Des hordes d'arbres - Vénus Khoury-Ghata

Des hordes d'arbres aux noms imprononçables se déversaient sur nos faubourgs
Au déclin des saisons
Entraient en collision avec les nôtres devenus herbeux à force de méditation
Humilis au pied bot drapé dans manteau emprunté au loup
Quercus aux tympans percés par oiseaux récriminateurs
Oléastre noir des sécrétions des cimetières
Nous les attendions avec bâtons haches et chiens mangeurs d'écorce
Nos veuves les pourchassaient de leurs aboiements
La lune leur lançait son trop plein de pierres et d'étincelles
Ils repartaient sans avoir écarté le sillon d'amour d'une seule rose
Sans avoir touché la nuque velue d'un seul chèvrefeuille
Ou montré les blessures de leurs genoux au hêtre guérisseur
Reculaient jusqu'au fleuve où vider leurs poches remplies de hannetons


Nous assistons à leur débâche à travers les interstices du paysage
Des trouées de l'air hébergé en temps de canicule
Hirsutes
Échevelés
Et la suie de leur âme laissant sur notre linge
Le cœur de la mère allait aux arbres roturiers
À l'orme qui retient le rêve à l'entrée de l'enfer
À l'arbousier aux yeux d'or
Leurs photos sur nos murs remplaçaient celles d'ancêtres partis en transhumance
D'un frère mort pour avoir écrit un livre avec les mots du grenadiers qui
Éclaboussait notre seuil de son sa salive de sang
Il n'y a pas de paysage heureux

à Jean-Marie et Gémia Le Clezio
Inédit /Printemps des Poètes

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