Blason : couleurs




Vous avez les mots, vous avez les faits, vous avez les objets… Vous reste (avant la suite) à réviser vos couleurs… mais attention, peindre un blason n’a rien à voir avec une paisible et relaxante activité de coloriage ! On ne pose pas les couleurs au hasard, ni même tout à fait par plaisir…

 
Il n’y a finalement qu’une seule règle pour construire un blason : la lisibilité. J’ai bien insisté pour que vous ne chargiez pas votre écu de fanfreluches illisibles et inutiles (voire ridicules), messire de Fouille-Croix, je vais tâcher de vous convaincre à présent de ne pas le barbouiller à l’aveuglette.
 
En guise d'entrée en matière, je vous recommande chaudement le visionnage de cette conférence de Michel Pastoureau, qui fait partie d'un ensemble tout aussi passionnant de cours donnés au sein du musée du Louvres en 2012. Le monsieur est spécialiste des couleurs, du Moyen Age et du l'histoire du vêtement... mais aussi du  blason.
 

On est parés, c'est parti.

Classiquement, l’art du blason ne retient que 6 couleurs, réparties en deux catégories (émaux et métaux), plus deux fourrures. Kézaco ?


Les couleurs : émaux, métaux

Attention !! La terminologie de l’héraldique n’a pas fini de nous faire tourner en bourrique : les termes « émaux » et « couleurs » sont parfois utilisés l’un à la place de l’autre… c’est-à-dire que pour les spécialistes, les « émaux » regroupent les couleurs et les métaux (depuis le XVème siècle), tandis qu’ici je fais le contraire, j’utilise le terme « couleur » comme générique qui regroupe les émaux et les métaux… Cela me semble plus clair de faire comme ça, et c’est la solution retenue en général quand on cause aux profanes dans notre genre.

Les métaux sont l’or et l’argent, c’est-à-dire le jaune et le blanc.


Les émaux sont : gueules, sinople, azur et sable, respectivement rouge, vert, bleu et noir.


Ces couleurs sont franches et sans nuances : cela signifie qu’il n’y a pas d’ « azur clair » ou « foncé », que rouge et vermillon c’est gueules, tout comme le vert sapin, bouteille, gazon ou émeraude est sinople, point barre.

Notez que le temps a garni la palette des possibles, et que vous pouvez, éventuellement, ajouter le pourpre, qui est le violet, la carnation, qui reproduit le rosé de la peau humaine ou encore le brun, pour le marron. 

L’époque moderne a vu fleurir les blasons « au naturel », utilisant les couleurs réelles des objets représentés.

Il existe quelques autres couleurs plus rarement utilisées, que vous pouvez découvrir ici.

Règle d’alternance des couleurs

Au-delà du petit frisson que vous procurera le fait d’utiliser ces mots délicieusement moyenâgeux, vous allez devoir vous attacher à respecter la règle de l’alternance des couleurs :

- pas de métaux sur métaux
- pas d’émaux sur émaux

De sable sur un champ d'or
Il vous faut donc visualiser votre blason comme un empilement de couches : le fond sera d’une sorte de couleur, l’élément qui se pose dessus d’une autre et ainsi de suite. Bien sûr, on fait des exceptions pour les petits détails.

Cette règle n’est que de bon sens : vous pouvez y aller, la signalétique routière, les fanions maritimes et les drapeaux de presque tous les états du monde respectent cette règle. Parce que depuis le moyen-âge, on a compris que du jaune sur du bleu, ou du blanc sur du noir, ça se lit mieux que du noir sur du bleu, ou du rouge sur du vert. Question de confort de lecture.

Le Brésil alterne le sinople, l'or, l'azur et l'argent

D'azur sur un champ d'argent

Par contre, c’est malicieusement prise de tête. Ne vous lancez pas directement dans le coloriage à grands gestes enthousiastes sans avoir réfléchi, répartissez vos couleurs par de petits points, ajustez, vérifiez, changez… Puis coloriez.


