Tisser fin, en partant du féminisme communautaire – Julieta Paredes
On continue notre bonhomme de chemin, avec une nouvelle lecture et la vision profondément désirable que Julieta Paredes développe dans ce petit ouvrage paru en 2010 sous le titre Hilando fino : desde el feminismo comunitario (que vous pouvez trouver ici dans sa langue d’origine).
Ci-dessous : les pdf du texte découpé en chapitres, ainsi que son audio et quelques extraits. Bonne lecture !
L’Occident, en se déployant partout, en
envahissant, en asservissant, en vendant et en exploitant, en se répandant
partout, a fini par brouiller les pistes. Il y a bien quelques dates bien
identifiées de ce qui serait les débuts de l’épanchement colonial et de ses
étapes, comme la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb,
l’historique de la traite des esclaves entre l’Europe, l’Afrique et le Nouveau
Monde, les guerres de colonisation puis de décolonisation en Afrique et au
Moyen-Orient… mais ces repères sont bien insuffisants pour décrire l'ampleur de la violence du brassage forcé qu'ont été les invasions européennes. En colonisant, en déportant, en se mélangeant, en violant aussi,
le Blanc s’est retrouvé des deux côtés de la frontière du Nous et du Eux. Il
reste si peu de Natifs, les cartes ont été tellement battues et rebattues qu’on
ne sait plus où commence lae colonisé·e et où finit lae colon. Et puis, maintenant… c’est
loin tout ça, hein ?
Enfin, ça nous arrangerait bien de le
croire. L’Histoire a été plus ou moins
soigneusement consignée, les individus ont parlé, témoigné, il reste des traces
et franchement, non, ce n’est pas si loin tout ça. Mon grand-père était un colon.
Les entités nationales – dont les frontières ont aussi pas mal bougé en 100 ans – ont mis en œuvre diverses stratégies pour absorber, digérer les peuples colonisés, de la ségrégation la plus violente jusqu'aux illusions des démocraties raciales, protectorats, territoires d’outre-mer… créant plusieurs niveaux de citoyenneté pour leurs ressortissants, en légiférant sur leur racisme ou en le niant pieusement. La colonisation européenne a littéralement façonné le monde que nous voyons aujourd’hui. Elle a tout transformé, les paysages, les relations humaines, le commerce, la recherche, les cultures, la politique, tout. Elle a noyé l’Histoire de l’humanité, elle a déplacé et détruit des individus, des familles, des clans, des peuples et des cultures entières. Il y a un Avant et un Après et rien ne sera jamais plus comme avant. Et puis le capitalisme en a ajouté une couche, ouvertement basé sur la distinction entre pauvres et privilégié·es pour répartir les tâches.
Les mouvements décoloniaux et féministes d’Amérique du Sud partent de ce constat. Avant le colon, il y avait des gens. Les colons en ont déporté d’autres, elleux aussi avec leurs cultures et leurs savoirs. Iels sont toujours là, discriminé·es par la loi et par le racisme, assassiné·s, dépossédé·es, exploité·es. Comment fait-on pour vivre ensemble avec ça ?
Julieta Paredes, militante féministe aymara (Bolivie), nous parle de cette culture que la colonisation a abîmée. Elle dédie son énergie à la mise sur pied d’un féminisme communautaire, dans laquelle la femme indienne prend toute sa place dans l’édification et l’administration des villes, des campagnes, des quartiers. Elle a fondé, avec María Galindo et Mónica Mendoza, le collectif anarcha-féministe Mujeres Creando en 1992, puis en 2002, Mujeres Creando Communidad. Ces courants portent la lutte des Indigènes et celle des femmes dans un même mouvement de protestation et de résistance politique et artistique, dans la rue, sur les ondes, sur la toile.
Alasitas : La fête des Alasitas, qui commence chaque 24 janvier à La Paz, est célébrée en l’honneur d’Ekeko, Dieu de l’abondance, la fécondité et la joie. À cette occasion, les personnes échangent des miniatures de ce qu’elles souhaitent obtenir pendant l’année – c’est la fête des souhaits.
Wawas : "Enfants" en aymara.
Bautista Saaavedra : est un avocat, professeur universitaire, sociologue, journaliste, personnalité politique et diplomatique bolivien.
