Les hommes veulent-ils l'égalité ? Patric Jean (2015)






Hop hop hop, on ne faiblit pas, on s’active pour que le tissu (social) ne se relâche pas, que ça reste ferme. Il faut garder les femmes à leur place : dans l’actualité !

Aujourd’hui, une conférence de Patric Jean, le réalisateur du documentaire La Domination masculine, que j’ai déjà partagé dans cet article sur le masculinisme (si j’étais vous, j’irais faire un tour sur le site dédié du film) (et si j’étais prof dans le secondaire, j’irais faire un tour chez les Grignoux). Il a également participé au MOOC Violences Faites aux Femmes que je tâche de vous restituer depuis plusieurs mois.

Tu sais comme c’est dur de retranscrire les propos de quelqu’un ? Je veux pas avoir l’air de me plaindre, je vais être jontille au contraire, j’ai presque tout retranscrit ! J’ai viré quelques digressions (que je te résume quand même, c’est plus fort que moi), mais j’ai ajouté des liens qui rendront le propos plus pénétrant (c’est aussi bon pour la peau le féminisme).





[En intro, petite mise en contexte : c’est justement à Nantes que pour la première fois en France un masculiniste a grimpé sur une grue (la grue Titan, tu souviens ?) pour défendre ses « droits » de père, comme l'ont conseillé les mascus québécois : la grue c’est bien parce que c’est phallique et les droits du père, c’est bien parce que c’est bien.]



Les hommes veulent-ils l’égalité ?


Nous sommes un système inégalitaire, dans un système hiérarchique, qui a au moins 200 000 ans pour ce que l’on en sait de manière empirique, c’est-à-dire avec des preuves formelles, l’analyse de l’ADN mitochondrial des squelettes qu’on peut retrouver qui ont 200 000 ans. On voit bien qu’il y a un rapport hiérarchique, un rapport de propriété des hommes sur les femmes puisqu’il y a 200 000 ans déjà les hommes échangeaient leurs femmes. Quand on retrouve les squelettes, on peut démontrer que les hommes sont de la même lignée, de la même famille, mais que les femmes ne le sont pas. Et toutes les femmes de la lignée ont disparu, donc elles sont ailleurs, ou mortes, mais elles sont en tout cas remplacées par des femmes qui viennent d’autres clans, d’autres groupes. Ce qui signifie que, ou bien elles ont été volées à un autre groupe, ce que l’on retrouve d’ailleurs dans les images mythologiques, l’enlèvement des Sabines… c’est l’idée qu’il y a un groupe d’hommes qui n’a pas de femmes, il va voler les femmes des autres. Ou bien que, et c’est probablement ce qui s’est développé, c’est un échange de femmes, les femmes devenant de facto un bien, un bien matériel, un bien mobilier.

Donc 200 000 ans d’histoire de domination masculine. Ce que j’ai essayé de montrer dans le film et qui a énervé beaucoup, notamment les journalistes, et notamment les journalistes hommes mais pas seulement, c’est la question du continuum, c’est-à-dire qu’on ne peut pas saucissonner le problème de la domination. […] Évidemment que la question de la violence conjugale est intimement liée à d’autres lieux où s’exprime la domination masculine : des jouets pour enfants à toutes sortes de représentations stéréotypées, symboliques, toutes les formes de violences qui sont faites aux femmes et à mes yeux la question […] de la prostitution aussi.

Ce continuum est très structuré, très solide, très complexe. [… ] Ce système est récursif, c’est-à-dire qu’une cause est aussi une conséquence. C’est en cela qu’il est très, très difficile de le renverser. Quand on donne une éducation stéréotypée à des enfants, ça va donner des adultes qui eux-mêmes vont donner une éducation stéréotypée à leurs enfants. Alors on se dit « Mais pourquoi aujourd’hui on ne donnerait pas une éducation beaucoup plus égalitaire ? » On ne donne pas une éducation plus égalitaire à nos enfants parce que nous sommes une société qui n’est pas égalitaire. C’est un serpent qui se mord la queue. C’est ça l’aspect récursif.

Et puis il y a un autre aspect qui est hologrammique.


