36 ans ! La résurgence




Avoir 36 ans : c’est fait. C’est un âge important pour moi, à cause de toute une histoire que j’en ai fait quand j’étais ado, et puis à cause de mon histoire, tout court. Je te la raconte si tu veux.


 

J’avais un sens fou du mélodrame quand j’étais petite, j’adorais les mystères, les émotions, les longues introspections, les questionnements philosophiques aussi pointus que profonds. Et puis, la vie est devenue sérieusement difficile, je suis devenue sérieusement dépressive et c’est devenu de plus en plus vrai. Vers mes 14 ans, en pleine puberté et dans les emmerdes familiales jusqu’au cou (violences, divorce de mes parents, fugue, drogue), j’ai décidé que je ne ferais pas de vieux os. La vie était assez pourrie comme ça pour en plus faire durer ! Alors, je me suis fixé un âge-limite : il fallait que j’ai décampé le plancher entre 34 et 36 ans. 36, parce que c’était l’âge auquel était morte Maryline Monroe, qui est elle aussi née un premier juin et à laquelle je m’identifiais fortement. Et puis aussi parce que c’était juste avant la quarantaine, qui me paraissait être le début de la vieillesse, cet âge où les adultes deviennent moches et cons. Je voulais rester fraîche pour l’éternité ! J’avais 14 ans, on est idiote à 14 ans.

Pour autant, je ne pensais pas au suicide. C’était plutôt comme une certitude que ça allait se passer comme ça, parce que je l’avais décidé. Accident, maladie, je n’y pensais pas, ça devait juste être comme ça. On verrait en temps voulu.


Et puis le temps a passé et de façon pas du tout surprenante, je me suis dit que c’était des conneries d’avoir fait ce genre de « pacte » avec moi-même. Et quand le temps a encore passé, je me suis merde, et si ça se réalisait ?? Si je m’étais maudite toute seule ? Mélodrame, mélodrame…

 

Tu comprends, en juin 2006, j’avais 22 ans et je nageais dans mon petit bonheur tout frais de ma rencontre avec celui qui allait devenir mon mari… Je dors, je baise et je fais de la poésie. Je commence à bloguer aussi. Volu est née.

En 2007, je me suis mariée, et en 2008, je suis devenue maman.

En 2009, je suis devenue fonctionnaire. Ça a été un peu le début de la fin. Je travaillais 70 heures par semaine, avec un enfant en bas âge et un mari peu présent. Je peine à trouver quelques instants de calme et de joie.

En 2010, 2011, 2012, j’ai serré les dents, et puis j’ai perdu mes cheveux. Burn out. Je rattrape les années où je n’ai presque pas écrit une ligne en m’attelant à l’écriture de La Fille.

En 2013, je déclare mes premières lésions cancéreuses suite à une contamination aux papillomavirus, qui sonne le glas de ma sexualité. Mon couple bat de l’aile et c’est assez violent. Je commence à sérieusement sombrer et en même temps, je vis un regain d’égocentrisme qui met le feu aux poudres.

En 2014, je suis opérée et je divorce à quelques mois d’intervalle. Je saigne et je pleure beaucoup. C’est aussi l’année où je deviens féministe. Ma porte d’entrée : les violences faites aux femmes. Mais je n’ai pas encore tout à fait compris à quel point ça me concerne. J’ai 30 ans.

En 2015, j’en bave encore, mais je tiens toujours. Les emmerdes familiales prennent un sale tournant et je comprends, enfin, ce que je porte. Je me fâche très fort avec ma mère. Ça a été un très mauvais moment à passer. J’ai beaucoup crié et pleuré.


Là, j’ai vraiment flippé, ça prenait une tournure auto-réalisatrice : le cancer, l’anorexie, la dépression sont devenus de plus en plus oppressants, et il commençait à être clair que j’allais y passer.

En 2016, c’est comme un alunissage : je ne travaille plus, je romps avec ma famille, mes amis, le silence se fait autour de moi. Ça devient plus calme. Trop calme… Je vis chez Machérie après la tentative de suicide d’un de mes frères qui me logeait jusque-là. C’est à la fin de cette année-là que je commence cette drôle de relation avec Johnny Boy, après des années d’abstinence amoureuse… Je m’investis comme bénévole dans une association culturelle et j’écoute beaucoup de musique.

En 2017… je ne travaille toujours pas, je ne vis qu’à moitié et c’est dur avec Johnny Boy. Je me dis qu’il y a quelque chose qui cloche chez moi. J’ai mis tous les problèmes sur la table des dizaines de fois, j’ai débusqué tous les lièvres, sorti tous les fantômes des placards et le résultat, c’est juste le foutoir, tout autour de moi. Zéro réponse. J’ai 33 ans et je me satisfais de faire aussi bien que Jésus. Mais bientôt, j’en aurais 34. Et ça fait tic tac tic tac dans ma tête.

En 2018, Johnny Boy et moi, c’est fini. Enfin, ça finit leeeeeeeentement, douloureusement, cruellement, j’agonise des mois, des mois. À 34 ans et demi, la question du suicide était sur la table. Trop lourd, trop dur. Je n’allais pas y arriver, je ne le voulais même plus.

Mais j’ai eu un sursaut de vie, au début de l'année 2019. Je me suis soignée et je fête mes 35 ans à l’hôpital. En sortant, je suis née à nouveau. Comme prévu, quelque chose était mort en moi, et c’était bien. J'ai tenu la promesse que je me suis faite, il y a 21 ans de ça.


Et là, je fête mes 36 ans, toujours parmi vous. Et ça n’est pas une petite victoire. J’ai repris le travail. Je suis à nouveau capable de m’occuper de ma fille. Les relations avec son père sont relativement cordiales. Faut avouer que 2020 est difficile pour tout le monde, le confinement, le déconfinement, les nouvelles habitudes de vie, de travail… mais le moral reste bon. Je jardine, je sors, je prends soin de mes relations avec ma famille. Je me sens toujours partielle, irréalisée, mais en même temps, il faut voir à quoi j’ai occupé mon temps ces dix dernières années, non ? J’ai décidé de me redonner une chance d’y arriver.

 

 Alors, bon trente-sixième anniversaire, Volu.

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