Cycles
Un
thème qui m’est cher.
Le
cycle est le principe même de la vie, du temps, de tout. Rien ne se perd, rien
ne se crée, tout se transforme. C’est la seule chose qui puisse me consoler de
mourir : je nourrirai des asticots, quoi qu’il advienne, et je deviendrai
un caca d’asticot, un bout d’humus, un grumeau de terre, riche en sels minéraux
pour activer les cycles de vie d’une plante poussée par là, elle me suera sous
forme d’eau ou de CO2, je visiterai encore la terre ou enfin le
ciel, et puis, si je continue bien sans me fatiguer cette fois, je deviendrai
un bout d’étoile, c’est sûr.
En
attendant, je cycle, encore et
toujours. Synonymes, à utiliser sans modération au fil de ce post pour
remplacer ce verbe qui n’existe pas : tourner,
virer, faire des ronds, virevolter, danser, valser, pivoter, braquer, aller et
venir, contourner, pirouetter, faire des tours sur soi-même, prendre la
tangente, tourbillonner, évoluer, changer, circuler circulairement, repartir de
zéro (je vous laisse allonger la liste).
Je
vais passer sous silence mes errements matériels, je préfère parler d’hormones.
J’ignore, et pourtant il serait bon de savoir, ce qu’il en est des hommes, mais
les filles, attention, ça cycle tout
le temps. Ça n’arrête pas de continuer de faire ce qu’elles ont à faire, point
barre. Et quand il n’y en a plus, il y en a encore, c’est le principe. Je
m’étale là, ça va encore faire des lignes et des lignes à vous arracher les
yeux, hop, une photo.
La
femme a tout un tas de cycles qui lui sont propres (mais un peu sales), elle cycle sur plusieurs tons, si vous
voulez. Nous allons cesser de nous demander pourquoi la femme change
tout le temps d’avis, pour se demander comment elle le fait.
Alors,
là, attention, tout dépend jusqu’où on veut aller dans le fond des choses, le
corps est un peu comme une image fractale, ça n’a point de fin vers l’infiniment infime. Donc, je ne vais
pas vraiment vous parler d’hormones, juste un peu
Certains ouvrages
présentent notre « appareillage reproductif » à travers trois cycles :
le cycle ovarien
(l’ovulation), le cycle utérin
(les menstruations) et le cycle
cervical (dont dépend la nature de notre humidité interne). C’est assez
intéressant de le voir comme ça parce que bien sûr tout ça marche
ensemble, mais pas toujours. Ce qui est une autre chose importante à savoir sur
la femme : il est normal qu’elle sorte de sa marche normale.
Appareil reproductif de la femme (1)
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Je vous présente mes ovaires : deux petites boules un
peu plates, grosses comme une amande, qui flottent avec allégresse au bout de
mes trompes. S’y trouvent plus de 300 000 ovocytes, chacun de ses ovocytes baignant dans un cocon de cellules
folliculeuses, appelées follicules
primordiaux, de 0,025 mm de diamètre. Je vous avais bien dit de chausser
vos plus grosses lunettes !
Le cycle ovarien commence le
premier jour des règles. C’est un moment où les bruits de couloirs sont à leur
comble, les terribles rouages de l’administration féminine concassent plein
tube : l’hypothalamus (une
glande) charge la neuro-hormone LH-RH
(pour Hormone Lutéinique et je sais pas quoi) de dire à l’adéno-hypophyse (encore une glande, ces deux-là se situant
respectivement dans notre cerveau et à sa base) de charger la petite dose de FSH (pour Hormone de Stimulation
Folliculaire) qui va bien pour que les cellules
folliculeuses d’un seul des deux ovaires autour d’un ovocyte en particulier se
mettent à s’épaissir, mûrir, et faire des petites poches qui vont se remplir de
liquide (folliculaire, of course). Le follicule gonfle, gonfle à la surface
de l’ovaire. Le reste des cellules de l’ovaire se mettent à fournir de l’œstrogène au fur et à mesure que ça
grossit. La dilatation est à son maximum après 14 jours, et le follicule mesure
maintenant… 15 mm, la femme peut le sentir. On l’appelle follicule de De Graaf, à ce stade. Ça va péter dans 24 heures.
Préparez-vous.
Le système hormonal féminin (2)
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Pendant tout cette phase, appelée phase
folliculaire, je suis « normale ».
Bon, j’ai mes règles au début,
pendant une petite semaine, ce qui ne me met pas vraiment en joie, mais paradoxalement
ce ne sont pas forcément les pires journées du cycle. Au cours de la semaine
suivante, je suis juste moi, douce,
paisible et bienveillante.
Parce que
l’hypophyse, sous la pression de l’œstrogène, est au taquet aussi pour délivrer
des autorisations de délirer à tout va (le formulaire LH, encore lui) la tension du liquide dans le follicule augmente
encore et paf, ça pète, l’ovocyte est libéré, on appelle ça la ponte ovulaire, ou plus vulgairement, l’ovulation, oui monsieur.