[… ici, illustration de la notion d’hologramme / fractale avec le chou romanesco…]

La domination masculine fonctionne à l’échelle planétaire, elle fonctionne à l’échelle de continents, de pays, à l’échelle de groupes sociaux, de groupes culturels, de groupes linguistiques. Elle fonctionne de la même manière, avec les mêmes fonctionnements, les mêmes règles, au niveau d’un petit village qui a une mairie, du fonctionnement du pouvoir au sein de cette mairie, au sein d’une entreprise et puis au sein de la famille, au sein du noyau familial, mais aussi au sein de l’individu. Chacun d’entre nous, hommes et femmes, on porte en nous l’ensemble de tous ces concepts, avec des particularités selon nos origines culturelles, mais avec un ensemble conceptuel qui nous met dans cette organisation hiérarchique. Même au-delà de l’individu, si on va vers le plus petit encore, même dans nos productions : quand on écrit un roman, quand on écrit un livre, un film, une série télévisée… c’est rempli de ce fonctionnement, qui se reproduit, qui se dit à tous les niveaux. […]

Il me semble que ce que l’on peut faire, c’est d’abord l’observer de là où on est. […] Moi je ne peux le faire que de mon point de vue à moi. Le point de vue d’un homme, hétérosexuel, blanc, appartenant à une classe sociale qui va pas trop mal, même si je n’y suis pas né, dans un pays plutôt riche. C’est mon seul point d’observation. Donc évidemment je peux entendre des féministes, je peux lire des féministes, mais je ne saurai jamais ce qu’elles vivent, je ne sais pas ce que c’est que d’expérimenter la société dans laquelle nous vivons en tant que femme. J’ai aucune idée de ce que ça veut dire. Enfin, j’ai une idée très abstraite, très théorique, de la même manière que vous, mesdames, vous avez sans doute une idée extrêmement théorique de ce que c’est que d’être un homme dans cette société. Ce que je peux vous dire, c’est que si vous le saviez, vous seriez extrêmement surprises de savoir à quel point c’est confortable de vivre dans cette société en tant qu’homme. Ça dépasse, je pense, vraiment tout ce que vous imaginez. [rires]

Dans cette idée de continuum, il y a évidemment la position en tant qu’homme. Il y a une injustice, il y a une inégalité, une hiérarchie : comment peut-on réagir ? Vous avez là aussi un continuum, qui va des ultras-ultras masculinistes, soit ils vont dire que le patriarcat est renversé depuis longtemps, qu’on vit dans un matriarcat et que ce sont les femmes qui ont pris le pouvoir, soit ils vont dire et parfois dans la même phrase, que le patriarcat c’est le seul qui fonctionne et qu’il ne faut surtout pas le renverser. Donc ça c’est un pôle, à l’autre bout vous allez avoir des hommes qui ont une position proche des féministes radicales, très carrées, très construites politiquement. Vous avez ces deux pôles. L’ensemble des hommes, nous nous échelonnons le long de cette échelle. En réalité, c’est plus compliqué que ça parce que le continuum se situe aussi au sein de nous. En nous-mêmes, nous avons tous un continuum : on n’est pas congrus. […] On va tous avoir en tant qu’homme une position qui sera peut-être plus égalitaire sur un sujet et moins sur d’autres. On observe par exemple des hommes qui, au sein de leur entreprise font un véritable travail pour l’égalité, sont vraiment exemplaires, et puis au sein de leur couple se comportent comme des machos. Ou l’inverse. […] Du coup, ça nous amène à croire, en tant qu’homme, ce qu’une chercheuse résumait par une phrase assez élégante, c’est « les femmes sont toutes dominées, sauf la mienne. » C’est le sentiment que j’ai et c’est le sentiment que partagent beaucoup d’hommes. C’est faux évidemment. Il n’y a aucune raison de le penser. Donc toute la question est de savoir où nous sommes, nous, en situation, sur la question sur laquelle il faudrait travailler. C’est extrêmement compliqué, parce que je ne connais d’hommes qui ont pour ambition de vivre comme des salauds, de mal se comporter, on a tous et toutes une haute opinion de nos comportements, et notamment en tant qu’homme dans une société où grosso modo la demande de changement n’est pas extrêmement forte. On ne peut pas le dire.

J’en viens donc à la question des privilèges, puisque c’est le mot autour duquel tourne ce rapport de domination. Dans une société où un groupe social bénéficie d’un privilège, il n’y a aucune raison de penser que tout-à-coup, spontanément, ce groupe social va se remettre en question et va abolir ses privilèges. Aucune raison de penser qu’un jour, nous les hommes, collectivement, on va se lever et on va se dire « Mais oui, mais oui, mais excusez-nous mesdames, ça fait 200 000 ans qu’on se trompe, mais allez-y, prenez la place, il n’y a pas de problèmes. » Il ne faut pas se mentir, le partage du pouvoir va se faire au détriment des hommes. Ce que les femmes vont gagner, les hommes vont le perdre.


