Oppression


J’entends souvent dire que les hommes seraient oppressés, eux aussi, par le système patriarcal ; ça m’a toujours fait marrer, je sentais bien la malhonnêteté intellectuelle là-dessous, mais j’ai jamais creusé. Il y a un gars, un sociologue, qui l’a fait pour moi, d’une manière simple, bien imagée. Je vous en mets un bout, mais franchement, il faut le lire en entier, j’ai eu un mal de chien à sélectionner cet extrait…

Cet homme, un matin, se plaint de devoir se raser tous les jours. La faute à la société, et aussi un peu aux femmes. La sienne, à côté dans la salle-de-bain (j’imagine), lui rétorque :

« Arrête de te plaindre, toi, tu n’es pas oppressé ».


Toutes ces situations pénibles que j’ai pu vivre, c’est parce que je ne me conformais pas, ou pas assez, à mon rôle de dominant. Ce sont donc des coûts de la domination masculine. Mais précisément, ce sont des coûts : il y a quelque chose à gagner en échange. Ces coûts, c’est avant tout un prix : si je m’y conforme, je gagne tous les avantages d’être un dominant. Je gagne l’admiration des autres, l’accès à certains cercles, voire même la simple écoute. Et encore, pour beaucoup de ces choses, je n’ai même pas à faire beaucoup d’efforts. Pour être pris pour quelqu’un de sérieux, je mets un costume cravate, et personne ne s’intéressera plus à ma tenue. Oui, je n’ai pas la liberté d’aller au boulot en jupe ou en bermuda à fleurs. Mais en échange de cet abandon, je gagne de la crédibilité, de la légitimité, du pouvoir. 
Et ça, ça n’a rien à voir avec ce que vivent des oppressés. Quand on est oppressé, c’est que l’on est précisément dans une situation où l’on doit payer un coût sans rien obtenir en retour. Ou alors être payé en monnaie de singe. Une femme accepte de jouer le jeu de la féminité et se maquille de façon visible (en plus, elle aime se maquiller, c’est rigolo) ? Il y aura toujours un connard pour lui faire payer - “hé, si tu veux pas qu’on t’embête, t’as qu’à pas chercher à attirer l’attention”. Elle laisse tomber cette activité qui lui plaît et accepte de ne pas se maquiller ? “Hé, t’es pas féminine toi, tu prends pas soin de toi, t’es pas bien, t’es moche comme ça”. 

"Toi, t’es pas oppressé". 

C’est ça, l’oppression, ce jeu dans lequel où même si tu respectes les règles, tu ne peux pas gagner. On pourrait dire la même chose pour le racisme - même si un mec me traite de “sale blanc” un jour, ça ne m’empêche pas d’avoir accès à un emploi… -, pour la sexualité - si j’ai peur que l’on me traite de “pédé” si je m’habille de façon pas assez “hétéro”, ce sont les homosexuels qui sont oppressés, pas moi - ou même la classe sociale - l’extorsion de la plus-value, elle profite à qui à votre avis ? 
Denis Colombi


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