Consentement



Si j’étais le mot consentement, je hurlerais au harcèlement, à la calomnie, au dévoiement, à la manipulation et à l’atteinte à mon intégrité physique.

[TW menaretrash]



1) Définition


Consentement
Substantif masculin

Action de consentir*; résultat de cette action. Consentement à qqc.; du consentement de qqn.

A.− Domaine jur., fin., pol., admin., etc. Autorisation, accord donné à un acte légal.
SYNTAGMES
Consentement + subst. : consentement de la femme, du mari, du père, des parties.

B.− Domaine intellectuel. Acceptation totale et réfléchie d'une valeur reconnue comme vraie ou existante.

C.− Domaine moral. Acte libre de la pensée par lequel on s'engage entièrement à accepter ou à accomplir quelque chose.
SYNTAGMES
a) Consentement + adj. : consentement général, mutuel, tacite, unanime, universel (accord du plus grand nombre).
b) Verbe + consentement : arracher, donner, obtenir, refuser [le] son consentement.

PARADIGMES
a) (Quasi-) synon. adhésion, agrément, approbation, assentiment, permission.
b) Anton. défense, désaccord, interdiction, nolition, opposition, refus, résistance, veto.




2) Le problème avec le (non-)consentement : la parole des femmes

Consentir, c’est accepter, autoriser, avec un petit côté contractuel engageant qui vous lie à votre parole et vous fait accepter un acte que vous auriez pu refuser, rendant cet acte possible, reconnu, légal et effectif. Parlez ou taisez-vous à jamais.

Alors ce n’est peut-être pas très étonnant si on le retrouve à tous les coins de la culture du viol. C’est très louable de pointer la nécessité du consentement à un acte sexuel, mais ça en dit long sur la culture qui a mis en place ce mécanisme de « protection ». C’est affirmer que ce consentement n’existerait pas s’il n’est pas exprimé et c’est éluder la question du non-consentement (est-il implicite à défaut de consentement ? ce serait une idée étonnamment nouvelle), qui est pourtant et très visiblement la plus importante. C’est nier la capacité - que l’on sait grande - de l’humain à comprendre ses semblables et analyser les situations interpersonnelles. Et c’est nier bien sûr que les hommes dominent les femmes. Dans les faits, l’existence de la notion de consentement et même le fait qu’il ait été exprimé n’a jamais suffi à garantir la sécurité sexuelle des femmes. Dans une culture qui dévalorise et remet systématiquement en cause leur parole, c’est une vue de l’esprit bien pratique qui sert davantage à la défense des coupables que des victimes. Il est bien plus facile d’affirmer qu’elle voulait que d’affirmer qu’elle ne voulait pas, je me demande bien pourquoi. Peut-être parce qu’on n’a pas envie de mettre tous les bonhommes en prison pour si peu… et que dans le fond, notre culture considère que les femmes sont faites pour ça, leur consentement est implicité, quasi automatique, leur lubricité est latente et ce dès leur prime adolescence et en dépit des conséquences négatives que cela peut avoir sur elles… C’est parce qu’il s’agit de la bite que d’un seul coup le radar est tout brouillé, les valeurs sont renversées et plus personne ne s’encombre de bonne foi. Le viol est bien le seul crime où la victime devient le coupable, où l’on s’inquiète davantage pour le suspect que pour la plaignante. Les agressions sexuelles sur les femmes sont à la fois parmi les délits les plus commis et les moins traités par la justice. Les plaignantes sont trainées dans la boue et leur vie est saccagée.


C’est pour ça que la métaphore du thé utilisée par cette vidéo devenue virale pour évoquer le consentement sexuel est très marquante : tu sors la bite du décor et bim tout redevient normal et évident. Et ça marche aussi avec le ping-pong.