Des coups de pied dans la fourmilière
Lorsqu’elle parle de la colonisation, Paredes ne s’appesantit pas sur un « avant » qui serait meilleur ou désirable : elle nous parle du présent et des mécanismes passés qui nous y ont amenés depuis l’invasion européenne. Elle expose notamment, tout au long de son texte, comment le Blanc s’est imposé comme référence dans tous les aspects de la vie et a institué une stratification des rapports sociaux, aidé en cela par le néolibéralisme qui externalise, rejette sur les individus (notamment sur les femmes) le soin à l’autre, la sécurité sociale etc. tout en vendant l’illusion d’une démocratie qui prétend ne voir ni la couleur ni les origines sociales. Le genre fonctionne comme la classe : il est, intrinsèquement, une dénonciation d’une oppression ; il ne peut donc pas y avoir d’égalité au sein d’un système qui distingue les classes et les genres.
« Le genre n’est pas une catégorie descriptive ou une catégorie attributive, pas plus qu’il n’est une catégorie déterministe par essence. C’est-à-dire que le genre ne vient pas décrire ce que font les femmes et ce que font les hommes, il ne vient pas attribuer des rôles des rôles aux hommes et aux femmes ou les naturaliser. Le genre dénonce les relations de subordination des femmes vis-à-vis des hommes. C’est cette subordination sociale qui est l’un des mécanismes du système que nous appelons le genre.
[…]
Pour mieux comprendre cette définition nous voulons comparer la valeur politique de la catégorie genre avec celle de classe. Le genre a la même valeur politique que la classe. Il n’y aura jamais d’équité (d’égalité) de classe parce que les classes sociales sont fondées, et trouvent leur origine dans l’injustice de l’exploitation d’une classe par une autre ; les bourgeois sont bourgeois parce qu’ils exploitent les prolétaires. »
Le néolibéralisme a également engendré une crise de la représentativité aux dépens des femmes, des Autochtones et des classes populaires, où les ONG et les acteurs bourgeois captent l’attention, le discours, les négociations, dans un simulacre de démocratie et de développement social à la botte du capitalisme et du statu quo entre les genres.
« C’est le moment où nous commençons à perdre ce que nous avions gagné, avec la satisfaction de revendications ponctuelles qui se retournent ensuite contre les femmes. Ainsi les 30% de la loi sur les quotas ont bientôt cessé d’être les quotas minima de participation des femmes pour devenir un plafond. La loi sur la violence intrafamiliale a débouché sur des conciliations familiales qui défendent les maris et recommandent « à la femme de remplir ses fonctions dans la maison ». »
Concernant le texte « Dignité et
autonomie » dont parle Paredes, je n’ai pas pu mettre la main dessus,
mais vous pouvez en lire des extraits dans un article de Jules Falquet, Les «
féministes autonomes » latino-américaines et caribéennes : vingt ans de
critique de la coopération au Développement.). Elle y dénonce avec vigueur la captation de la parole par les ONG et les femmes blanches et/ou bourgeoises.
« Dans les années de 1992 à 1995, pendant la période nommée « chemin à Pékin » a été élaboré le document intitulé « Dignité et autonomie ». Ce document affirmait le droit des femmes à faire entendre leur voix propre sans la médiation de femmes des partis politiques néolibéraux ou des ONG. Nous considérions que l’action de ces ONG usurpait aux femmes boliviennes leur représentation et déplorions leur dépendance et subordination vis-à-vis des politiques de la coopération internationale qui les finançait et avec laquelle elles n’évoquaient pas les nécessités liées aux caractéristiques des cultures et des réalités sociales de Bolivie.
Nous affirmions que la notion de femme en général n’existe pas et que cette notion cache par exemple des hégémonies de classe, de race, de génération et d’options sexuelles. Dans ce document nous soutenions que, si l’on partait de l’équité de genre, les revendications des femmes n’aboutiraient pas, que le point de départ était l’autonomie vis-à-vis de l’État et des partis politiques néolibéraux. Nous soutenions qu’il fallait descendre dans la rue, organiser des mobilisations sociales et des alliances entre femmes appauvries, comme pratique d’une complémentarité femme-femme, pour exiger de l’État le respect de nos droits. »
Elle évoque ici, comme Lugones, les
changements que la colonisation a opéré sur le genre, mais, contrairement à
Lugones, elle parle de « conjonction des patriarcats », reléguant
dans la zone des fantasmes l’idée qu’Avant hommes et femmes vivaient dans une
respectueuse harmonie. La notion de femme n'existe pas : il n'y a que le genre féminin, intrinsèquement inférieure au genre masculin.