[… il donne l’exemple de l’Assemblée Nationale, où des hommes devront bien céder leur place si l’on veut faire progresser la parité… puis , toujours dans le domaine des privilèges, un rappel des stratégies qu’utilisent les hommes pour invalider la parole des femmes et dans le même mouvement, leur prise de parole pour l’égalité : la dérision pour détourner, la violence pour faire taire et les accusations d’illégitimité pour invalider... ]


Et puis il faut dire qu’il y a peu de demande. Dans notre société, on ne peut pas dire que la demande d’égalité de la part des femmes soit ultra-présente. Les féministes ont toujours été minoritaires, je pense que vous l’êtes toujours, ça fait partie de la donnée aussi.

Les privilèges, il y en a de deux grands types : il y a les privilèges individuels, en tout cas les privilèges sur lesquels on peut travailler individuellement. Par exemple la question des tâches ménagères. Il suffit de rentrer chez soi, si on est hétérosexuel et qu’on vit en couple, et de dire : « Chérie, à partir de ce soir je partage toutes les tâches ménagères. » C’est très simple. Il n’y a besoin de personne d’autre. Le dire c’est une chose, le faire c’en est une autre, et c’est là qu’on se rend compte qu’il y a tout un tas de réflexes conditionnés, de part et d’autre d’ailleurs, qui vont faire que la remise en question de ce type de privilèges-là est beaucoup plus compliquée qu’on ne le croit. Il ne suffit pas de le vouloir, il ne suffit pas de le dire. L’action demande un certain nombre d’instruments, de garde-fou qu’il faut se mettre, c’est compliqué… On se rend compte aussi que c’est un sujet qui est l’objet de beaucoup de tensions et de discussions dans les couples. […]

Mais il y a aussi des privilèges qui sont collectifs. Il y en a un qui me semble absolument démesuré, c’est la peur de l’agression sexuelle. Moi, en tant qu’homme, la peur de l’agression sexuelle, je ne sais pas ce que c’est, j’en n’ai aucune idée. J’entends, j’en ai une connaissance abstraite, théorique, mais intimement, je ne sais pas ce que c’est. Il y a des hommes qui la connaissent parce qu’ils ont été l’objet de violences sexuelles dans leur enfance, mais si ça n’est pas le cas, en tant qu’homme, on ne sait pas ce que c’est. Moi, je peux stationner ma voiture dans un souterrain à trois heures du matin, j’aurais peur qu’on me la vole, qu’on me frappe peut-être, qu’on me vole mon portefeuille, mais je ne penserai même pas à l’agression sexuelle. Ça c’est un privilège énorme et il y en a d’autres de ce type-là, sur lesquelles nous n’avons aucune prise individuelle, individuellement je ne peux rien faire à ça, c’est un changement de société, c’est un travail politique, c’est un travail collectif qui va amener un changement, mais personnellement je ne peux pas y faire grand-chose.

Et puis il y a la question de la classe sociale. Selon la place qu’on occupe dans l’échelle sociale, les choses ne se donnent pas à nous de la même manière. Dans notre société, en tant qu’homme, on peut empiler les avantages, empiler les situations de privilèges : en tant qu’homme, en tant que blanc, en tant qu’appartenant à une certaine classe sociale, en tant que personne non-handicapée, par rapport aux personnes handicapées etc. On voit bien aussi qu’il y a la question des bénéfices secondaires : quand on abandonne des privilèges, il faut voir si d’une certaine manière on n’a pas en retour une augmentation d’autres privilèges, de manière secondaire. Quand on est un homme comme moi, remettre en question ses privilèges, cela donne immédiatement un certain nombre de bénéfices secondaires : on est montrés en exemple, […] en plus on est très fort nous les hommes pour mettre en évidence le travail qu’on fait sur ces questions-là […] Si on s’engage en matière d’égalité, alors là on a des bénéfices très importants ! Regardez la place que j’occupe aujourd’hui face à vous. Si ça c’est pas une rétribution symbolique magnifique, qu’est-ce que c’est ?


[... ça me fait penser à ces vautours qui font déjà l’équation « femmes plus libres = femmes plus cochonnes = plus de plaisir pour ta bite ». Bref.