Copyright ©2015 Emmeline May and Blue Seat Studios - Vidéo originale

Projet Crocodiles

A priori, une femme adulte devrait pouvoir exprimer clairement son non-consentement (parce qu’en fait ce n’est pas le consentement le problème évidemment, mais le non-consentement) et celui-ci devrait être respecté, mais vous et nous on sait qu’il y a plein de choses qui peuvent empêcher cela d’advenir :

1) l’autre (l’agresseur en l’occurrence) n’en a cure de son non-consentement,
2) ou alors elle peut ne pas être en état d’exprimer son non-consentement (handicap, ivresse, inconscience, sommeil, sidération…)
3) ou alors elle n’a pas osé exprimer son non-consentement (intimidation, rapport d’autorité…) ce qui revient à consentir (qui ne dit mot etc.)
4) ou bien elle a exprimé son non-consentement mais ça n’a pas été compris (partenaire idiot et/ou phallocentré)

Pour le premier cas de figure, c’est relativement du viol pour tout le monde mais ça reste compliqué à prouver. Les cas 2 à 4 forment la mythique « zone grise », qui est la zone de non-droit du patriarcat sur le corps des femmes et où les femmes sont responsables de ce qui se passe parce que les hommes sont comme ça (?). Dans le cas 3 y a même pas débat, une femme qui dit oui en pensant non est absolument inintelligible, la justice n’atteint pas ce niveau de subtilité psychologique, alors qu’à l’inverse il semble à peu près admis qu’une femme qui dit non veut dire oui en fait (cas 4) ce qui n’est pas non plus une prouesse de compréhension psychologique. Et tout ça aussi, c’est de la culture du viol : on en reste toujours à considérer la situation des femmes sous l’angle de la situation des hommes, de leur bien-être et de leur confort d’esprit. En gros, ce ne sont pas les hommes qui sont cons et violents, ce sont les femmes qui sont trop compliquées et bien imprudentes. Gilles Azzopardi, qui se définit comme un expert du couple et des relations humaines, tient exactement ce raisonnement de pithécanthrope. La citation ci-dessous par exemple est plus qu’étonnante : on passe du viol à l'encouragement "à céder rapidement" sans sourciller et le paradoxe qu’elle sous-entend coïncide exactement avec la schizophrénie mascu qui aime les femmes en les méprisant : les hommes se montrent sexuellement très actifs (c’est normal) pour vérifier que les femmes ne le sont pas trop (ce serait mal).



« Dans toutes les espèces, ils ont un appétit sexuel plus grand que les femelles. Le viol, mais aussi les perversions sexuelles sont des comportements presque exclusivement masculin.

De nombreux travaux ont d’ailleurs montré que le viol n’est pas seulement un produit de la domination masculine, un crime sexiste, mais aussi une stratégie de transmission des gènes : le taux de fécondation est plus que doublé par le viol.

Pour certains psychologues, les hommes ont aussi intérêt à encourager les femmes à céder rapidement pour les tester. C’est le meilleur moyen de vérifier l’existence de cette retenue, si précieuse chez une femme dont les enfants vont faire l’objet de son investissement. Et si cette retenue fait défaut, le meilleur moyen de s’offrir rapidement du bon temps.

Men vs Monkeys - Gilles Azzopardi, éditions Marabout 



 Non c'est non, campagne pour le consentement par les étudiant.es de l'Université de Bordeaux



Du forceur au violeur il n'y a qu'un pas et apparemment c'est naturel et bénéfique à l'espèce. Vous pouvez faire un tour sur les articles où j’ai restitué mon MOOC sur les violences faites aux femmes pour avoir un aperçu de toutes ces situations où l’on se passe du consentement des femmes.

Quand on voit le niveau de sordidité, de violence, de non-dits qui environne la sexualité féminine, je me demande bien quel niveau de cynisme permet de sortir des arguments évoquant l’absence de romantisme dans une sexualité qui se soucierait de consentement. Ça casse l’ambiance apparemment de s’assurer qu’on n’est pas en train de violer sa partenaire.