« Il existe aussi un patriarcat et un machisme bolivien, indien et populaire. Décoloniser le genre, en ce sens, veut dire récupérer la mémoire des luttes de nos arrière-grand-mères contre un patriarcat instauré avant l’invasion coloniale. Décoloniser le genre signifie dire que l’oppression du genre n’est pas arrivée avec les colonisateurs espagnols mais qu’existait aussi une version propre de l’oppression de genre dans les cultures et les sociétés précoloniales et que, lorsque les Espagnols sont arrivés, les deux visions se sont agrégées pour le malheur des femmes qui vivent en Bolivie. C’est cela la convergence patriarcale dont nous parlons. »
Lexique et références
El Alto : ville de Bolivie située dans le prolongement de la capitale La Paz.
Ayllu : En quechua et aymara : une communauté composée de plusieurs familles dont les membres considèrent qu’ils ont une origine commune et qui travaillent de façon collective sur un territoire de propriété commune.
Chola : Métisse.
Pasanaku : En aymara, forme de crédit et de prêt coopératif informel entre une dizaine de personnes, pratiqué dans les communautés indiennes.
Une rupture épistémologique avec le féminisme occidental
Dans ce second chapitre, Paredes développe sa vision du féminisme communautaire. Partant de l’idée de cette conjonction des patriarcats, elle réfute à la fois les arguments du féminisme occidental et les perspectives indianistes largement admises qui font actuellement office de statu quo concernant les relations hommes-femmes, statu quo mettant à l’honneur une parèdre homme-femme idéalisée, où les deux genres sont soit disant égaux et/ou complémentaires, la chacha-warmi, qui est surtout, selon Paredes, une autre façon de perpétuer la domination masculine et le couple hétérosexuel.
Paredes revendique pour les femmes le droit de se définir elles-mêmes, et de définir le monde en fonction d’elles-mêmes. Elle leur réclame des droits, des voix et la garantie d’être entendues.
« Les frères indianistes nous disent que le féminisme est uniquement occidental et que nos peuples n’ont pas besoin de ces pensées occidentales car existe déjà la pratique de la complémentarité chacha-warmi, homme-femme, qu’il nous suffit de pratiquer puisque le machisme est arrivé avec la colonisation.
Même si on le voulait, qu’on forçait les choses en dissimulant les problèmes, le chacha-warmi n’est pas le point de départ de ce que nous cherchons. Pourquoi ? Parce que le chacha-warmi ne reconnaît pas la situation réelle des femmes indiennes, il n’intègre pas de dénonciation du genre dans la communauté et naturalise la discrimination. Ce machisme indianiste estime qu’il est naturel que les femmes aient les rôles qu’elles ont dans les communautés, ils ne veulent pas les analyser et reconnaître que les rôles et les activités des femmes sont considérées comme de moindre valeur, de moindre importance, qu’ils impliquent une plus grande exploitation de la force de travail des femmes. Cela revient à naturaliser la discrimination, les inégalités, l’exploitation et l’oppression des femmes. Considérer naturel que les femmes prennent en charge ces rôles, c’est aussi considérer naturel qu’elles soient subordonnées et les hommes privilégiés en bénéficiant, par exemple, de plus de temps, de plus longues études, de meilleurs salaires, et de plus de respect quand ils prennent la parole. Le chacha-warmi ne dispose pas de l’instrument que constitue la dénonciation du genre dont nous avons besoin pour pouvoir comprendre et révéler les causes des conditions historiques, de l’oppression des femmes, parmi nos peuples, afin de pouvoir les changer.
Mais il y a une chose intéressante : le chacha-warmi, bien que de façon confuse et machiste, offre la représentation d’une paire complémentaire. Mais il s’agit d’une paire machiste, dont la complémentarité est hiérarchique et verticale, avec les hommes en haut, privilégiés, et les femmes en bas, subordonnées.
