La Femme aux Cheveux d'Or


La Femme aux Cheveux d’Or


Il y avait une fois une forêt, profonde, sauvage, dense, peuplée d’arbres immenses et vieux, d’animaux qui remuaient la terre noire de leur museau, de fleurs inconnues sur les troncs pourris arrachés par les vents brutaux. Les chasseurs n’osaient guère quitter l’orée, mais un jour, l’un d’entre eux, le fils du charbonnier, s’y égara trop profondément. Cherchant son chemin, il entendit le chant d’une femme, d’entre les arbres. En suivant cette mélodie, il arriva aux abords d’une clairière où parvenait à percer le jour. Une petite source inondait une petite cuvette, où une jeune femme était à sa toilette, chantonnant. Il fut subjugué par la voix et les cheveux d’or de cette femme, qui avait la peau aussi claire et luisante qu’un rayon de soleil. Il n’osa pas s’approcher d’abord, mais avisa, un peu plus loin, la masure dans laquelle la femme devait vivre.

Il resta longtemps à l’observer. Il repartit lorsque la femme eut fini son bain. Halluciné par cette vision, il eut encore plus de peine à retrouver son chemin.

La Colère de Banshee, album de Jean-François Chabas illustré par David Sala.


Le lendemain, il chercha à nouveau la maison de la jeune femme aux cheveux d’or. Il la trouva à la cueillette d’herbes fraîches dans une nouvelle clairière, loin de chez elle. Sortant du bois, il se révéla, et exigea qu’elle l’épousa, sans autre détour. La femme n’eut pas peur de la brute, mais l’homme insista pour qu’il la suive jusqu’au village. Pour se débarrasser de lui, la femme arracha à sa chevelure trois cheveux d’or, qu’elle lui donna.

L’homme accepta de repartir, espérant gagner beaucoup de ces cheveux d’or et se disant qu’il reviendrait encore le lendemain demander la femme en épousailles. Sil elle refusait, il n’aurait pas de mal à la forcer à le suivre.

De retour au village, il présenta à l’orfèvre, puis au bijoutier, enfin à tous les commerçants les cheveux d’or de la jeune femme, mais tous lui rirent au nez : ils ne voulaient pas de cet or-là !

Après que le boulanger se fut bien moqué de lui pour ses cheveux couleur de blé, le chasseur retourna, furieux, à la maison de la jeune femme. Il ne put trouver sa demeure, mais il la trouva elle, auprès d’une petite mare d’eau claire, coupant des roseaux. La nuit tombait. Il s’approcha aussi silencieusement qu’à la traque, la lame de son couteau dénudée, mais la jeune femme entendit ses pas et se retourna vivement. Après une courte lutte, elle était si fine, il parvint à l’égorger. Il l’enterra au bord de la mare, perdue au milieu de la forêt, et s’en retourna chez lui, sans avoir vraiment étanché sa colère.

Personne ne se rendit compte de la disparition de la femme, plusieurs années s’écoulèrent. Mais pendant tout ce temps, la chevelure d’or de la femme poussa, drue, sous la terre, puis au-dessus, en volutes et en arabesques dorés, en tiges fortes, de plus en plus luxuriante.

Un jour de soleil, un berger s’égara à son tour dans ce bois, cherchant une brebis égarée. La bête buvait l’eau de la mare, et le jeune homme remarqua l’incroyable buisson d’or qui poussait là.

Sortant son petit couteau, il en coupa une branche, puis s’y tailla un pipeau. Le bois en était tendre et doux, promettait des sons merveilleux.

De retour au village, pour égayer la garde de ses animaux, il joua un petit air avec sa nouvelle flûte. Celle-ci, alors, chantonna d’un son d’or :

Ci-gît la femme aux Cheveux d’Or 
Qui au fond de son tombeau dort 
C’est le fils du charbonnier qui l’a tuée 
Parce que vivre libre était son souhait.

Encore après qu’il eut cessé d’y souffler, la petite flûte chantait toujours. Elle chanta encore tant que le berger ne fut retourné au bord de la mare, et encore après qu’il y eut trouvé, sous la terre meuble, le corps de la jeune femme. Elle chantait toujours quand il emmena auprès d’elle les juges du village, et jusqu’à ce que le chasseur fût condamné pour son crime.

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