La loi des pères - Patric Jean




Patric Jean dresse dans cet ouvrage un état des lieux de la pédocriminalité en France. Les chiffres sont tragiques, les témoignages saisissants, les conclusions sans appels : viol et inceste sont une composante du patriarcat, qui assure au dominant l’impunité et la toute-puissance sur les corps des femmes et des enfants.

Petit debriefing de lecture, avec les liens qui vont bien.





INCESTE ET PÉDOCRIMINALITÉ

Il nous rappelle, tout d’abord, la différence entre les termes pédophile et pédocriminel : le pédophile éprouve du désir à l'égard du corps des enfant, mais n’est pas passé à l’acte… Il nous livre ensuite les résultats d’une étude, le Projet Dunkelfeld, faite en Allemagne en 2005 :


"Selon le professeur Klaus Beier « 1% des hommes ont une attirance sexuelle pour le corps des enfants », mais « seuls 40% des hommes qui commettent un crime sexuel sur un enfant sont pédophiles, 60% ne le sont pas. » […] « Cette estimation nous permet donc de considérer que 2,5% de la population masculine peut commettre, ou commet, des délits ou crimes sexuels en direction des enfants."


Le lien entre inceste et pédocriminalité est forcément très étroit, puisque la victime la plus facile d’accès, c’est le propre fils ou fille du pédocriminel, ou tout autre enfant de sa famille dont il est proche et qui lui fait, a priori, confiance. Il s'agit, ainsi, d'éprouver sa puissance, pour ne pas dire sa propriété sur le corps de ses enfants, tout comme le viol est un acte de propriété sur le corps d'une femme.

Et cette criminalité est très active. Quelques chiffres canadiens ou européens :

- Au canada, en 1990, une étude a démontré que 17% des femmes interrogées avaient vécu une forme d’inceste (contact ou tentative de contact sexuel dans le cadre familial, avant 16 ans).
- De 2002 à 2009, 18 à 22% des québécoises, et 9,5% des Québécois déclarent avoir subi des agressions ou crimes sexuels avant 17 ans.
- Au Royaume-Uni, 20,8% des filles et 12% des garçons entre 11 et 17 ans ont déclaré avoir déjà subi une agression sexuelle.
- Les agressions sexuelles sur les enfants n’ont pas lieu que dans les familles… les enfants sont également au cœur de la prostitution : ils représentent entre 40 et 50% des victimes de trafic d’êtres humains à des fins de prostitution.


"Il faut rappeler que, dans les pays dits développés, presque la totalité de la « clientèle » de la prostitution est constituée d’hommes. Il s’agit bien d’un phénomène caractérisant le genre masculin."




« 6% des personnes (9% des femmes) déclarent avoir elles-mêmes été victimes d’inceste. Ce qui représente quatre millions de victimes en France.

"[…] Déjà en 2000, l’ENVEFF (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, INED) affichait un taux de 11% de femmes affirmant avoir fait l’objet d’une agression sexuelle. Dont plus de la moitié avant l’âge de 18 ans.
En 2006, une étude de l’INSERM et l’INED confirmait de telles proportions : près de 6% (9,44% pour les femmes) des 12 364 personnes interrogées par téléphone déclaraient avoir subi un viol, ou une tentative de viol, avant 18 ans. Ces victimes « incriminent principalement leur père, beau-père ou une personne de la famille (27% des cas), voire des personnes connues d’elles (31%). Les agresseurs inconnus restent toujours une minorité (17%). » Il est important de noter que « les fréquences [d’agressions sexuelles] avant 18 ans ne varient guère en fonction de la catégorie sociale du père, ni parmi les femmes, ni parmi les hommes, le pourcentage le plus élevé se rencontrant chez les filles de cadres : 10% »."


Exit la vision du père « abusif » parce qu’il est pauvre et alcoolique…


"Néanmoins, le principe qui se dégage de la lecture de toutes ces études internationales s’énonce en deux mots : importance et invisibilité. Il s’agit d’un phénomène de masse, pourtant absent du discours politique, cantonné dans la littérature des associations de victimes, que personne ne semble prendre au sérieux.

