Sorcières !
Je sors d’une expo assez intéressante, quoique pas encore
assez féministe à mon goût, puisque dédiée aux Sorcières, celles qu’on a brûlées
sur les bûchers, sans jamais prononcer le mot « féminicide », mais
quand même en insistant sur le fait que ceux qui ont été principalement visés
étaient des celles (et que celles qui ont réussi à se tirer d’affaire après
avoir été accusées étaient majoritairement des ceux aussi). C’était Sorcières ! qui se tient depuis le
8 mai et jusqu’au 28 juillet au H2M à Bourg-en-Bresse. Petit tour d’horizon de ce sujet que j’affectionne encore plus
que d’autres.
Je précise que nous étions une dizaine de femmes. Et un
homme, arrivé en cours de route.
Photo de l’affiche : Personnage à réactiver : la Sorcière,
de Pierre Joseph (1993)
Sinon, flânez comme vous voulez. Pour celleux qui n’auront pas l’occasion de s’y rendre, je m’en charge.
Vous trouverez bien sûr des
représentations de ces avatars de Satan sous toutes ses formes attendues :
un mannequin au tulle brûlé, une chouette conçue à la flamme (le sachiez-tu ?
Istria en italien désigne à la fois
la chouette effraie et la sorcière), des cendres entourées de tétons et de
vulves, des couleurs chaudes… des corbeaux, des balais (à la fois phalliques et
domestiques, on nous bat toujours avec le même bâton !) et des châteaux
hantés bien sûr. La série Sorcière, de Dalila Dalléas Bouzar, a été inspirée
par l’ouvrage de Mona Chollet, Sorcières, la puissance invaincue des femmes dont je recommande évidemment la lecture et dont je devrais
vous causer d’ici pas longtemps.
À gauche : Pagan Pride de Brankica Zilovic (2015)
Au centre : Sorcière de Dalila Dalléas Bouzar (2019)
À droite : L’inaccessible de Katia Bourdarel (2007)
À droite : L’inaccessible de Katia Bourdarel (2007)
Vous connaissez le mémorial Steilneset, conçu par l’architecte suisse Peter Zumthor et Louise Bourgeois à Varde, en Norvège, là où il y a 400 ans on a brûlé 91 personnes (dont 77 femmes) ?
The damned, the possessed and the beloved, installation de Louise Bourgeois (2010), photographie d’Andrew Meredith (2019)
Et puis des choses plus surprenantes. Vous
croiserez la fée Viviane qui est aussi une sorcière selon ses représentations
et les intentions qu’on lui prête, avide d’apprendre, sage et distante ou
voleuse de connaissances, séductrice et manipulatrice, au choix mais toujours
selon Gustave Doré. Des têtes coupées, une « généalogie minotaure »,
une bouche cousue, des bébés cornus. Un homme voilé, qui fête un « sabbat
de chair et de sang ». Une femme-chat qui est aussi une femme-cheval.
Viviane et Merlin,
Gustave Doré (1867)
À gauche : SOS d’Ymène Chetouane (2019)
À droite : Devout with the flesh, Mehdi-GeorgesLahlou (2013)
À droite : Devout with the flesh, Mehdi-GeorgesLahlou (2013)
Généalogie Minotaure,
Hélène Barrier (2018)
À gauche : Félinanthropie, Art Orienté Objet, Marion
Laval-Jeantet et Benoît Mangin, (2007)
À droite : Que le cheval vive en moi (La Visitation), Art Orienté Objet, Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin, (2011)
À droite : Que le cheval vive en moi (La Visitation), Art Orienté Objet, Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin, (2011)
Au détour des salles, vous apprendrez
quelques sortilèges, pour maudire, pour charmer ou pour avorter et vous
apprendrez que pour que votre enfant ait une belle voix, il faut le faire
dormir sous un figuier (ou lui couper les ongles sous un rosier).
Série Abrégé des secrets, Alexa Brunet (2018)
Ma préférée reste la première œuvre que l’on
découvre en entrant : Je pisse sur
vos bûchers, de Lidia Kostanek (2018).
L’expo vous abreuve également de vidéos,
de musiques et de films, avec en guest-star l’incontournable Starhawk, interviewée par Camille Ducellier, mais pas
que. Découvrez l’histoire de Michée Chauderon (un nom pareil, si c’est pas l’œuvre
du Diable, hein ?!), la dernière femme à avoir été (pendue et) brûlée pour
sorcellerie à Genève, le 6 avril 1652, à l’issue d’une longue torture qu’on
aura nommée « expertise » en son temps.
Vous finirez par quelques conseils de
lecture : plutôt Marteau des Sorcières ou recueil de Démonomanie ?
Choisissez plutôt L’Abrégé des Secrets
d’Alexa Brunet !
Vous en ressortirez avec le Diable au
corps. Et peut-être soulagée aussi de voir que des artistes, des hommes et surtout des femmes, ne laissent pas s'en tirer à si bon compte ceux qui nous ont éventrées, pendues, brûlées, pour réinventer une figure dont nous sommes toutes les filles.
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