Dors

Une veille difficile : des questions en suspens, des frustrations invivables qui ont eu le tort de ne pas rester silencieuses... C'est dur la vie à deux, mais sans lui, je meurs.

Son travail lui prend tant de temps, il aimerait que je sois assez grande pour "gérer". Ça fait au moins 5 fois que je le lui promets, et que finalement, j'en suis incapable. Discussion âpre, qui l'a mis littéralement par terre. On a avancé, un peu, mais le plus dur reste à faire. Comme c'est dur de trouver les mots justes.


Lui dire que ce pied de melon que j'ai arraché, c'est pas si grave.
Me dire alors, pourquoi est-ce que je l'ai si mal pris ?
Lui dire que je suis légère, moi.
Me dire que lui ne l'ai pas.
Lui dire que nos premiers mois, exaltants, sont loin, et que c'est dur.
Me reprocher d'avoir mis tout ce temps pour m'en rendre compte et m'y faire.
Lui dire que cet enfant, ça me chamboule, ça me fait peur, peur qu'il n'y passe pas assez de temps.
Me dire que ça va passer, pas tout de suite, et qu'au surplus, ni lui ni moi n'en mourront. C'est ça la vie.
Lui dire qu'il me faut du temps pour m'adapter.
Me dire que 6 mois, c'est bien assez.
Lui dire que non.
Me dire que je ne suis qu'un pan de sa vie.
Le supplier que non.
Me dire qu'il doute que je suis capable de faire ma vie avec lui.
Lui dire qu'il n'y a que lui qui compte.
Me répéter que de son côté, ce n'est pas son cas.
Lui dire que j'ai besoin de temps.
Me dire qu'il n'en a pas.
Lui demander alors, pourquoi ce mariage, pourquoi cet enfant ?

Stop. Dodo. Je ne peux pas le voir pleurer. Ce n'est pas moi qui souffre le plus.

Alors ce matin, cette colonne de mots :

Dors, dors, mon grand dors
Je me poserais des questions
Demain
Ce matin
Dors, mon câlin, dors
Moi, je me lève
En catimini
M’asseoir ici
Siroter un café
Me pelotonner
Sur ce canapé
Dors, dors, mon beau, dors
La nuit trop courte
Les journées tellement longues
Les pleurs attendront
Allez, dors
Et dis-moi
Qu’on ne parlera pas plus fort que ça
Que ton regard
Ne seras pas lourd
Dors
Ronfle un peu, agite-toi
Fais comme toutes les nuits
Que demain soit comme chaque matin
Qu’il soit doux
Comme chaque demain
Dors et puis
Calme-toi, repose-toi
C’est dur d’apaiser quelqu’un
Quand on est soi-même inapaisable
Dur de trouver du calme
Dans le bruit de ma tête
Dors
Cette nuit j’ai rêvé
Pas de toi
Que j’étais prisonnière et gardienne
Je ne savais pas
Mes liens étaient si fins
Du fil de fer de jardin
Et les gens autours
Tellement violents
Je t’attendais à tout instant
Me tirer de là
Allez on dort ?
Nous deux gisants
Tes yeux fermés
Tournés vers le mur
Les miens grands ouverts
Vers le plafond
Allez on dort
Tu te tournes tout entier
Moi aussi
Nos corps parallèles
Nous trapèze
Toi grande base
Moi petite
Et entre les deux
Lignes de fuites
Qui se joignent dans mon dos
Dors et dis-moi
Que tout ça
Tu l’as voulu, souhaité
Que tu vas l’aimer
Et lui apporter
Tout ce qu’on n’a pas reçu.
Dors...

Et quand il se lève, la discussion reprend.

Oui, c'est d'accord, si je dois être le dernier pan de sa vie, je serais celui-là. J'accepte.
Oui, c'est d'accord, je vais oublier mes 20 ans, et mettre les deux pieds dans la vie sérieuse, celle qui ne rigole pas tous les jours, mais qui n'oublie jamais de sourire.
Oui, d'accord, notre couple, ce sera 3 heures par jours, plus, ce n'est pas possible. J'accepte.

Mais je ne peux pas lui promettre de réussir tout d'un coup, d'un claquement de doigts. Peut-être que cette conversation reviendra, le moins possible, c'est promis.

Mais alors, je ne peux plus rester seule. Je dois trouver des appuis. Des supports. Des gens avec qui parler, rire, me procurer du plaisir. Pour être souriante quand il revient, de ne pas faire partie de ses soucis. Pour être vraiment aussi légère que ce que je prétends être.

Je veux fêter mes noces de diamant avec lui. Je mettrais tout ce qui faut au bout.

Il ne me fera plus l'amour tous les jours. C'est d'accord. Je ferais ruisseler mes cuisses toute seule comme une grande. Je ne le mettrais plus au centre de tout, il n'en a pas la force. Je m'y mettrais moi. Je prétends que c'est possible. Ce n'est pas de l'eau dans le vin, jusqu'à rendre la boisson insipide. C'est ajouter du sucre aussi. C'est rajouter du vin. Rajouter de l'eau. Rajouter du sucre. Mélanger.

Souhaitez-moi bonne chance. Ne m'oubliez pas.

Commentaires

À lire

Le Tzolkin : les bases

Hard Lemon - Volubilis

Le Tzolkin : pratiques personnelles

Relations inclusives / exclusives

Vassilissa la très belle

Le Guide du Voyageur Galactique - Douglas Adams

Joyeux Noël... Norman Rockwell !

Locus de contrôle

Triangle du feu