Il importe de prendre les résultats avec la plus grande prudence et d’éviter de jeter en pâture au public des chiffres exagérés dont plus personne ne connait l’origine. Avec toutes les précautions nécessaires, on peut néanmoins se faire une image de l’importance du phénomène à partir des principales sources évoquées (ENVEFF, Virages, AIVI) qui établissent le fait suivant : entre 3 et 6% de la population française, selon les enquêtes et la manière de poser les questions, ont subi un délit ou un crime sexuel dans leur enfance ou leur adolescence, le plus souvent dans la famille ou l’entourage proche."


Patric Jean nous rappelle que la France, et plus largement l’Europe, a un lourd passif historique à l’égard des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants, entre déni et légitimation.

Déni : les femmes comme les enfants sont accusés d’affabuler, de mentir pour salir l’honneur des hommes, de manipuler. Sans coups portés à la victime, celle-ci est jugée consentante jusqu’en 1832, et ça n'est pas tellement différent aujourd'hui, en l'absence de violence, la justice a tendance à présumer que la victime était consentante : ce n’est donc pas l’agression sexuelle qui caractérise le crime, mais la violence.

Légitimation : en fait, la victime était consentante ! Les femmes, bien entendu, séduisent les hommes, mais les enfants aussi. Les Matzneff et les Tony Duvert (encore défendu par Peggy Sastre en 2013) ont fait leurs choux gras de telles allégations, relatant à longueur de pages leurs « amours » pédocriminelles.


Ci-dessus : Le Monde en 1976, Libération en 1977 et 1979.
Ci-dessous : Libération en 1981.



"La stratégie a donc évolué à cette époque où le discours propédophile est très peu réprimé. Il s’agit moins de nier les « faux attentats » qui seraient inventés par les mères que de libérer de leurs mères les enfants désireux de rapports sexuels avec les adultes."


Aujourd’hui, ces deux formes de négationnisme sont toujours à l’œuvre : Adèle Haenel était peut-être consentante ? Les victimes de Polanski mentent sûrement ?


"En 2012, un père de famille français est jugé pour des viols incestueux d’une particulière cruauté. Pourtant, même si le cadre supérieur violait ses deux filles sous le regard de la mère, alors que l’une d’entre elles avait subi en conséquence trois avortements et que l’autre avait accouché d’un garçon, l’idée d’un « inceste heureux » est défendue par les avocats et finit par convaincre la cour. L’homme n’est condamné qu’à deux ans de prison ferme [NDLV : tout comme la mère] déjà effectués et immédiatement libéré. Deux ans plus tard il tuera d’une balle dans la tête l’une de ses filles qui venait de s’enfuir.

En 2018, toujours en France, un homme a été acquitté du viol d’une déficiente mentale de treize ans dans des toilettes publiques au nom du possible consentement de la victime.

À Versailles, toujours en 2018, c’est le cas d’une fille de treize ans violée par une vingtaine de pompiers qui provoque l’émotion. Le parquet de Versailles demande une requalification des faits car « le défaut de consentement apparaît insuffisamment caractérisé. »"


Il faut bien comprendre que nous sommes aujourd’hui rendus à ce point où l’on s’inquiète davantage que trop d’hommes soient injustement accusés, que trop d’enfants soient impunément violés ; davantage de briser la vie d’un homme innocent (on voit comme la carrière de Polanski est brisée…) que de briser la vie d’un enfant sans défense. Il y a plus victime que la victime : son bourreau.

DIVORCES, SAP ET ALIÉNATION PARENTALE

C’est dans les pages qui suivent que le lien entre masculinisme et inceste devient évident, lorsque Patric Jean nous dépeint les manœuvres des pères qui ont « perdu » la garde de leur enfant à l’issue d’un divorce. Tu sais, ceux qui montent sur les grues ! Ces évènements, médiatisés avec légèreté par les journaux télévisés, sont en réalité de véritables coups montés, théorisés et mis en œuvre par les mascus québécois. Alors qu’il travaillait sur son film La Domination masculine, Patric Jean a infiltré une de leurs associations au Québec et la première fois qu’il les a entendus parler de ce genre de coup de comm’, il ne les a pas pris au sérieux. Puis c’est arrivé en France, via l’association SOS Papa. Il ne s’agit pas tant de se plaindre de la perte de la garde de leurs enfants, il s’agit d’avancer masqué sur le sujet de la fameuse domination féminine ; l’argument selon lequel les femmes seraient privilégiées dans nos sociétés, en particulier devant un tribunal, est ici central. Pour emporter l’adhésion des foules, il leur faut d’abord choisir un lieu qui ne perturbera pas l’ordre public et à la haute portée phallique, pardon, je veux dire symbolique. La grue d’un chantier désaffecté est donc un lieu de premier choix pour transmettre l’idée d’ascension de ces pauvres papas désenfantés par une justice aux ordres des femmes. Il a fallu pas mal de temps aux médias et au public avant de comprendre que ces hommes avaient été, parfois lourdement, condamnés par la justice pour violences sur leurs femmes et / ou leurs enfants.