Maturation du follicule et ovulation (1)
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La, pendant la phase ovulatoire, point
de vue hormones, ça dézingue dans tous les sens, je vous raconte brièvement ce
qui est simplement visible et sensible : mes seins durcissent, se tendent, grossissent, deviennent plus ou moins
douloureux. Je mouille toute la
journée (cf infra le cycle cervical), j’ai le vagin tuméfié et facilement excitable,
mes lèvres grandes et petites sont
extrêmement sensibles, pour accueillir aisément (et avec plaisir en plus) une verge et sa dose de sperme, ce qui, d’ailleurs, me préoccupent
beaucoup pendant quelques jours. Je me sens joyeusement lubrique. C’est dans ces moments-là que je peux me
faire des orgasmes spontanés…
Je vous rappelle que
mes ovaires sont doucement balayés par les franges du pavillon de mes trompes. Celles-ci vont "capter" l’ovocyte qui
a un peu de mal à se sortir du bordel ambiant. L’ovocyte, maintenant appelé ovule, n’a point de moyen de
locomotion. C’est mon corps qui se mobilise pour le faire avancer, vous
imaginez l’énergie que ça nous prend ? Les parois des trompes de Fallope, dans laquelle l’ovule flotte, sont musculeuses
et vont se mettre à onduler, les cils
vibratiles qui les tapissent à vibrer, pour le faire progresser vers l’utérus. Mais il va rester là, dans ce
couloir pas plus épais qu’un cheveu, à attendre qu’on le féconde. Sa patience
durera 24 heures, grand maximum. Passé ce délai, il va dégénérer et notre corps
va discrètement l’éliminer…
Après la ponte
ovulaire, l’ovaire présente une petite plaie à sa surface, là où les parois du
follicule de Graaf se sont effondrées sur elles-mêmes. Après le cataclysme,
l’administration reprend rapidement ses droits, on ouvre une cellule de crise,
on cherche des solutions pour rebondir ! Le formulaire LH est ressorti pour l’occasion, pour
demander la réfection du follicule en corps
jaune qui pourra, à coups de progestérone, ordonner celle de
l’utérus afin qu’il songe à nidifier.
Un second cycle, qui
a commencé en même temps que le premier mais par une phase très calme, est en cours et s’emballe : le cycle utérin. La muqueuse
utérine, jusque-là doucement proliférante, devient carrément sécrétante, s’épaissit
et se plisse, pour augmenter sa surface, riche en glandes et en vaisseaux
sanguins. Un petit paradis qu’on appelle l’endomètre.
20 jours après le début du cycle (premier jour des règles), soit 5 jours après
l’ovulation, je suis toute prête à recevoir un bébé. Il y a donc, à partir de
là, deux options possibles.
L’ovule a été rejoint
dans son couloir par un courageux petit spermatozoïde,
il a été fécondé, il va se mettre à rouler, rouler, des trompes jusqu’à
l’utérus tout beau, tout neuf, ce qui lui prend quelques jours (six et demi) quand
même. Là, l’œuf va demander, grâce à l’hormone (qui sont des messagers, en
fait) HGC (gonadotrophine
chorionique) au corps jaune de
s’occuper de lui pendant trois mois. Au-delà, le placenta prendra le relais et le corps jaune disparaîtra.
Ou bien l’ovule s’est
fait poser un lapin, et il ne roule pas vers l’utérus, il est même évacué (avec
les menstruations habituellement).
Cycles ovarien, utérin et évolution de l’endomètre (1)
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La fin de cette troisième phase, la phase
luthéale, juste avant les règles, est terrible, je peux devenir franchement méchante : mon corps n’aime pas qu’on
lui pose des lapins. Outragé au plus profond de lui, il ne supporte plus d’être touché et décourage quiconque d’essayer,
car je fais personnellement payer, surtout à mes partenaires sexuels, le prix
de l’échec de ma fécondation. Enfin, je ne vois pas d’autres explications…
Dans la foulée,
l’administration met en branle un nouveau protocole. Le corps jaune coupe les vivres puis, inutile, dégénère. Les taux
d’hormones ayant brutalement chuté, plus rien ne justifie l’entretien de
l’endomètre, qui va dépérir, s’asphyxier, partir en lambeaux et en hémorragies,
ce sont les règles, ou menstruations.
Tandis qu’ils s’achèvent, les deux cycles étroitement concernés l’un par
l’autre sont relancés.
Le cycle menstruel (1)
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Un troisième cycle
fait son office, un peu plus discret : le cycle cervical. Lorsque l’œstrogène
domine la situation, 24 heures avant l’ovulation, le mucus de notre col utérin
est fin et humide, la teneur en calcium
et en sodium a chuté, ce qui aide
les spermatozoïdes à évoluer dans le
vagin et franchir le col. Lorsque la progestérone prend le relais, après
l’ovulation, il va devenir au contraire plus épais et plus sec. Et là, ça
devient coton pour eux…
Petit tableau de synthèse… (1)
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Vous avez de quoi briller en société, maintenant !
Voyez,
notre corps murmure en lui, et hurle notre sexualité dehors à tout instant.
C’est pourquoi, dans un souci de diffusion de la vérité afin que le reste du
monde ne soit plus jamais surpris, je vous donne une information
capitale : j’ai commencé, mercredi 3 octobre, un nouveau cycle.
Je
devrais êtres normale, douce, gentille et paisible jusqu’aux alentours du 20 où
je vais devenir joyeusement lubrique, pour finir franchement méchante au début
du mois prochain.
(1)
Illustrations de Reimer, extraites de Notre corps, nous-mêmes, par le
Collectif de Boston pour la santé de la femme, éditions Albin Michel, 1977.
(2)
Illustration M.-C. Delahaye, extraite du Livre de bord de la future maman,
éditions Marabout, 2007.
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