Lost in translation


Voilà.

Volu et Graindorge sont dans le mur. Le mépris, l’incompréhension, la lassitude ont pris le dessus. Évidemment, mettre à mort notre mariage, ça nous emmerde, nous ne parvenons pas à renoncer, ni à nous, ni à l’autre, ni à soi. Désaccords trop essentiels, besoins d’intégrité trop absolus. Des mots qu’on n’aurait pas dû dire, des choses qu’on n’aurait pas dû faire. Le sentiment d’injustice, aussi. 

Je ne vivrais pas à tes côtés en te trompant, même si tu me le demandais, précisément parce que je t’aime.


Je suis allée par là sans me douter un instant que cela te blesserait. Je crois que pour moi, non seulement ça ne te regardait pas, c’était entre moi et moi mais en plus, tu n’étais pas du genre à en prendre ombrage.

Nous ne reconnaissons plus l’autre, ce qu’il nous semblait être.

Nos deux visions du couple, de l’amour, de l’individu, de la vie, surnagent l’une sur l’autre sans jamais se mettre d’accord. On n’est pas foutu de la faire, cette mayonnaise, si on change l’huile en vinaigre !

Les débats se sont empilés, calmes d’abord, puis de moins en moins :

Qu’est-ce qui passe en premier ? L’individu ou le système dans lequel il s’inscrit (le couple, la société) ? Pour le dire autrement : l’individu doit-il obéir à d’autres règles que les siennes ?
Au deux premières questions Graindorge répond « le système », à la dernière, je réponds non.

C’est quoi construire ? Est-il bien raisonnable de repousser notre bien-être dans un futur par définition incertain ?
Ma vue s’arrête à l’année en cours. Graindorge pense sur 15 ans. Il a, en sa faveur, une pile d’idées auxquelles j’adhère, en plus, à 100% : « le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui », « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » etc… Je peux attendre que les poireaux poussent (des semaines), que l’hiver passe (des mois), que mon père devienne moins con (des ans) bref, je consens à tout ce à quoi je ne peux rien. Pour tout le reste, tu le sais, je ne lâche pas.

Le travail sert-il la famille, ou la famille sert-elle le travail ?
Vaste débat. Si on l’ajoute aux précédents, on atteint les plus hauts sommets de la complexité. Je veux tout concilier, tout faire, tout avoir : lock, stock and barrels. C’est la pyramide de Maslow : il faut résoudre les impératifs vitaux pour atteindre les différents paliers de bien-être, sur lesquels je compte bien mettre les deux pieds ! Ça demande une rigoureuse organisation de famille ET un travail rémunérateur. Mon immatérialisme reste très conscient de la réalité…

Lorsque nous imaginons, tous deux, que nous voulons une vie qui soit douce, en fait, nous n’imaginons pas du tout la même chose… C’est le verre de grenadine contre la coupe de Pinot, le pot de terre contre le vatefaire. Je suis une pouët et toi un propriétaire terrien, je jouis quand tu sèmes et quand ça ne va plus du tout, je me conduis en féministe hargneuse, toi en patriarche éhonté. Je ne suis qu’une gamine, tu n’es rien qu’un déjà vieux croûton. Bref. Vous avez compris l’idée.

Nous tenons, c’est un choix que nous avons fait il y a cinq ans et que nous refaisons chaque jour. Jusqu’à ce que se pointe la lumière : le bout du tunnel. Personnellement, mes oreilles, mes coudes et mon courage sont comme le reste : d’un bloc, je ne peux pas les baisser, les serrer ou les prendre à deux mains dans la tempête… Donc je risque de continuer à faire du bruit, à me plaindre et commettre des actes irrationnels, mais sache, mon amour, que je ne perds pas la foi.

 Tiens, ça me donne envie d’écouter Brel…

« Il est, paraît-il, des terres brûlés donnant plus de blé qu’un meilleur avril
 Et quand viens le soir, pour qu’un ciel flamboie, le rouge et le noir ne s’épousent-ils pas ? »

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