- 50% des divorces se font par consentement mutuel : les parents se sont mis d’accord sur la garde.
- les autres 50% sont des divorces « contentieux » : le désaccord porte surtout sur la raison d’être du divorce et sa résolution matérielle et financière. Ici, dans 87% des cas, les parents se sont mis d’accord sur la garde des enfants, majoritairement… chez la mère.
- 75% des pères ne réclament pas la garde des enfants, ni en résidence principale, ni en résidence alternée.
- Il n’y a donc conflit sur la garde des enfants que dans 6,5% des divorces.

- Pour les couples non mariés, la majorité se mettent d’accord sans saisir la justice et nous n’avons pas de statistiques les concernant.
- Lorsqu’il est saisit, dans 18% des cas, c’est le parent qui le demande qui obtient la garde (le plus souvent la mère), parce que l’autre parent ne s’exprime pas (le plus souvent le père).
- dans 59% des cas, les deux parents se mettent d’accord, majoritairement sur une résidence au domicile de la mère.
- Il reste 22% qui ne parviennent à aucun accord amiable et la justice doit décider pour elleux : la résidence est fixée chez la mère dans 10% des cas, 5,7% chez le père, et autant en alternance.


- 10% des situations présentées devant le juge impliquent un parent qui ne s’exprime pas. 8 fois sur 10, il s’agit du père.
- lorsque le père propose une résidence chez lui et la mère une résidence alternée, le juge fixe une résidence chez le père dans 60% des cas, une résidence alternée dans 40% des cas. C’est-à-dire que lorsque le père la demande, le juge fixe deux fois plus de résidence chez lui que dans les cas d’accord.
- Le taux global de satisfaction de demandes des pères est de 93,4%, celui des mères de 95,9%.

On est loin d’un scandale d’éviction généralisée des pères, qui, dans l’ensemble, ne s’arrachent pas leurs enfants… Malgré cela, année après année depuis 2009, des propositions de loi reprenant mot pour mot le discours des associations de pères en colères sont déposées pour établir la résidence alternée comme obligatoire pour les enfants de parents séparés. En parallèle, le « Syndrome d’aliénation parentale » (SAP), théorie également partie du Québec, fait son apparition dans les cours de justice : les mères manipuleraient leurs enfants pour porter de « fausses allégations » d’inceste pour évincer le père de la garde. Là aussi, une proposition de loi est déposée en 2009 pour faire reconnaitre ce syndrome et le faire punir d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Depuis 2012, ces deux propositions sont liées dans le même texte et proposé à l’Assemblée, puis au Sénat, au nom… de l’égalité femmes-hommes.

Ces textes ne furent pas adoptés mais la stratégie des « pères en colères » finit par payer, à force de pression et de médiatisation : même s’il n’est pas toujours mentionné comme tel, le syndrome d’aliénation parentale est bien à l’œuvre dans nos tribunaux. Le livre de Patric Jean est rempli de témoignages de femmes qui, pour avoir osé porter plainte contre leur ex-mari ou compagnon pour viol sur leur enfant, ce sont retrouvé menacées d’emprisonnement et… privées de la garde de leur enfant, qui était alors fixée chez leur bourreau. Et lorsqu’elles défient la justice en refusant de remettre l’enfant au père… elles sont accusées d’enlèvement d’enfants et emprisonnées. L'actualité nous offre un exemple concret : ainsi, et quel que soit le degré de légitimité de Rokya Traoré à refuser de céder la garde de son enfant à son père, je remarque que l'on n'a pas hésité bien longtemps à l'emprisonner, alors qu'elle n'a violenté personne... Et là, je ne vois personne séparer la femme de l'artiste. Parfois, l’enfant n’est pas remis au père, mais placé en famille d’accueil. Là encore, les associations de pères font front pour porter plainte systématiquement contre les médecins qui ont constaté les violences, parfois cruelles et sans appel, pour les dissuader de reprendre à l’avenir un tel risque… De même, des psychiatres ou psychologues acquis à leur cause donnent chaque année des conférences auprès d’experts et de magistrats, qui les écoutent d’une oreille attentive. Le loup est fermement planté au milieu de la bergerie.

