Locus de contrôle
De locus, « lieu » en latin : le lieu de contrôle. Il s’agit d’une notion admise en psychologie aujourd’hui et décrite par Julian Rotter dès 1954 dans le cadre de sa théorie sur l’apprentissage social.
C’est assez simple : habituellement, où placez-vous la cause de ce qui vous arrive dans votre vie ? A l’extérieur de vous (la faute à la fatalité, les autres, l’Etat…), ou à l’intérieur de vous (grâce à vos actes, vos performances) ?
Si vous ne voyez pas bien ce que je veux dire, saisissez-vous d’un papier, d’un crayon, et réalisez le questionnaire à choix forcé suivant…
Notez pour chaque ligne l’affirmation qui vous correspond le mieux, A ou B. Puis comptez vos points en fonction de vos réponses. Vous pouvez « tricher », et décider de ne mettre qu’un demi-point quand vous n’êtes pas certain.e de pouvoir trancher.
ECHELLE DE LOCUS
(Librement traduite, adaptée et condensée par moi-même. Vous pouvez
consulter le test original et la notation, le tout en anglais.)
Si vous obtenez une note supérieure à 5, c’est que votre LOC est interne, ce dont je vous félicite, puisque cela fait de vous l’alpha de l’humanité au regard de vos contemporains. En effet, plus votre LOC interne est fort et plus vous êtes :
- indépendant et sûr de vous. Vous avez une bonne estime de vous-mêmes.
- persuadé de mériter ce pour quoi vous travaillez, ce qui vous préserve de la sensation d’illégitimité ou de culpabilité… bref, vous êtes bien dans vos pompes.
- une personne qui assume ses échecs, ses erreurs et ses responsabilités, comme ses réussites.
- une personne qui n’a pas besoin d’être flattée pour savoir ce qu’elle vaut.
- doué d’une grande capacité à évoluer, rebondir, vous adapter.
- hautement résilient.
- du côté de ceux qui réussissent le mieux (richesse, pouvoir).
Ainsi les personnes au LOC interne sont-elles aimées de leurs patrons et préférablement choisies aux postes importants. Comment, vous ne saviez pas que le LOC des candidats est passé à la moulinette dans certains secteurs professionnels ? Vous ne savez donc pas qu’une personne peu compétente au LOC interne fort vaut à peu de chose près une personne très compétente au LOC externe ????
Gentil bisounours, va.
Vous vous demandez peut-être, d’ailleurs, s’il y a un inconvénient à posséder un LOC interne ? Il n’y en a pas vraiment si ce n’est :
- d’entrer en conflit avec les LOC externes que vous prenez pour des feignasses et qui vous considèrent en retour comme un parvenu peu scrupuleux… ce que n’induit pas forcément votre forte estime de vous-même.
- d’être moins préparés aux coups durs comme la maladie. Cela dit, votre optimisme légendaire peut vraiment vous aider sur la voie de la guérison.
D’ailleurs, comme il n’y a pas d’inconvénients à posséder un locus de contrôle interne, il n’y a aucun avantage à ne pas en avoir…
Les petits LOC, donc bien externes, font tout à l’envers :
- ils sont dépendant de l’avis et du regard d’autrui, influençables. Leur estime d’eux-mêmes est fortement dégradée.
- ils vivent dans un sentiment perpétuel d’illégitimité et de culpabilité, voire de honte.
- ils assument difficilement leurs échecs, leurs erreurs et leurs responsabilités, tout comme leurs réussites.
- ils doivent être constamment réassurés mais mettent toujours en doute toute forme de gentillesse ou de flatterie.
- ils évoluent en douleur, rebondissent comme des pierres et s’adaptent à coups de trique.
- la notion même de résilience les fait vomir.
- ils présentent peu ou pas d’ambition, se résignent face aux jeux de pouvoir.
Je trouve cette notion intéressante. Elle fixe la dose d’optimisme et en même temps d’estime de soi dans les veines des individus : c’est parce qu’on se sent « puissant » qu’on peut agir. Cette tendance est assez stable dans la vie de l’individu, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’évolue pas. Elle peut changer au cours des âges, voire au jour le jour chez les sujets instables.
Aussi peut-on légitimement se demander : naît-on avec un locus hors de soi ou déjà bien ancré ?
Ceux qui se sont penchés sur la question (Beauvois, LePoultier) en ont conclu que :
- cette sensation de puissance que porte l’individu se forme pendant l’enfance de l’homme et de la femme.
- un locus très externe relève des conséquences d’un traumatisme dans l’estime de la personne. En d’autres termes, c’est parce qu’elle s’est retrouvée dans la situation d’être LE JOUET de quelqu’un, de PERDRE LE CONTRÔLE DE SON CORPS et de SON IMAGE que cette personne est amenée à considérer qu’elle n’est pas son propre locus de contrôle.
- les hommes ont généralement un LOC plus élevé que les femmes.
- les catégories socioprofessionnelles dominantes sont largement représentées par les LOC forts.
Vous voyez où je veux en venir, hmm ? Allez, secouons bien fort.
Et relisons maintenant les deux descriptions de notre ami.e interne et de notre ami.e externe. Le premier est le strict portrait du goldenboy testostéroné comme il faut, glorifié par la culture occidentale. Le second ressemble à s’y méprendre au portrait clinique dépressif d’une femme au foyer. Non ? Mais si regardez mieux (je peux pas faire plus gros) !
Il me paraît clair que l’éducation « traditionnelle » des femmes les pousse cent fois mieux à garder un locus de contrôle loin d’elles, qui les dépossède d’office de leurs capacités d’agir quand elles seront adultes. Il me semble inutile, mais je le fais quand même, de rappeler que le premier symptôme des femmes qui ont subi des violences est précisément de se sentir vulnérables et impuissantes dans tous les aspects de leur vie. Avec des milliers et des milliers de cas par an, ça vous plombe les statistiques féminines du LOC…
Vous allez me dire que c’est bien un réflexe d’individu externe d’accuser plus gros que soi… j’imagine que vous avez raison (encore une autre réaction logique !), mais cela n’ôtera rien à la réalité : à partir de l’âge de 10 ans, l’estime de soi des petites filles chutent monstrueusement :
- selon une étude canadienne, les petites filles de 10 ans sont 72% à avoir confiance en elles. Elles ne sont plus que 62% à 13 ans, et 55% à 15 ans. Les résultats de cette recherche dénoncent le rôle des médias dans la perte de l’estime des femmes à l’égard de leur image physique.
- une étude française portant sur des jeunes 7 ans après leur entrée en sixième (donc normalement juste avant leur bac) établit clairement que les filles sont nanifiées du LOC :
- ce qui fait que le pic d’estime et de confiance d’une femme, c’est avant ses 10 ans.
- ce qui fait que ça va être archidur de mettre les femmes a une place qu’elles ne se pensent pas capable de prendre.
- ce qui fait que la première priorité du féminisme, et de toute politique qui se dirait en faveur de la cause des femmes, serait de lutter activement contre les violences, les harcèlements moraux et le dénigrement quotidien, qui sont les premiers responsables du silence des femmes.
Ensuite, on pourra discuter. Négocier avec quelqu’un qui a son LOC à terre, c’est moche.
Chuis vraiment désolée de toujours taper sur les mêmes mais bon...
C'est normal aussi...
J'ai un LOC de 3.
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