Blason : grammaire

Par Copain du Web

J’ai un peu de mal à écrire en ce moment, à m’y remettre. Alors, pour reprendre doucement et stratégiquement le chemin du clavier, je m’attache à finir les séries que j’ai commencées, les articles jamais finis dans mon dossier « blog » et autres textes en souffrance. Au moins, ça met de l’ordre. Et parmi les séries de posts pas finies, il y a celle sur le blason, commencée en 2015… Je m’étais arrêtée juste avant de finir, c’est ballot. J’ai commencé par vous donner quelques définitions, puis je vous ai parlé d’histoire, ensuite on a commencé les ateliers pratiques en évoquant la structure et la composition, avant de poursuivre avec les couleurs. À ce stade, vous deviez avoir votre blason dessiné et coloré. Il ne restait donc plus qu’une étape : le blasonnement, ce petit texte qui décrit vos armes et destiné à être aboyé sur les champs de bataille et à l’entrée des soirées mondaines pour vous identifier. Parlons donc grammaire du blason.

Histoire de se remettre dans l’ambiance, je vous invite à regarder cette super vidéo de Copain du Web qui résumera (et un peu plus) tout ce que j’ai pu dire jusque-là.

 

 

Lexique

Vous l’avez compris : chaque partition (divisions de l’écu), chaque pièce (figures formées avec des lignes), chaque meuble et chaque objet (les éléments figuratifs) sera décrit différemment en fonction de sa disposition sur l’écu, de son orientation ou de ce qui l’habille. Je vous renvoie pour en prendre connaissance aux articles précédents, mais également, pour un tour de la question à peu près exhaustif, au site Le Héraut d’Armes : les couleurs, les partitions, les pièces et les différentes structures possibles, là pour les meubles et objets et ici pour un glossaire fort complet.

En résumé...

Les partitions divisent l'écu en nombre de zones pair:

 

Les pièces divisent l'écu en nombre de zones impair :

Mais il existe (beaucoup) d'autres sortes de partitions et de pièces (vous n'avez pas idée) :  c'est pourquoi il me parait incontournable que vous fassiez un tour sur le Traité d'Héraldique du Héraut d'Armes !

N’hésitez pas à creuser en ce qui concerne les meubles, parce que toute la poésie de ce langage réside dans la quasi infinité des adjectifs qu’on leur accole pour les décrire. Petit aperçu de la finauderie dont vous devrez faire preuve :

- un soleil est d’or ou d’argent, s’il est d’une autre couleur on dira ombre de soleil ; une lune est toujours d’argent, le plus souvent pleine et figurée (elle a un visage !), si elle n’est pas pleine et pas figurée, c’est un croissant ;

D'azur à trois épis d'or accompagnés d'un soleil d'or en chef et d'une lune d'argent en pointe 

(blason ancien de la famille Clary) >>

- les formes géométriques ne portent pas les noms qu’on leur connaît aujourd’hui : le disque est appelé besant quand il est d’or ou d’argent, tourteau s’il revêt une autre couleur, les rectangles sont des billettes, le carré est un carreau, mais les losanges sont des losanges sauf quand ce sont des fusées et le triangle est toujours équilatéral. Il faut décrire son emplacement sur l’écu (rangé) mais aussi son orientation (posé) ;

- une épée est dite haute si elle pointe vers le haut, versée si elle pointe vers le bas ;

- les bâtiments sont maçonnés si l’on voit le dessin des pierres, ajourés s’ils ont des fenêtres, ouverts s’ils ont des portes, couverts s’ils ont un toit ;

Coupé : au premier de gueules au château donjonné de trois tourelles d'argent, ouvert du champ, ajouré et maçonné de sable, posé sur la partition , au second d'azur à la tarasque de six pattes d'or avalant un homme d'argent

 (blason de la ville de Tarascon) >>

- les animaux prennent des qualificatifs différents si l’on voit leurs griffes (armés), leur langue (lampassés), si leurs yeux sont d’une autre couleur que le corps (animés de…) de même que les végétaux s’il apparait des détails : si le chêne a des glands (englandé), si on voit leurs racines (arrachés) etc. On décrit également leur position dans l’écu, la position de leur tête, de leurs pattes, de leur queue…

Syntaxe

Là, on tape dans le dur. On décrit un blason avec les priorités suivantes, avec force participes passés et autant de prépositions à/au(x) et de que nécessaires :

- de gauche à droite (donc de dextre à sénestre) et de haut en bas, en commençant par ce qui se trouve « en-dessous » puis ce qui se trouve par-dessus. Une pièce qui traverse plusieurs partitions est dite brochante (éventuellement sur le tout si elle parcourt tout l’espace de l’écu), comme elle est l’élément le plus « au-dessus », on la décrit en dernier ;

- on décrit d’abord le champ, puis les partitions, puis les pièces et les meubles et on finit par les bordures ; à chaque fois on donne leur nombre, leur nom, leur couleur et leur composition. On énonce d’abord les meubles les plus importants (aka les plus gros ou les plus « nobles »).