Notons que le SAP a fait puissamment phosphoré les mascus. Face aux allégations de non-scientificité, le terme « syndrome » a été retiré et pour lui donner la figure sérieuse d’un concept psy, on lui a ajouté des froufrous et des nuances. Ainsi le « syndrome de Médée » désigne la tendance des femmes à vouloir priver leur ex de leurs enfants. Le « syndrome de Münchhausen par procuration » vient en renfort et consiste à inventer des violences faites par le conjoint sur les enfants, car ce sont les mères qui sont malades en réalité.


"Les défenseurs de cette idéologie ont pris l’habitude de se citer entre eux. Une dizaine d’auteurs dans le monde suffisent pour « sourcer » des articles de manières circulaire et leur donner une apparence de scientificité. […]

Des chercheurs de l’université d’Oxford ont analysé méthodologiquement trente-neuf études publiées qui forment le corpus central du SAP. Les auteurs ont relevé la taille des échantillons utilisés, la façon de les constituer, la manière d’analyser les données recueillies. Il en ressort qu’aucun n’obtient un score « haute qualité », trente-deux publications étant même classées comme « de (très) faible qualité ».

En effet, la majorité de ces travaux n’utilise qu’un faible échantillon, sans groupe témoin, parfois en ne s’appuyant que sur les déclarations du parent qui se dit rejeté. La conclusion des auteurs est sans appel : les travaux évalués n’apportent aucune preuve empirique. Il s’agit d’un ensemble de textes qui tentent de valider des valeurs culturelles stéréotypées.

[…] Du coup, la référence mondiale des psychiatres et psychologues, le Manuel diagnostiques et statistiques des troubles mentaux (DSM) de l’association américaine de Psychiatrie (AAP), ne fait aucune mention du SAP […]

Certains des scientifiques consultés par le DSM ont répondu par une véritable leçon de science, estimant que le concept se fonde sur une « majorité d’articles qui sont essentiellement polémiques, des points de vue personnels et des descriptions cliniques d’un petit nombre de cas provenant d’échantillons non tirés au sort à l’avance (non randomisés) ». Leur charge est sans merci : « l’estimation faite de la prévalence du problème est inadéquate », « les auteurs ne font pas référence aux études empiriques qui sont plus rigoureuses […] or ces études aboutissent à des hypothèses contraires selon lesquelles l’aliénation parentale peut se distinguer de manière fiable du processus dans lequel un enfant se détache avec réalisme d’un parent, parce que ce dernier a une attitude éducative problématique ou abusive. »"


Il faut comprendre qu’aliénation parentale et SAP sont deux concepts bien différents. Quand il s’agit du SAP, on parle toujours du malheur du père, privé de son enfant, et jamais de l’enfant et des désordres mentaux que cela implique de rompre émotionnellement avec un de ses parents… Cette anomalie d’attribution de la souffrance est révélatrice de l’usage qu’en font les mascus : il sert non pas à faire valoir le droit de l’enfant à voir ses deux parents, mais le droit du parent aliéné à voir l’enfant. Le parent « victime » fait valoir ses droits sur l’enfant et utilise le SAP comme moyen de pression sur le « parent préféré » non pas pour protéger l’enfant mais pour punir le parent préféré en le privant à son tour de son enfant. Ainsi, l’enfant est manipulé pour faire souffrir l’autre. Dans ce contexte, les allégations de violences physiques ou sexuelles sont systématiquement accusées par le parent aliéné d’être une manœuvre pour le décrédibiliser et le priver d’enfant. Inversement, l’aliénation parentale est un concept avéré, documenté et bien étudié qui décrit la relation en souffrance d’un enfant vis-à-vis d’un de ses parents sans motif légitime. Placer la souffrance du parent aliéné en exergue et nier les violences du parent aliéné subies par l’enfant, c’est la marque du bullshit du SAP. Dans le cas de l’aliénation parentale, on parle de l’enfant, c’est l’enfant qui souffre, pas le parent aliéné, c’est son cas qui est étudié et ses relations avec ses deux parents qui sont alors observées. On constate alors que c’est bien le parent problématique, violent, qui est à l’origine de l’aliénation parentale de l’enfant, soit parce que l’enfant a conscience de ces violences et s’en défend lucidement (on cessera alors de parler d’aliénation parentale dans ce cas, puisque la décision de l’enfant apparaitra comme légitime), soit parce que les manœuvres problématiques du parent aliénant consistent précisément à dévaluer l’autre parent aux yeux de l’enfant (là il s’agira bien d’aliénation parentale). Ces deux notions sont totalement antagonistes.

