Gorgeous




Je papillonne.

D’abord parce que je me sens encore tellement épuisée que la simple idée de sortir de chez moi m’est parfois désagréable. Plein le dos, chaque muscle douloureux, et une irrépressible envie de dormir, dormir, dormir. Je papillonne donc depuis chez moi.



Ensuite parce que le partage de nos 2 misérables MégaOctets (par mois), c’est comme l’équilibre de nos revenus et de nos dépenses : casse-gueule. Je priorise plein pot pour pouvoir faire tourner le blog (mais aussi déclarer la nounou, relever mes mails pros, faire mes recherches pros, m’inscrire aux formations pros etc…). J’voudrais bien, oin oin oin, mais j’peux point oin oin oin…. Je papillonne donc de chez moi, par intermittence.

Exit les heures de surf au cours desquelles je croisais fortuitement de charmantes personnes. Fini les infinies correspondances. La fréquentation du cyber devient également problématique. J’ai bien une connexion au boulot, mais la plupart du temps, quand je suis au boulot, je suis au boulot.

Bref.

J’ai eu l’encore plus drôle d’idée de répondre au petit grain de manque et de frustration dans ma chaussure par une nouvelle servitude qui risque bien de compromettre les autres : un site de rencontre (soupir). Je pensais bien faire, bien sûr, en rationnalisant le temps que j’y passe.

C’était oublier à quel point je les déteste, les sites de rencontres.

Celui-ci est rigolo, à la rigueur. Je suppose que c’est comme partout ailleurs : les femmes s’y paient l’arrogance que la pression du nombre d’hommes induit forcément. Établir une communication correcte avec quelques-uns d’entre eux représente déjà une débauche de temps et d’énergie, chez nous. J’y ai mis cette photo, ai peu complété mon profil, n’y ai jamais effectué la moindre recherche.

Au fil de ces messages que je reçois, et qui sont presque systématiquement rédigés in english, il y a un mot qui revient tout le temps : gorgeous. Gorgeous.

Pour moi, Gorgeous, c’est le gros bleu dans les zinzins de l’espace :


Avec de vagues consonances évoquant les nichons et la générosité, je me demandais : quoi, gorgeous ?

J’ai ouvert un dico bilingue, à la vingtième itération de cet adjectif par une  vingtième personne. Ça veut dire « magnifique », en fait, pas « gros, moche et gourmand ». J’ai des jambes du tonnerre, faut croire, et des chaussures qui font l’unanimité. Waoh.

Ce qu’ils ne savent pas les gens, c’est que…

- c’est une contre-plongée. Je mesure 1m53. Un peu plus je suppose avec ces escarpins-là. Mais mes jambes restent de la même taille : courtes.

- Je ne sais pas marcher avec ces chaussures. Pas parce qu’elles sont trop hautes, mais parce qu’elles sont… trop grandes. Je n’ai jamais trouvé de talons aiguilles en 35, et tricher avec des semelles, ça ne marche pas quand votre pied n’est retenu par à peu près pas grand-chose. C’est un coup à se bazarder la cheville, des escarpins qui ne vous vont pas. Je devrais, peut-être, plutôt mettre une photo qui me représente davantage au naturel… comme celle-là…
Mais non, on peut pas, c’est interdit la nudité. Et je n’ai QUE des photos de moi à poil. Ou alors une vieille, comme celle que j’ai mise.



 Qui fait donc un tabac. Je suis classée parmi les filles les plus « hot » du site, génial non ? La solution, souvent, c’est pas de photo du tout.

- Que je ne sais pas jouer à ça. Graindorge me disait récemment, me voyant me dandiner outrancièrement devant lui (genre Lady Gaga) : « la lascivité, ça s’apprend pas ». Prenant la mouche, j’obtiens des explications : être lascive selon lui, c’est donner à l’homme l’impression qu’on fera tout ce qu’il voudra. Je ne donne donc pas cette impression, parce que je ne prends pas les jeux de séduction, ni le sexe, au sérieux : je m’amuse. Quand je dandine, j’imite forcément Jessica Rabbit surgissant de derrière son rideau de velours toute en hanches et en mollets, Betty Boop ou Wonderwoman. Et si j’imite pas, c’est que je m’amuse sérieusement et alors je donne pas l’impression d’être lascive, mais juste d’être complètement dispo et en pleine éclatade. Je veux bien jouer, mais je ne suis pas dupe.

Il est quand même flagrant que je prends la pose sur cette photo, je suis même complètement « coincée ». Je pense que l’archétype féminin dont je me rapprocherais le plus en vérité est à cheval entre l’amazone et Calamity Jane à l’échelle 5/10ème.



- Je suis pas encore habituée à l’idée que je passe facilement pour une jolie fille. Ça fait son chemin, disons. Nan, parce que moi, je vois ma tronche tous les jours, je sais de quoi je parle lol

Gorgeous…

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