Sarah Bernhardt (dernière)


Peinture de Marie Besson, 1886


Il paraît que j’ai un don pour le drame… mais c’est pas moi, c’est Sarah ! Entre nous, l’affaire se finira mal pour tout le monde, et Sarah n’y a pas échappé.

Reprenons donc où nous nous sommes arrêtés dans le cours de la vie de cette actrice et femme hors du commun, affamée d’amour, et blessée jusqu’à l’os : alors qu’elle atteint ses buts, la maladie fait mine de vouloir briser ses élans. Même là, elle vaincra, finissant quasiment octogénaire !



Atteinte d’une tuberculose osseuse, la maladie s’aggrave en 1887, alors qu’elle doit sauter chaque soir d’un balcon pour les besoins d’une scène de La Tosca, se recevant sur les genoux. Treize ans plus tard, suite à un accident au cours d’un duel pour Le Procès de Jeanne d’Arc, sa blessure est plâtrée mais vire à la gangrène, ce dont on ne s’apercevra que trop tard. Elle en supportera la douleur sans jamais cesser de travailler, jouer, séduire et briller. Peut-être pour se confronter à la fragilité de son existence, malgré sa gloire, elle se met en scène dormant dans un cercueil, ce qui émeut le tout-Paris…

D’une énergie phénoménale, faite d’une beauté souvent moquée (sa maigreur, son "nez juif", ses cheveux roux…) mais d’une gouaille sans équivalent pour une femme à l’époque, elle a ainsi été la muse, l’inspiratrice ou la collaboratrice de nombreux artistes passés à la postérité, comme Marcel Proust ou Sacha Guitry, Edmond Rostand, Oscar Wilde, Alfred de Musset, Maurice Donnay, Robert de Monstesquiou… et sut s’entourer des meilleurs encore pour assurer sa propre promotion : le photographe Nadar ou le peintre Alfons Mucha, devenant un motif vivant de l’Art Nouveau.

Elle s’affiche partout, sur les cartes postales, les murs et les produits de consommation, saisissant l’opportunité de la réclame naissante. Elle devient même actrice du tout jeune cinématographe, rejouant Hamlet ou sa propre vie. Son image, répétée à l’infini, dans des portraits tous plus beaux les uns que les autres, témoigne d’un égo probablement aussi monumental qu’il est en réalité fragile.

Sarah par son amante présumée,
Louise Abbéma, 1875
La gloire l’autorise à vivre dans le luxe, à fréquenter le beau linge, à faire vivre ses amis et amies auprès d’elle… et à s’endetter démesurément. Toujours avide d’être le centre de l’attention, elle transforme ses lieux de vie en ménagerie, achète des chiens, des crocodiles, des tigres, des tortues dont elle incruste la carapace de pierres précieuses et des scarabées vivants dorés à l’or fin pour parer ses robes. Elle achète de nombreuses propriétés, comme le fortin La Pointe des Poulains à Belle-Île-en-Mer, la villa Lysiane et la villa des Cinq Parties du Monde qu’elle fait construire à côté (et qui lui coûteront fort cher) ou encore le manoir de Penhoët dans lequel elle vit entourée de ses amis proches.

Consciente de son influence, elle affiche son soutien à Émile Zola lors de l’affaire Dreyfus, soutient Louise Michel, prenant position contre la peine de mort. On dit également qu’elle joua un rôle décisif dans l’entrée en guerre des États-Unis au cours de la Première Guerre Mondiale, allant elle-même solliciter l’aide du président. Lui est décernée la Légion d’Honneur le 14 janvier 1914.


La vieille dame qu’elle ne paraîtra jamais être se voit toutefois amputée de la jambe droite le 12 mars 1915, à plus de 70 ans. Cela ne l’empêche pas de jouer ensuite, assise ou même debout, ni de visiter les Poilus dans les tranchées, se déplaçant dans une chaise à porteurs, ni de tourner de nouveaux films, pour Sacha Guitry en particulier.

Elle meurt le 26 mars 1922 à Paris, où elle sera enterrée au Père Lachaise, après des obsèques nationales, et un chagrin du même bois à travers le monde entier.

La citation qui suit, qu’aucun laudateur ne manque de reprendre, laisse derrière la grande Sarah Bernhardt son amertume, sa passion et sa liberté de faire, d’aimer et détester ce qu’elle voulait, qui elle voulait.




« Il faut haïr très peu, car c’est très fatiguant. Il faut mépriser beaucoup, pardonner souvent, mais ne jamais oublier. »


Sarah Bernhardt par Georges Clairin


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