SAP ET « FAUSSES ALLÉGATIONS »

Au chapitre du Syndrome d’aliénation parentale brandi par les mascus, les « fausses accusations » de viols et violences sur l’enfant ont donc une place de choix : elles seraient la preuve même que le parent qui accuse cherche à détruire l’autre. Pourtant, si l’on suit ce raisonnement, on se heurte à une curieuse impossibilité statistique…

On distingue trois types de criminalité :

- la criminalité légale = l’ensemble des jugements ou condamnations portés par la justice.

- la criminalité révélée ou mesurée = totalité des infractions portées à la connaissance de la justice ou aux forces de l’ordre (plaintes, dénonciations, procès-verbaux…) sans qu’il n’y ait forcément jugement. Elle est par essence supérieure à la première et fait régulièrement l’objet de statistiques rendues publiques.

- la criminalité réelle = toutes les infractions effectivement commises, qu’elles aient été portées à la connaissance de la justice ou pas. On en ignore le nombre mais elle est par définition supérieure aux deux premières. Le chiffre séparant la criminalité réelle de la criminalité révélée est appelé « chiffre noir ». On en fait des estimations via des enquêtes de délinquance autoreportée (les gens s’auto-dénoncent, anonymement) ou des enquêtes d’autovictimisation (les gens se déclarent comme victimes, anonymement également). Dans les deux cas, les chiffres obtenus sont toujours sous-estimés car les coupables ont tendance à minimiser leurs actes et les victimes peuvent éprouver des difficultés à raconter.


"Dans le cas d’homicides, le chiffre de la criminalité révélée se rapproche de celui de la criminalité réelle, car il y a peu de faits qui ne sont pas enregistrés par la police. Le « chiffre noir » est essentiellement constitué du petit nombre d’homicides que l’on fait passer pour des suicides ou des morts naturelles. En revanche, en ce qui concerne les viols, la différence est notable puisque le nombre de plaintes est estimé environ à 10% des viols réellement commis. La criminalité réelle est dix fois supérieure à la criminalité révélée."


Vous voyez où l’auteur veut en venir ?


"Faisant fi des enquêtes de victimisation relatives aux crimes sexuels commis sur les mineurs, qui font apparaitre pourtant, par définition, un nombre de crimes et délits inférieur à celui des faits réellement commis, ils défendent un système où la criminalité mesurée serait supérieure à la criminalité réelle. Ce qui est évidemment impossible.

Plus précisément encore, dans le cadre d’une criminalité mesurée (le nombre de signalement et plaintes) qui est, comme on l’a vu, toujours inférieure à la criminalité réelle (mesurée dans les enquêtes d’autovictimisation), ils estiment que les rares plaintes seraient pour la plupart de fausses allégations. Autrement dit, malgré leur infime proportion à propos de crimes et délits, eux extrêmement nombreux, réels et mesurés, les plaintes seraient le plus souvent des affabulations. Les auteurs qui défendent cette thèse se gardent bien d’expliquer le gouffre entre la quantité de faits révélés par les victimes tout au long de leur vie et le petit nombre de condamnations par un tribunal, déjà trop important à leurs yeux."


Le rapport Viaux, commandé par le ministère de la Justice, a analysé des milliers de décisions de justice. Sa conclusion ? Les « fausses allégations pour exclure un parent (le père) de la vie de l’enfant […] sont un phénomène rare dans ce contexte (de contentieux de divorce). 1 à 2 dossiers pour 1000. »

Le viol, et plus encore l’inceste, est décidément un crime à part, que l’on a bien du mal à reconnaître. Déni, légitimation. La justice patauge dans la culture du viol et malgré les chiffres, les évidences, les rapports, les témoignages, prête encore une oreille trop attentive aux sirènes des théories antivictimaires. Ici règne la loi du père.


***


Sur ces sujets sensibles, Patric Jean cite deux films qui m'ont l'air fort recommandables et qui pourraient avantageusement compléter cette lecture : Le Phallus et le Néant de Sophie Robert (2018), et M de Yolande Zauberman (2019) :




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