Animal


C’est LA question qui fâche. Qu’on puisse se la poser, quelle horreur ! Une petite dose de violence psychologique ?


Car c’est évident, nous n’avons rien de commun avec les bêtes, qui, elles, ne parlent pas, n’ont pas de conscience, ne connaissent ni l’art ni l’humour, ne votent pas et seraient bien emmerdées face à une tablette tactile. La plus grande part de l’humanité vit dans la certitude que ses droits sur les animaux sont absolus, sans même avoir à avancer d’argument pour cela, c’est un état de fait, d’évidence, un constat : l’Homme peut tout faire aux animaux.

- Nous en faisons des « animaux de compagnie », dans les meilleurs des cas, ceux-là jouissent d’une considération sans nulle autre pareille, mais c’est pas Byzance non plus, hein. Ils ont leur promenade du soir, leurs salons de beauté, leur société de protection, et une batterie de textes législatifs qui encadrent leurs existences.

- Nous en faisons du « bétail », sur lequel l’eugénisme fonctionne plein pot pour fournir des steacks sur pattes qui coûtent le moins cher possible. La bouffe est le second et dernier domaine où l’on s’intéresse un peu aux conditions de vie des animaux.

- Nous en faisons encore parfois des « bêtes de somme », corvéables jusqu’à ce que mort s’ensuive.

- Tout le reste n’est qu’un remugle grouillant et potentiellement dangereux dans l’esprit collectif, que l’on traque, que l’on chasse, que l’on écrase, que l’on empoisonne.


La persistance de ce mode de pensée et de fonctionnement, qui a pour nom spécisme, défie l’espace et le temps, il est présent aussi loin que l’on puisse voir de l’Humanité dans le singe que nous fûmes. Il est particulièrement vivace parmi les grandes civilisations, religions, courants d’innovation qui ont mené à l’image du monde actuel, dominé par notre (moi + vous) civilisation. Au point que les sociétés humaines qui revendiquent clairement l’égalité de l'humain et des animaux sont qualifiées de primitives (on les traite d’ailleurs comme des animaux), et sont aujourd’hui à l’agonie.



« Les racistes violent le principe d'égalité en donnant un plus grand poids aux intérêts des membres de leur propre race quand un conflit existe entre ces intérêts et ceux de membres d'une autre race. Les sexistes violent le principe d'égalité en privilégiant les intérêts des membres de leur propre sexe. De façon similaire, les spécistes permettent aux intérêts des membres de leur propre espèce de prévaloir sur les intérêts supérieurs des membres d'autres espèces. Le schéma est le même dans chaque cas » 
Peter Singer dans La libération animale, 1975



L’anti-spécisme n’a pas uniquement pour but de faire régner une fraternité cosmologique, avec des lapins bleus et des fleurs sur les chemins, il prévient aussi des graves implications idéologiques du spécisme.

Dès lors que nous avons considéré que certains humains n’étaient pas humains (typiquement, les africains, indiens, juifs, mais on génocide tous les jours), nous n’avons pas eu de limites au traitement que nous leur avons infligé.

Tu refuses ce « nous », c’est pas toi ce « nous », dis-tu ! Il est (peut-être) certain que tu n’as jamais fouetté un nègre dans un champ de coton, mais tu pourvoies chaque jour à la survivance de ce genre de traitements chaque jour et aujourd’hui encore par ton comportement. Quoi que tu en dises, tu cautionnes une idéologie qui amène fondamentalement à l’exploitation de l’Homme par l’Homme, sans que ça te pose de problèmes ! Le problème du spécisme, c’est qu’il va jusque-là… Il abolit la notion de respect de la Vie.

Quoique la science (et la bonne conscience mondiale) ait invalidé ces théories qui proposent une sorte de classement animal en espèces inférieures, supérieures et sub-supérieure (l’Homme, voire des Hommes parmi les Hommes), ce n’est même pas un sujet à controverse ou débat. Ok, d’un point de vue biologique les humains sont des animaux, mais faudrait quand même voir à pas confondre.

La vérité, c’est que ça ferait chier de faire comme si on était vraiment aussi égaux les uns les autres qu’avec les animaux, les vaches, les branches des arbres et les fleurs de coquelicots. Ce serait poétique, mais ça ferait chier aussi, vu que tu veux manger de la viande aussi souvent que tu en as envie et ne pas avoir à prendre du Seroplex pour endurer d’insupportables remords à être une espèce dominante. En plus que c’est la classe d’être un modèle supérieur, en soi. C’est une condition confortable.

Bref, l’égoïsme et l’immoralité l’emportent haut la main, mais sournoisement.


Et toi, tu te sens l’égal d’un animal ?

Commentaires

À lire

Hard Lemon - Volubilis

Le Tzolkin : les bases

Le Tzolkin : pratiques personnelles

La femme squelette - Clarissa Pinkola Estés

Relations inclusives / exclusives

Lettres à un jeune poète - Rainer Maria Rilke