… suivent quelques exemples d’hommes exemplaires comme Poullain de la Barre au 17e siècle, qui a eu une prémonition du concept du genre, Condorcet, Léon Richer…tous ont participé au combat féministe et en ont bien  profité ; peu de femmes peuvent en dire autant...]


L’engagement des hommes pour l’égalité avec les femmes : il y a trois visions.

Il y a une vision optimiste, qui est un peu à la mode aujourd’hui, il y a un certain nombre de féministes qui défendent cette idée, Eve Ensler par exemple le dit très bien : jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont pas des femmes qui violent des femmes, donc on ne peut pas laisser les hommes en dehors, il faut que les hommes soit impliqués dans cette question de l’égalité. […]

Il y a une vision moins optimiste, qu’on trouve chez les féministes radicales, qui consiste à dire « Bon, laissez tomber, à chaque fois qu’on a engagé les hommes dans quoi que ce soit, on a vu comment ça s’est terminé. Surtout il faut qu’ils restent en dehors, sinon ils vont prendre le leadership, nous bousiller tout ça… » L’homme n’est pas un ennemi mais ce n’est pas un allié dans ce combat.

Et puis il y a une vision qui est […] une tentative d’analyser le comportement des hommes dans les mouvements, notamment dans les mouvements féministes. Il y a des chercheurs et des chercheuses qui travaillent là-dessus, Mélissa Blais au Québec, en France Léo Thiers-Vidal a écrit des choses très intéressantes là-dessus, il y a Alban Jacquemart qui vient de sortir un livre que je vous recommande sur l’engagement des hommes… Leurs conclusions donnent plutôt raison aux féministes radicales : quand les hommes s’engagent dans un mouvement mixte, effectivement ils prennent beaucoup de place. Nous prenons beaucoup plus la parole que le poids démographique que nous occupons dans l’association, nous essayons de prendre le leadership, c’est toujours un homme qui finit à la présidence… et dès que l’organisation s’en rend compte et se transforme pour essayer de résoudre ce problème, en disant par exemple « la prise de parole c’est un homme, une femme, un homme, une femme, au conseil d’administration il faudrait qu’il y ait une majorité de femmes etc. » du coup l’avantage, le bénéfice secondaire se réduit et les hommes se désengagent. C’est une observation qui est faite de manière assez éclatante.


[… il aborde les différences d’attitudes entre les femmes et les hommes dans les groupes militants. Il est ensuite question de déterminisme biographique : les hommes qui s’engagent aux côtés des féministes ont souvent des points commun : ils ont presque toujours un engagement politique qui précède (francs-maçons, extrême gauche) et ce sont souvent des hommes qui ont été élevés par des femmes, qui ont été élevés comme des filles ou qui portent eux aussi les séquelles de la domination masculine (ils ont vu papa taper maman notamment).

L’auteur pose la question de départ d’une autre façon : Pourquoi les hommes veulent l’égalité ? Première hypothèse, utilitariste, qui a beaucoup de succès dans le monde de l’entreprise : parce que c’est bon pour tout le monde, vu qu’une société égalitaire sera plus performante. Tout benef’ pour les hommes !...]


Deuxième hypothèse, idéaliste, qui consiste à dire « Les hommes souffrent, les hommes sont en souffrance dans le rapport de domination masculine, parce qu’ils sont enfermés aussi dans des attentes, des comportements, des attentes de genre, ça les fait souffrir. Donc en se libérant eux-mêmes, ils vont libérer les femmes etc. » Alors… d’une part, je ne vois pas trop où est la souffrance des hommes. Qu’elle existe entre hommes, c’est une évidence, la domination masculine se constitue notamment entre les hommes, d’homme à homme. Au moment de l’adolescence, ça peut être d’une violence inouïe entre garçons. Mais dans le rapport entre hommes et femmes, je ne vois pas trop où est la souffrance. On me dit « Quand même, les femmes ont des attentes vis-à-vis des hommes, qu’ils soient performants, qu’ils gagnent bien leur vie, qu’ils soient socialement visible… » Grosso modo on leur indique une place obligatoire, qui est la place du leader, du chef, du patron, du père de famille… Je vois pas trop où est la souffrance. Je rapporte ça à la souffrance de gens qui seraient tellement riches qu’ils deviendraient névrosés parce qu’ils n’ont plus de projet de vie. Je veux bien l’entendre mais ce qui m’intéresse, c’est plutôt les gens qui crèvent de faim que la névrose des riches, qui m’intéresse assez moyennement… Admettons même qu’il y ait une souffrance hypothétique des hommes, si on la compare, si on la rapporte à celle des femmes, ça me parait assez insensé d’établir une telle comparaison. Je ne vois pas trop comment ça peut tenir.


