Dauphin à Reims, la libération de Paris et celle du duc d’Orléans (fait prisonnier à Azincourt) ; ce qui fit sensation, j’imagine.
Jeanne d'Arc
Charles Amable Lenoir (1860-1926).
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Pour s’assurer de son authenticité, le Dauphin va procéder à une minutieuse enquête sur la donzelle, des enquêteurs se rendent à Domrémy, les autorités ecclésiastiques de Poitiers pratiquent son examen de conscience, tandis que Yolande d'Aragon s’enquiert anatomiquement de la réalité de sa virginité. Rassuré sur ces différents points, le Dauphin envoie Jeanne à Orléans (où elle sera rejointe par ses frères), à la tête d’un convoi de ravitaillement.
Elle coupe ses cheveux au bol, s’habille comme un homme, et on lui fournit une armure blanche (de petite qualité, enfin bref, pas comme sur cette image), frappée de la fleur de Lys. On y adjoint un étendard assorti où elle fait écrireJhesus Maria, ce qui est la devise des ordres mendiants. Sur le chemin, elle marie ou expulse les prostituées de l’armée de secours et appelle les hommes d’église à la suivre, elle prêche, prophétise. Jeanne a une haute consciente d’être une envoyée de Dieu. Elle entre dans la ville assiégée fin avril 1429, les chefs de guerre sont dubitatifs, mais la population et les soldats se laissent gagner par son enthousiasme.
Jour après jour, en une semaine, l’armée du Dauphin fait tomber les bastilles anglaises. Le dimanche (alélououya), les anglais se préparent pour la dernière bataille. Jeanne et son armée leur font face, mais elle défend d’engager les combats : on est dimanche ! Le mythe veut que ce soit la seule présence de Jeanne, qui, à ce moment-là, entraîna la retraite et la fuite des anglais sans combats.
Jeanne d'Arc au siège d'Orléans
Jules Eugène Leneveu (1890)
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Le 8 mai, les troupes anglaises partent en ribambelles.
Toute l’Europe a suivi, dans un suspens haletant, la prise d’Orléans. Cela va rendre sa vigueur à l’armée du Dauphin…
Car celle-ci vide ensuite la vallée de la Loire de ses vils occupants, et Jeanne fixe au Dauphin un nouvel objectif : Reims, en plein territoire bourguignon, pour aller s’y faire sacrer. Sur son passage, les villes n’ont aucune raison de les laisser passer, c’est pourtant ce qui va arriver, l’armée avançant au bluff et à la potion magique « Pucelle d’Orléans » (c’est le « raid de Reims » : Gien, Auxerre, Châlons-en-Champagne puis Troyes et enfin Reims ouvrent successivement leurs portes). Ils y parviennent le 16 juillet, et un roi de France y est enfin sacré, par l’archevêque Renault de Chârtes le 17 juillet 1429.
Ce doit être à ce moment-là que la notoriété de Jeanne se fait sentir. Elle reçoit des courriers lui soumettant des problèmes théologiques. On écrit sur elle aux quatre coins de l’Europe, que l’on croit en elle (Paris, Troyes) ou qu’on la déteste (Bourguignons, qui lui accordent le sobriquet « Putain des Armagnacs »).
C’est aussi à ce moment-là que les choses partent un peu en cacahuète. Jeanne est très loin d’être une idiote. Bien sûr, elle ne commande pas l’armée du Roy, mais elle est largement mise à contribution. Le roy va d’ailleurs l’anoblir, mais sans lui fournir une once de terres, ce qui est contraire à la coutume de l’anoblissement (de fait, cet anoblissement sera retiré à sa famille après son jugement). Dotée d’un « bon sens » évident et d’un charisme qui doit beaucoup (mais pas entièrement) au dieu sensé l’accompagner, elle mène les troupes et participe au conseil des capitaines de guerre. La stratégie qu’ils adoptent face aux Anglais qui sont quasiment chez eux, alliés aux puissants bourguignons et enduits d’une réputation d’invincibilité, sera efficace, mais pas sans douleurs. L’armée du roy mise sur le temps, usant l’occupant, elle évite les chocs frontaux, préfère le siège des places fortes. Après Reims, Jeanne veut reprendre Paris, mais ce sera un échec, et l’armée, désorganisée, se retire vers la Loire et se dissout.
Elle va alors demander à avoir sa propre armée, ce que le roy lui cédera. Elle va entreprendre quelques batailles contre les Bourguignons et Angloys locaux, sans véritable succès (mais pas sans non plus). Elle s’usera devant les murs de la Charité-sur-Loire, et son utilité sera de plus en plus contestée. Anecdote : elle va casser son épée sur le dos d’une putain, ce qui sera vécu comme un mauvais présage. Elle gêne de plus en plus.
Le roy va lui demander gentiment de se tenir au château de la Trémouille à Sully-sur-Loire, sans plus se mêler de la guerre.
Mais Jeanne s’échappe, reprend les armes et retourne sur les champs de bataille, à savoir celui de Compiègne.
Elle y sera finalement faite prisonnière le 23 mai 1430 par les Bourguignons, qui la vendent aux Anglais pour 10 000 livres (somme relativement modeste). Elle est remise entre les mains de l’évêque de Beauvais, Monseigneur Pierre Cauchon. La guerre se poursuivra, et se gagnera, sans elle.
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