Les fourrures

vair
contre-vair
Les fourrures jouent également un rôle de parement, mais ne sont pas des couleurs, plutôt des motifs de fond, eux-mêmes colorés. Les chevaliers utilisaient ces fourrures pour doubler leurs vêtements, mais aussi pour renforcer leur bouclier. Rare et chère l’hermine confère une certaine classe, ardemment combattue par Brigitte Bardot de nos jours. En même temps, on a ici la preuve que c’est vraiment rétrograde, passéiste et moyenâgeux, le poil de rongeur….

Les fourrures sont donc le vair (qui « alterne les dos et les ventres d’écureuils », les motifs en clochettes sont imbriqués en alternant traditionnellement l’azur et l’argent) et l’hermine, (qui se « sème », ses couleurs traditionnelles sont le sable sur argent).

contre-hermine
hermine
Lorsque le motif de vair est grossi, on parle de gros-vair ou beffroi, lorsqu’il est rétréci, on parle de menu-vair.

Si l’on inverse la répartition des couleurs on parlera de contre-vair ou de contre-hermine.

Lorsqu’on utilise d’autres couleurs, on dit vairé ou herminé (vairé d’or et de gueules, ou d’or herminé de gueules par exemple). L’hermine peut porter des noms particuliers en fonction de ses couleurs : d’or herminé de sable, on parlera d’erminois, à l’inverse, de sable herminé d’or, on dira pean.


Des couleurs en noir et blanc ?

Bon, vous avez peinturluré votre écu et votre casque, c’est très joli, très gai, très coloré, mais vous devez garder à l’esprit qu’un galon de peinture ça coûte un bras, que c’est compliqué à fabriquer puis à transporter. Et puis, c’est fragile une couleur, ça passe, ça s’effrite. Le noir et blanc, ce n’est pas seulement économique, c’est parfois indispensable : comment exprimer la couleur du blason qui orne votre sceau, à votre doigt ?

L’héraldique a trouvé la parade : on code les couleurs.

Lorsque l’on doit se passer de peinture, on remplacera :

- l’or par des petits points
- l’argent par… rien
- le gueules par des traits verticaux
- l’azur par des traits horizontaux
- le sable par un quadrillage croisant traits horizontaux et verticaux
- le sinople par des traits obliques « qui descendent »
- le pourpre par des traits obliques « qui montent »

Pratique pour créer vite fait un armorial ou un jeu de l’oie du blason !


Jeu du Blason - Pierre Duval graveur et géographe du roi (avant 1662)

Voilà, à ce stade, vous devriez avoir votre blason. Je serai positivement enchantée que vous le partagiez ici avec nos lecteurs ! Charité bien ordonnée commence par soi-même, messire, et infortunément pour vous, lasse de vous attendre, j’ai fait comme si j’étais un être complet et autonome (un peu comme un homme), je me suis fait mon blason.

 
De gueules au pal d'or, au volubilis
vrillé de sinople, feuillé et fleuri d'argent


Commentaires

  1. ça m'embête un peu que les symboles n'apparaissent pas correctement sous Firefox alors que tout va bien sous Chrome... Est-ce que quelqu'un à une explication, ou mieux, un remède ???

    Il ne devrait pas y avoir ces vilains "d", mais de jolis écus !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La réponse à ta question se trouve là :
      http://superuser.com/questions/782955/wingdings-font-family-not-supported-by-mozilla-firefox
      Hélas, le caractère « Shield » existe en Unicode mais n'apparaît pas correctement non plus...
      Voir ici : http://www.fileformat.info/info/unicode/char/search.htm?q=shield&preview=entity

      Supprimer
  2. Si mes souvenirs en héraldique sont bons, les formes de blasons pour femme sont le rond, l'ovale ou le losange. (mais tu en as peut-être déjà parlé) Je vois que tu as choisi un ovale.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

À lire

Le Tzolkin : les bases

Le Tzolkin : pratiques personnelles

Hard Lemon - Volubilis

Vassilissa la très belle

Le Roman de Tristan et Iseut - Joseph Bédier / XII - Le fer rouge

Relations inclusives / exclusives

Marmite norvégienne

Regain - Jean Giono

Joyeux Noël... Norman Rockwell !

Bechdel Test