[... là, une mention spéciale à la meuf inévitablement présente dans les débats qui lève le doigt en disant « Mais vous oubliez de dire que les hommes souffrent ! » et qu’on remercie pour ses qualité d’empathie…

… sur le sujet de la souffrance masculine : 1) il s’agit encore de tourner autour de leur nombril 2) c’est sous-entendre qu’elle est un injuste, cette souffrance 3) pour se libérer de cette souffrance il suffirait qu’ils se libèrent de la domination masculine, or on voit bien que ce n’est pas leur intention…]


Troisième hypothèse, qui me semble centrale, c’est la question éthique. Qui consiste à dire : « En tant qu’homme, il faut aller vers plus d’égalité, simplement parce que c’est juste. » Ce n’est pas très vendeur comme idée de prime abord ; l’avantage c’est que c’est un argument qui ne se discute pas. À moins d’être vraiment dans le pôle ultra-masculiniste, dire le contraire de « c’est juste », c’est un peu compliqué. C’est simple à démontrer, c’est simple à utiliser, surtout ça me semble fondateur de quelque chose qui est un socle à long terme. Alors qu’avec la vision utilitariste par exemple, on peut mettre des femmes à différents postes dans une entreprise, mais le jour où l’entreprise ira moins bien, rien ne me prouve que les premiers qu’on va licencier ne seront pas les femmes en question ; ce n’est pas hyper durable. […]

La question ensuite, c’est la question de la stratégie. Que puis-je faire en tant qu’homme ?

La première chose qu’on puisse faire, et c’est un travail qui n’est pas si simple parce que rien ne nous pousse à le faire, c’est d’observer le monde. D’essayer de mettre ce qu’on appelle des « lunettes de genre » et d’essayer d’observer la société, le monde du travail, sa famille, ses amis, tout son petit monde, avec ces lunettes-là pour voir qui fait quoi ? qui dit quoi ? qui se comporte comment ? qui parle à table ? qui se lève de table pour débarrasser ? qui bat l’autre ? qui viole l’autre ? Je pense que c’est le premier socle sur lequel on peut construire quelque chose.

Le deuxième, c’est de continuer son travail en s’observant soi, à l’intérieur de ce continuum de la domination : où est-ce que moi je suis un dominant ? où est-ce que moi j’ai des privilèges ? où est-ce que moi je me suis mal comporté ? où est-ce que moi encore aujourd’hui je me comporte mal ? où est-ce que moi je n’entends pas la demande de certaines femmes ? […]

Le troisième point, c’est de décider de changer. C’est une étape qui est encore moins simple. On est bourrés de stéréotypes. […] Dire « moi je suis nettoyé, je suis lavé de tout ça », c’est une idée assez vaine. Puisque la question c’est « Pourquoi changer ? », qu’on n’a pas beaucoup d’intérêts, qu’on peut avoir un point de vue éthique qui nous dit que c’est « juste » de changer, que c’est « juste » de se comporter autrement et que c’est « juste » de ne rien en attendre en retour, je me dis que c’est quasiment une hypothèse de démarche spirituelle, pas religieuse, je suis totalement athée. Cette démarche spirituelle, c’est un travail sur soi, dont il n’y a rien à attendre que ce travail sur soi. Travailler sur soi pour travailler sur soi. C’est l’idée qu’on est plastiques et qu’on peut changer au cours de la vie. C’est une idée plutôt enthousiasmante de se dire qu’on peut arriver à 40 ans, à 50 ans, à 60 ans peut-être même, j’en connais même qui ont eu cette démarche plus tard, et de se dire que même à cet âge-là, je peux travailler sur moi-même, je suis une forme de terre glaise, je peux me modeler autrement et découvrir des choses, je peux m’améliorer moi-même. Étant moi-même une petite partie du monde, si je m’améliore moi-même j’améliore un peu le monde.


[… Patric Jean conclut sur le fait qu’il a choisi de ne pas se désigner par le mot de « féministe » mais qu’il « essaye d’être pro-féministe ».

Il conseille enfin aux hommes qui se sentent agressés par le discours féministe de se détendre et de prendre leurs couilles en main.]

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