Notre culture patriarcale organise littéralement et tout en « douceur » le contournement du consentement des femmes, en éduquant nos filles dans le silence et nos garçons dans la permissivité ; en nous parlant de romantisme, qui, prétendument, fait battre tant et tant la chamade à nos petits cœurs que les mots sont troooooop duuuuuurs à dire ; en dégradant systématiquement les mots quels qu’ils soient qui sortent de la bouche des femmes ; en survalorisant la parole masculine ; en imposant une vision mesquine, malsaine et phallocentrée de la sexualité féminine ; en présentant les hommes comme victimes de leurs hormones et des femmes et les femmes comme coupables d’avoir des hormones, pauvres hommes ; en favorisant une culture et des loisirs centrés sur la fête, l’alcool, l’étourdissement et la mise à disposition du corps des femmes comme manière privilégiée de draguer et s’amuser ; et enfin en organisant l’impunité juridique des violeurs et des agresseurs. De A à Z, le patriarcat autorise le viol. Le consentement ? Il se torche avec, il en a besoin pour ne pas se salir les mains.

Au Québec, contrairement à la France, on se base sur la notion de consentement pour qualifier des faits de viols. C’est bien mais ça revient à traiter le problème un peu tard et seulement en partie. Il va falloir de nombreuses prises de conscience semblables avant de résoudre le problème avec les femmes, parce que pour le moment, je remarque aussi que le Canada viole, tue et stérilise de force les femmes indigènes sans être trop embêté par la question du consentement, apparemment.

C’est bien parce que la question du consentement décentre le débat sur la violence faite aux femmes qu’on n’arrive rien à en faire : le véritable problème se trouve bien en amont de ce moment où la femme donne son avis. C’est tout l’environnement social qui joue à un instant donné pour qu’un homme viole impunément une femme.




3) L’origine du problème avec le (non-)consentement : la complaisance (tout petit déjà)

Les ressources suivantes explorent la question du consentement : faut-il s’étonner de la diversité des définitions et des applications données à cette notion ? Pourquoi ce n’est pas aussi simple qu’une tasse de thé ? En face de la simplicité avec laquelle la vidéo Tea Consent prétend traiter la question du consentement, on trouve une horde de supports apportant nuances ou radicalité. Et zut, encore un mot auquel on peut faire dire n’importe quoi. À mon avis, ce n’est pas étranger au fait que c’est un mot censé servir à protéger les femmes.

- Le consentement sexuel : pas toujours aussi simple qu’une tasse de thé - Corde sensible, par Marie-Eve Tremblay


- Des ressources et des liens sur l’éducation au consentement sur le site des Vendredis Intellos.

S’il faut défendre ce concept, c’est parce qu’il n’est pas bien clair. Donner aux femmes la responsabilité d’approuver ou non un rapport sexuel en feignant d’ignorer que les femmes sont réprimées et dominées dans notre culture, c’est tout sauf fair-play. Le consentement de l’homme lui n’est JAMAIS questionné.

Cette sorte d’aveuglement, de pudeur face à la sexualité vient bien entendu de sa saleté. Je ne parle pas du sexe qui serait sale, hein, je parle de l’horreur qu’éprouve le dominant face à sa propre violence. Tu sais, quand tu dis à ta fille de rentrer à telle heure, de ne pas s’habiller comme ci ou comme ça SANS JAMAIS EXPRIMER À HAUTE VOIX l’origine du problème : un homme pourrait te faire du mal. C’est ultra mal vu de dire que les femmes doivent se tenir parce que les hommes sont dangereux. Ce n’est jamais ainsi que le problème est présenté. Le silence là-dessus, c’est ce qui fait fonctionner la machine. On victimise le coupable et on culpabilise la victime en un seul mouvement.

