Moins + plus = égalité
Wouah, ça m’a arraché la gueule (rapport que les nouvelles ne sont pas bonnes et que faire des pourcentages, tu vois, ça me parait moins fun que me tirer une balle dans le pied), mais je l’ai fait. Je l'ai fait très sérieusement, je sais que ça ne l'est pas vraiment, mais je pense quand même que si, quelque part.
J'ai utilisé ce tableau, que nous a pondu l’INSEE (qui nous offre ce superbe axiome : "Plus il y a d'enfants dans le ménage, plus le partage des tâches reste inégal"... comment peut-on rester plus inégal ? ) pour réaliser quelques supputations statistiques...
Ce tableau, je l’ai rencontré ici, au détour d’un article des plus intéressants, dont l'auteur est le même sociologue dont je vous ai confié une réflexion, hier, sur ses blogs Une Heure de peine (qui valent bien le détour et qui se retrouvent dans mes liens, pour sa... peine).
Cet article faisait l’analyse d’un post surréaliste et en même temps complètement-trop-drôle-j’en-pleure-encore mis en ligne par un papa qui, me semble-t-il, y perd sa dignité sans s’en inquiéter une seconde. Voici cette analyse, en résumé :
L'argument de Kauffmann est donc le suivant : ce sont dans les interactions au sein du couple que se reproduisent les inégalités domestiques, au travers des arrangements apparemment libres, mais en fait inégaux, entre les conjoints. Un résultat très proche avait déjà été mis à jour aux Etats-Unis dans l'ouvrage The Second Shift (1989) de Arlie Hochschild : au travers de l'étude approfondie de plusieurs couples, l'auteure mettait en avant, de la même façon, les stratégies mises en œuvre par les hommes et les femmes pour négocier, rarement de façon très égale, les tâches domestiques.
T’imagines bien que cet article me parle.
Jette maintenant un œil (non, les deux, ouverts) à ces graphiques dont je te disais en intro que j’aurais préféré me suicider le pied plutôt que de les faire : je (re)précise qu’ils compilent simplement les chiffres de l’INSEE de 2010 donnés plus haut, qui ne concernent que les personnes actives de 15 à 60 ans.
Bon. Analysons sereinement.
- Les hommes travaillent plus que les femmes.
- On pourrait penser que cela implique qu’ils ont moins de temps libre, mais c’est le contraire : ils en ont plus. Evidemment, il y a ici de la place pour l’éternel « je bosse plus, c’est normal qu’en rentrant j’ai besoin de plus me reposer ». On va dire OK. Je suis complètement POUR que les gens se reposent proportionellement à leur temps de tavail.
- Ce temps libre des hommes, il est clair qu’il est pris sur le temps domestique, puisque les deux autres données (trajets et temps physiologiques) sont à peu près égales à 1% près.
- Ceci implique que le travail domestique de la femme, c’est un peu le travail qu’elle n’a pas à l’extérieur, du coup. Ah oui, d’accord. Mais alors, ce travail gratuit (oui, j’avais oublié de le préciser) c’est un travail pour lequel il n’est pas nécessaire de se reposer ?
A partir de là, je vous propose un délire. Un délire parce que je ne sais qu’à peine compter, et que je ne vais parler que des couples, vu que le problème est là, mais que dans mon tableau, je ne suis pas absolument certaine (je n'ai pas réussi à le définir à la lecture du dossier de l'INSEE) qu'il ne s'agisse que de couples. Y a peut-être des célibataires, dont je me fiche pas mal, là. Peut-être que les pourcentages seraient différents si on ne considérait que les couples. Ou peut-être pas.
Sinon, si tu n'as pas peur de l'overdose, tu peux étudier ce tableau-ci, plus précis, puisqu'il prend en compte les célibataires et les ménages en fonction de leur nombre d'enfants. Notons que les données du précédent tableau correspondent grosso modo aux chiffres pour un couple sans / avec un enfant de ce second tableau.
=> Ainsi, dans un monde où les hommes travailleraient autant qu’ils ne travaillent déjà et si l’on voulait qu’ils produisent autant de travail domestique que les femmes (c’est-à-dire que l’homme prendrait en charge une partie du travail domestique de la femme), on obtiendrait non plus 17% du temps de la journée, mais un kif-kif à 13% chacun, ce qui amènerait (ouhla, je suis en surchauffe, mais je tiens, les amis) un temps libre des hommes à… tiens, c’est drôle, 16%, alors que celui des femmes grimperaient à 19%. Vous suivez ou bien ? C’est juste une inversion pure et simple de la situation actuelle, qui ne devrait choquer personne (comme la situation actuelle).
Cela dit, le problème, selon moi, ce n’est pas le temps libre. C’est chouette le temps « libre », c’est là qu’on fait les choses qui nous plaisent, qui nous enrichissent… et qu’on se repose. Je ne l’enlèverais à personne pour rien au monde, même pas aux hommes.
Non, le problème, c’est le travail.
Les femmes travaillent moins non pas parce qu’elles sont des feignantes, mais parce qu’elles… oh putain, c’est dingue, elles ont à cœur de « concilier leur vie domestique et leur vie professionnelle ». Elles veulent s’occuper de ce qui ne sera fait par personne d’autre (suivez mon regard) mais qu’il faut bien faire quand même. Il est à parier que l’esprit libéré de 3% des tâches ménagères, elles travailleront plus.
Quant aux hommes, ils travaillent trop : c’est évident, puisque madame travaille moins mais que le besoin de rémunération, lui, est entier. Faut bien compenser. Mais dans la perspective susdite où les femmes travailleraient plus, les hommes auront moins besoin de travailler pour une rémunération identique du couple (ah, on me dit dans l’oreillette que ça va pas le faire tant qu’à travail égal il n’y aura pas de salaire égal… on s’en sort pas).
Pas trop mal aux cheveux ?
Du coup, je propose ce dernier graphique, mon Eden à moi :
Je t’arrête tout de suite : ce sont des moyennes, pour l’ensemble de la population active. T’as dû remarquer, cher cadre, que tu ne travaillais pas à un temps partiel de 22%, eh non, ces stats polissent des chiffres pris sur toute l’année, vacances et week-end compris et avec même des mamans à temps partiel et des chômeurs dedans. Avec 19% du temps consacré au travail, cela revient grosso modo à travailler 4h45 (ce qui est également une moyenne sur l’année, chômeurs et temps partiels compris…) par jour.
Concluons en laissant tomber ces cons de pourcentages (je les ai utilisés juste parce que je savais pas faire les même camemberts avec des durées sous Excell, je m’excuse complètement !) pour des adverbes plus flous mais qui sont aussi moins péremptoires : travailler un peu moins, pour chaque homme, lui permettra de participer davantage aux tâches ménagères tout en gardant un temps libre correct, et en permettant à sa femme de travailler plus, de se reposer plus, et de faire le ménage/s’occuper des enfants un peu moins. Un peu de plus en moins, un peu moins de plus en plus, et hop, égalité.
La réduction du temps de travail me paraît être le ferment indispensable à l’égalité homme/femme. Et puis, c’est pas comme si on avait 11% de chômeurs en France (chiffre encore plus délirant que mes supputations, mais bon, j’en ai pas d’autres, et de toute façon, on sait qu’ils sont plus nombreux) et que partager le temps de travail serait une bonne idée.
La prochaine fois, je me lance dans un système de graphiques qui nous expliquera que « travailler moins pour gagner pareil » c’est possible à la condition express qu’on le veuille bien, politiquement.
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