Le sens du chacha-warmi est également confus parce qu’une paire complémentaire est une chose et un couple hétérosexuel en est une autre. La paire complémentaire est la représentation symbolique des communautés qui, du fait des tergiversations machistes, est interprétée aujourd’hui dans les communautés comme le couple hétérosexuel.
[…]
Nous récupérons donc l’idée de paire complémentaire mais pour partir de ce concept nous devons obligatoirement nous éloigner de la pratique machiste et conservatrice du chacha-warmi. Il faut le dénoncer comme un espace de forte résistance machiste, de privilèges pour les hommes et de violence en tous genres envers les femmes. Dans la perspective de féminisme communautaire qui est la nôtre, nous le repensons comme paire complémentaire d’égaux warmi-chacha, femme-homme, warmi-qhari, cuña-kuimbaé. Ce n’est pas un simple changement de place des mots, mais la reconceptualisation de la paire complémentaire par les femmes, parce que, nous les femmes, sommes celles qui sommes subordonnées et que construire un équilibre, une harmonie au sein de la communauté, de la société, se fait en partant des femmes.
Ceci étant établi, Julieta Paredes expose sa vision d’une communauté de communautés, où humains et humaines sont libres de former des groupes sociaux d’âge, de sexe, de cultures, d’intérêts, de divertissement, d’éducation… à des échelles différentes et interconnectés, depuis la maison, le quartier, la région, jusqu’aux échelles gouvernementales. C’est la condition d’une justice de genre et de classe qui n’oublie personne et ne met personne au-dessus des autres.
Il nous reste alors, en tant que femmes, à traduire cela en politiques publiques, qui commencent dans les communautés, et doivent parvenir jusqu’au gouvernement national. Cela signifie rendre doublement, là où c’est nécessaire, aux femmes car si les hommes se sont appauvris, nous, les femmes, nous sommes plus appauvries que les hommes. Il n’y a pas de raison de s’en effrayer car rendre le double aux femmes, ce n’est que justice. Par exemple : il faut rétribuer doublement les femmes indiennes car il est juste de leur rendre, en tant que communautés indiennes de femmes et d’hommes d’abord, ce que le colonialisme et le racisme leur a volé mais aussi, comme les femmes indiennes se sont plus appauvries que les hommes dans leurs communautés, il faut leur rendre ce que le patriarcat leur a volé. C’est pourquoi nous disons qu’il faut leur rendre deux fois, la première en tant qu’Indiennes et la deuxième en tant que femmes. »
Olympe de Gouges : femme de lettres française, devenue femme politique. Elle est considérée comme l'une des pionnières françaises du féminisme.
Chacha-warmi : paire « complémentaire » homme-femme
warmi-qhari : « femme » et « homme » en quechua.
cuña-kuimbaé : « femme » et « homme » en guarani
Warmi-pacha : mot aymara qui signifie univers.
Media Luna : Zone orientale de la Bolivie où la population indienne est minoritaire. La population métisse et blanche a formulé des revendications autonomistes pour bénéficier des ressources en hydrocarbures et s’est opposée au gouvernement d’Evo Morales.
Yapa : Petit supplément à un achat ajouté par le commerçant en cadeau.
Le moment est venu !
Julieta Paredes fait ici ses propositions, théoriques, pour une société en communauté où l’espace, le temps, la culture et la vie politique sont pensés pour les femmes. En lieu et place des indicateurs traditionnellement utilisés pour décrire la société moderne – degré d’éducation, violence et délinquance, libertés… – qui portent en eux une injustice de genre et de classe, elle utilise des indicateurs à la fois plus susceptibles de pouvoir décrire tout groupe humain, en Bolivie ou ailleurs, selon 5 catégories, 5 champs d’action : le corps, le temps, l’espace, le mouvement et la mémoire.
« Nous voulons construire avec nos corps des mouvements sociaux et politiques qui recueillent les propositions et rassemblent nos rêves et nos espoirs.
Nos corps nous invitent à récupérer nos énergies et notre santé. Nous voulons nous regarder dans le miroir et aimer nos formes corporelles, nos couleurs de peau et de cheveux, car nous en avons assez d’une esthétique coloniale du blanc comme canon du beau. Nous sommes fatiguées du spectacle frivole de ces corps qui s’exhibent pour la consommation machiste, éléments qui participent du culte de l’apparence que le néocolonialisme a installé. C’est en partant de nos corps sexués que les hommes font de nous leur objet et que les oligarques nous exploitent à outrance.