Regarde cette vidéo (également réalisée par Blue Seat Studios) et cette petite BD (de @elisegravel), qui se ressemblent pas mal :



Je sais bien qu’on parle ici à des enfants, mais je pense que cette façon de parler de « trucs sexuels » et de « câlins » avec des grandes personnes fait définitivement partie du problème. À chaque fois, j’ai envie de dire à mon IA de bord « Définir trucs sexuels ». Si vous pensez que votre vie sexuelle effraierait vos enfants, pourquoi ne vous effraie-t-elle pas ? Et même en partant du principe que le monde des adultes est notoirement différent de celui des enfants (franchement, quel sens a cette idée ?? mais admettons) et qu’il faut les en protéger, qu’est-ce qui empêche donc d’être précis quant aux choses qui sont violentes et qu’est-ce qui nous empêche donc de les réprimer vigoureusement ? Parce qu’il est bien là le problème : notre justice et notre fonctionnement social est permissif sur la question des violences faites aux enfants (et aux femmes). Du coup, sur la question du silence, je trouve la préciosité (pas pour leurs chastes oreilles) un peu déplacée et comme une grande porte ouverte sur l’enfer. Si nous ne parlons pas de sexe à nos enfants, quel moyen nous leur donnons d’être éclairé·es au consentement quand « ça », « le truc » arrivera ?

La conséquence de cette complaisance à l’égard de la sexualité masculine (et la focalisation sur la sexualité féminine donc), c’est que le viol est une chose invisible, qui n’existe presque pas, ce sont des milliers de relations sexuelles d’adultes avec des mineurs jugées « consenties » parce que sans violence, contraintes, menaces ou surprise. C’est la requalification de crimes en délits, le passage de dizaines d’affaires des Assises au tribunal correctionnel et donc des peines qui sont moins fortes, des crimes qui ne sont pas reconnus, des victimes détruites et des prédateurs en liberté.

Si l’on prétend défendre les enfants, alors il faut calmer les adultes et faire descendre de son piédestal la sexualité masculine. En France, la majorité sexuelle est fixée à 15 ans mais cette limite quoiqu’exprimée, est dans les faits largement contournée. On assiste à des procès bien nuancés où seuls les crimes les plus odieux sont relativement sévèrement sanctionnés. Pour le reste ce sont les victimes qui ont été bien sottes. On appelle ça la culture du viol.

L’émission Càvous du 14 novembre 2017 résume bien la situation et les forces à l’œuvre :

Un consentement sexuel à 11 ans ?


Nous sommes toustes là à trouver aberrant, scandaleux, déplacé que nos filles baisent à 13 ans mais qui se dresse contre le droit systématiquement accordé à tous les hommes de baiser des filles de 13 ans (sous couvert bien sûr de permettre à des filles de 13 ans de le faire… faites-moi croire que c’est la liberté des filles qui est défendue, pour voir) ? La réponse on s’en fout mais c’est : personne sinon le féminisme. C’est ça le patriarcat, c’est l’un de ses plus évidents clivages symptomatiques.

Je n’oublierais jamais que ma mère m’a demandé de me taire quand mon frère a tenté de me violer à 11 ans MAIS qu’elle a menacé mon premier petit ami de le dénoncer à la police quand j’ai couché avec lui de manière tout à fait consentie à 16 ans.

La chose étant floue même quand on parle d’enfants, de mineurs, d’êtres fragiles, immatures et obéissants (j’ajouterais « non informés » du coup je pense pouvoir dire que pour un enfant de 11 ans le sexe pour la première fois c’est une surprise - donc un viol), on ne s’étonnera pas que c’est aussi le plus grand bordel à l’âge adulte. Les femmes étant convaincues de lubricité dès l’âge de leur adolescence, ça va être dur de se faire passer pour des victimes une fois majeures, hmmm ?

Pour conclure, un petit reportage diffusé actuellement sur la chaîne YT de l’INA (allez farfouiner, c’est un monceau de pépites) qui n’a que 50 ans, tourné à cette époque où on ne parlait pas d’arrêter des violeurs mais d’interdire l’auto-stop aux femmes : voilà ce que le patriarcat de papa fait de notre consentement.


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