- on peut utiliser des nombres pour désigner les cantons/quartiers, ainsi deux quartiers identiques peuvent être décrits ensemble. On décrit les meubles chargeant chaque partie avant de passer à la suivante ;

- on évite de répéter deux fois un email déjà utilisé, en utilisant des expressions comme du même (quand on vient de donner cette couleur, = « de la même couleur »), du premier, du second (pour dire que c’est la même couleur quand dans le premier ou le second canton par exemple), de l’un à/en l’autre (quand deux couleurs s’inversent d’un canton à l’autre), du champ/meuble/figure (pour désigner une même couleur que le champ, le meuble ou la figure précédemment décrite).

Voici quelques blasons et leur blasonnement pour bien comprendre (Source : Wikipedia) :

 

D'argent à une rose de gueules 

(blason de la ville de Pacy-sur-Eure)

 

Coupé d'argent et d'azur au lion d'or, armé et lampassé de gueules, brochant 

(blason de la famille de Villeroux)

 

De gueules à une étoile de huit rais d'or chargée d'une aigle bicéphale de sable, membrée, becquée et diadémée du champ

(blason du Marquis de Sade)

 

De gueules à la nef équipée et habillée d'argent voguant sur des ondes du même mouvant de la pointe, au chef d'azur semé de fleurs de lys d'or 

(blason de la ville de Paris)

 

Écartelé, en I parti: en 1 de gueules aux trois léopards d'or (d'Angleterre) et en 2 d'or, au lion de gueules, au double trescheur fleuronné et contre-fleuronné du même (d'Écosse); en II d'azur aux trois fleurs de lys d'or (de France) ; en III d'azur, à la harpe d'or, cordée d'argent et (d'Irlande) et IV tiercé en pairle renversé, 1, de gueules, à deux léopards d'or ; 2, d'or, semé de cœurs de gueules, au lion d'azur, armé et lampassé du deuxième, brochant sur le tout ; 3, de gueules, au cheval cabré d'argent, harnaché d'or, à l'écusson de gueules brochant sur le tout du quartier, au lambel à trois pendants d'argent brochant sur le tout 

(Blason de George III)

 

Écartelé, en 1 et 4 : coupé et parti en 3, au premier fascé de gueules et d'argent, au deuxième d'azur semé de lys d'or et au lambel de gueules, au troisième d'argent à la croix potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes du même, au quatrième d'or aux quatre pals de gueules, au cinquième d'azur semé de lys d'or et à la bordure de gueules, au sixième d'azur au lion contourné d'or, armé, lampassé et couronné de gueules, au septième d'or au lion de sable armé et lampassé de gueules, au huitième d'azur semé de croisettes d'or et aux deux bar d'or. Sur le tout d'or à la bande de gueules chargé de trois alérions d'argent le tout brisé d'un lambel de gueules ; en 2 et 3 contre-écartelé en 1 et 4 d'azur, à l'aigle d'argent, becquée, languée et couronnée d'or et en 2 et 3 d'azur, à trois fleurs de lys d'or, à la bordure endentée de gueules et d'or (blason des ducs de Mayenne)

 

Rien que du plaisir, hein ? Ceux-là sont très sérieux et tout mais on en trouve de plus fun :

 

D’azur, à une ruche d’or, accompagnée de neuf abeilles du même rangées en orle rond 

(blason de la ville de Courtisols)

 

De gueules à l'hermine passante d'argent, accolée et bouclée d'argent, cravatée d'hermine doublée d'or 

(blason de la ville de Vannes)

 

Tiercé en pairle renversé au un de gueules au moniteur de sable à l’image d’argent, au deux d’un phylactère en bulle de sable plain, au trois d’azur à l’atome de Bohr de sable ; au cœur d’une clémentine d’aurore, languée de sable, allumée d’argent et de sable, feuillée de sinople, brochante sur le tout 

(blason du site Zeste de Savoir)

 

Pour ma part, j’avais composé pour le précédent article le blason suivant :

 

De gueules au pal d'or, au volubilis vrillé de sinople, feuillé et fleuri d'argent

Mais depuis, j’ai assisté à un live Twitch de Copain, qui dessinait les blasons des participants à partir de leurs pseudos. J’ai été tirée au sort, et ça a donné ceci :

 

Coupé, émanché d’argent et d’azur au volubilis de pourpre

Jeudi soir sur Twitch j'ai réalisé 12 blasons en m'appuyant sur des pseudos tirés au hasard dans le chat. J'ai passé un super moment donc on recommencera ! pic.twitter.com/YGtIYKwd8L

— Copain (@Copainduweb) April 25, 2020

Voilà, j’espère que vous avez pris plaisir à lire cette série que je boucle enfin, et que vous avez tenté l’expérience : à quoi ressemble votre blason et comment se blasonne-t-il ?!?