Ce n’est pas la même chose d’avoir un corps de femme ou un corps d’homme, cela ne signifie pas la même chose dans nos communautés et nos sociétés – nous voulons que notre peuple reconnaisse qu’il en est ainsi. Nous voulons conduire des actions qui, au sein des processus de changement, soient synonymes d’allégresse et de bonheur pour nos corps de femmes.
[…]
La vision, cyclique et ancrée dans l’espace, du temps que l’on retrouve habituellement dans les communautés, s’applique de deux manières dans la réalité concrète des corps. Il y a un temps pour les hommes, c’est le temps important, où ceux-ci sont privilégiés. Il y a aussi le temps des femmes, considéré comme un temps non important. C’est pour cette raison que le temps des femmes est aspiré par celui des hommes.
Ce temps considéré « non important » que vivent les femmes est cependant un temps où sont effectuées des activités indispensables, c’est-à-dire très importantes pour la vie, toutes nécessaires pour prendre soin de la vie des hommes et des femmes de la communauté. Les femmes sont donc absorbées et dévorées par ce temps que le patriarcat désigne comme « non important.
[…]
Les conséquences de ces logiques de pensée se reflètent dans l’aliénation complète des femmes, contraintes à des tâches ennuyeuses et répétitives du quotidien comme laver, faire la cuisine, s’occuper des wawas. L’espace est là, nous pouvons le voir et le toucher, mais le temps s’évanouit de nos corps et de nos mains. La réflexion que nous proposons sur le temps est vitale dans la mesure où la vie s’en va minute après minute et qu’il y a des moments où il faut envisager des formes sociales d’actions pour mettre fin à cette situation et récupérer le temps des femmes.
[…]
La mémoire nous parle d’où nous venons, quels problèmes, quelles luttes ont eu lieu en chemin, de pourquoi nous les femmes nous en sommes là où nous en sommes, qu’avant aussi, il y a eu des femmes rebelles. Elle nous permet de nous souvenir des résistances antipatriarcales de femmes de nos communautés, de reconnaître celles qui vivent aujourd’hui encore, quelques-unes très âgées, dans nos communautés, de les estimer et d’estimer leurs apports à nos luttes de femmes.
La mémoire nous raconte les savoirs de nos grand-mères et arrière-grand-mères, les précieuses contributions techniques, biotechnologiques et scientifiques qu’elles ont apportées à nos peuples et à l’humanité : savoirs touchant à la construction des maisons, la sécurité alimentaire, l’alimentation saine, la confection des vêtements, la formation et l’éducation des wawas, la musique, la poésie. C’est, enfin toute la richesse des connaissances de nos ancêtres que nous devons aujourd’hui récupérer tout en produisant de notre côté d’autres connaissances pour l’avenir heureux de nos peuples.
Les mots de Paredes expriment toute la puissance du féminisme décolonial. Nous ne pouvons pas nous contenter d’un féminisme qui n’arrange et ne concerne que nous, femmes blanches occidentales. Ce serait un mensonge, une négation de l’Histoire, de la souffrance des peuples colonisés, esclavagisés. Ce serait faire le jeu du patriarcat, du racisme mais aussi du capitalisme et du néolibéralisme, avec leur simulacre de démocratie qui prétend inclure toustes les humain·es et écouter toutes les luttes, quand, en réalité, ils ne roulent que pour eux-mêmes, le profit et la silenciation des masses qui l’empêchent de faire tourner leur monde.
Je n’ai jamais autant appris sur la lutte féministe que depuis que je me penche sur des auteurices noir·es, sud-américain·es ou juste populaires, parce qu’iels m’offrent une lecture pleine et entière, autant que faire se peut, sur la marche de notre monde. Nous ne pouvons pas dissocier la lutte féministe de la lutte des classes, anticapitaliste et antilibérale. Iels m’informent sur les illusions auxquelles nous avons eu l’imprudence de croire : le marché n’est pas libre, les frontières ne laissent passer que le capital et les démocraties tuent les peuples.
Commentaires
Enregistrer un commentaire