Titoune et Tantine
BO : chœur de l’armée rouge, sainte
nuit
TITOUNE ET TANTINE
(Conte de Noël grivois et givré)
Il fait bientôt nuit, une
maigre bougie et un poste de télévision éclairent un intérieur inexistant. Une
chaise à bascule avec une vieille dedans, Tantine, et une petite fille, Titoune,
qui regarde la télévision assise à côté d’elle.
TITOUNE :
Alors Tantine, t’a gagné au loto ?
TANTINE :
Ben non. J’ai encore perdu. Couilles de cons.
TITOUNE :
Tu gagneras ptêtre le mois prochain.
TANTINE,
en jetant son ticket dans un âtre froid :
…
TITOUNE, se lève, commence à préparer la soupe :
Tantine…
TANTINE :
Quoi, la mioche ?
TITOUNE :
L’eau… elle est dure. Je n’arrive pas à la mettre dans la marmite.
TANTINE :
Oh, il fait si froid ? Mets un autre pull.
TITOUNE, met un autre pull, revient préparer la
soupe : Ça ne fera pas bouillir l’eau, Tantine.
TANTINE :
Laisse-moi faire, tu n’es bonne à rien. Regarde. Tu réchauffes un peu avec tes
mains… et puis tu démoules, c’est pas sorcier. T’es bonne à rien.
TITOUNE :
Merci Tantine. Je fais pareil avec les légumes ?
TANTINE :
Tu t’assois dessus.
TITOUNE,
s’exécute, avec précaution : …
TANTINE,
relevant le nez après un bon moment :
Tiens…
TITOUNE :
…
TANTINE :
Il ne neige plus !
TITOUNE,
bondissant : Oh ! Je vais
pouvoir aller chercher du bois alors !
TANTINE :
File, gamine ! File ! Et ne traîne pas, bien sûr.
TITOUNE,
qui sort en courant : Bien sûr,
Tantine.
[Long
Interlude – le feu ne crépite pas – Long Interlude – la vieille somnole – Long
Interlude]
TANTINE, sursautant, grommelle, il fait nuit noir à présent : Mais
qu’est-ce qu’elle fait encore ? Mais c’est pas vrai ! On ne peut pas
lui faire confiance à celle-ci ! Si elle n’était pas si sotte, je pourrais
la fouetter et espérer qu’elle comprenne, qu’elle ne recommence plus, mais non,
c’est de la carne, elle n’en fait qu’à sa tête ! Elle m’a abandonnée, vous
pouvez en être sûr !
Bruit
de loquet. La vieille se calme.
TITOUNE, surexcitée et très changée : Tantine ! Tantine !
Regarde ! Regarde ! Regarde ce que j’ai trouvé !
TANTINE,
avec des yeux énormes : Titoune ! Nom d’un chancre ! Que
s’est-il passé ?
TITOUNE : Tu as vu ça, Tantine, c’est
un batracien !
TANTINE : un batra… Titoune ! Où
as-tu encore été te fourrer !
TITOUNE : Ben, Tantine, je suis allée
au bois, près de la mare. C’est un batracien je te dis. Les batraciens sont
capables de passer l’hiver enfouis dans la terre complètement gelée, non, mais,
est-ce que tu te rends compte ?
TANTINE : Titoune, ça suffit tes
conneries, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu es toute… toute… changée…
TITOUNE : Oui, je sais, mais écoute
je te dis, ce batracien est soumis aux dures lois de la Vie et de la
sélection naturelle, ça n’a rien à voir avec de la stupide magie !
TANTINE : C’est bien toi,
Titoune ?
TITOUNE : Enfin, Tantine…
TANTINE : Comme tu as de grandes jambes !
Et d’énormes seins ! Et des cheveux de nacre blonde ! Des…
TITOUNE : Oui, bon, Tantine, arrête,
je te parle d’un Prince, là.
TANTINE, estomaquée : un prince ?
TITOUNE : Un Prince, Tantine, avec
une majuscule ! Il était beau à en mourir et vêtu comme un rayon de
soleil, de velours rouge et de soie d’or, il éclairait le bois à lui seul. Il
est sorti de la petite mare comme on monte un escalier, sec et tout en plis, et
il m’a tendu la main.
TANTINE : !!
TITOUNE : En venant chercher mon bois
à cet instant précis, à cet endroit là, il a pu m’apparaître, le délivrant de
siècles d’emprisonnement…
TANTINE, d’une voix blanche : Tu divagues…
TITOUNE : Non ! Il était sous le
charme d’une sorcière depuis tout ce temps, la sorcière avait péri mais son
sort ne s’était point défait… Il m’attendait ! Je lui étais destinée…
TANTINE : Mais, mais… Qui est-il ce
Prince ?
TITOUNE : C’est le Seigneur du Comté
de Bitsute, dans les Montagnes, très au Nord d’ici, il y possède un château,
qui regorge d’or et de rubis en sommeil…
TANTINE, sursautant : En sommeil ? Tu… Tu lui as parlé ? Tu
as été polie avec lui j’espère ?
TITOUNE : Oh, oui, ne t’inquiète pas
Tantine, de toute façon, dès qu’il m’a approchée, je me suis littéralement
transformée, il a posé ses mains sur mes fesses qui étaient tout juste devenues
énormes, il m’a faite tombée dans la neige tête la première, j’ai pas vraiment
eu le temps de me plaindre.
TANTINEA : Quoi, il t’a manqué de
respect ?
TITOUNE : Mais non Tantine,
souviens-toi, j’avais le cul tout gelé !
TANTINE : Il… Il… Il t’a demandé
en épousailles ?
TITOUNE : Bien sûr Tantine, il a même
commencé par ça ! Mais là n’est pas l’essentiel Tantine, ce crapaud, lui,
est soumis aux rudes lois de la Vie, non de la Magie, il…
TANTINE : Mais bordel, qu’est-ce que
tu me chantes avec ton crapaud, putois ?
TITOUNE : Euh, Tantine, le putois et
le crapaud n’ont pas tout à fait la même place sur l’arbre des espèces, ils ne
peuvent pas se substituer l’un à l’autre comme pourrait le laisser croire ta
formulation sous forme de juxtaposition.
TANTINE,
après un silence choqué : … Il n’as pas seulement essayé de t’enculer,
n’est-ce pas ?
TITOUNE : Ben non.
TANTINE : Forcément.
TITOUNE : Ce faisant, il récitait des
incantations.
TANTINE : Oh !
TITOUNE : Oui. Il y a des choses
folles qui se sont passées entre lui et moi.
TANTINE,
en se dandinant sur son fauteuil à bascule : Oui, bon, d’accord,
passées, passées, est-ce qu’elles se sont bien
passées au moins ? Ce Prince ? Son château ? Sa fortune, où sont-ils ?
TITOUNE,
tendant son crapaud : Ben, depuis tout à l’heure, j’essaie de
t’expliquer Tantine : c’était un prince avant qu’il ne m’embrasse.
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