Des ipomées dans le dos

 


Je l’ai déjà crié sur tous les toits, mais pas encore sur celui-là, alors hop : je crie. Voilà comment je suis devenue très forte pour me masser la deuxième dorsale.

Ça me trottait depuis un moment… Je me suis toujours dit qu’à 20 ans, ça peut être le genre de truc qu’on regrette (parce que ça vieillit), à 50 c’est trop tard (rapport à la capacité de la peau à encaisser), alors à 37, c’est parfait non ? Je voulais qu’il se voit, mais pas trop et, banalité supplémentaire, qu’il parle de moi.

Des fleurs, c’était évident.

Au début je penchais pour des petites véroniques sous les aisselles, en mode buisson fleuri. Mais : ça fait vraiment mal à cet endroit et un tatouage, plus c’est petit, moins longtemps ça vit. Pis la couleur, ça tient pas dans le temps (je voulais du bleu). Du coup, j’ai vu des meufs trop stylées sur les internets, alors j’en voulais un gros, noir, sur le bras et les mains. Mais : sur les mains, ça s’use très, très vite, mauvais bail. Alors j’ai dit OK : j’en veux un dans la nuque, le plus délicat possible, qui dégringolerait un peu sur les épaules et la clavicule, là, un petit bouquet d’ipomées. Ça tombait bien, après sa série « 100 crânes », mon tatoueur était passé à la série « 100 vases » : je suis devenue le n°8. Et c’est comme ça que je suis aujourd’hui la très heureuse propriétaire d’un tatouage volubile et cristallin, exécuté à l’encre noire sur un bon tiers de mon dos.

Who’s Saint Martin the Sixth ?

<< C’est lui, là.

Et il se trouve que ce mec qui se prend pour le pape, eh ben, c’est mon petit frère. Il commence à bien rouler sa bosse dans le milieu de l’encre qui tâche pour toujours (et aussi dans la crypto monnaie et le game de l’achat-revente mais que veux-tu, chaque famille a son mouton noir). Il officie sur Besançon, au shop La Main Noire, dans des conventions et dans le dos de sa sœur, donc. Son truc c’est le dotwork et la fine line, le tout à l’encre noire. Un aperçu de son travail ?

Son Insta

Son Facebook

La Main Noire

Il est tatoué un peu partout : un arbre de vie, une citation latine ("Nec Pluribus Impar", devise de Louis XIV qui signifie, en toute humilité « A nul autre pareil »), un rat-dis, des ornements néo-gothiques, une geisha accompagnée d’un dragon et d’autres trucs, sur le ventre, le cou, les jambes… Il est beau, je te raconte paaaaas.

Avant : relax


Bien manger, bien dormir, éviter l’alcool qui fluidifie le sang, ce sont les seules grosses recommandations, on évite de se faire un gommage ou de s’épiler la zone (qui sera rasée si nécessaire) histoire de ne pas aggraver son cas et ON S’EXCITE COMME UN·E DINGUE A L’IDEE DE SE FAIRE TATOUER OMG.

Pense à la tête de taon patron·ne, de ta mère ou de taon conjoint·e quand iel verra ce que tu as irrémédiablement fait à ton corps pour encore plus de fun. Le jour J, on choisit des vêtements amples en coton et hop : go se faire dépecer par tous petits morceaux.

Ah j’oubliais un détail : en vrai, ça coûte cher (700 euros la journée de boulot). Note que je ne me serais probablement jamais fait tatouer si je n’avais pas eu un frère tatoueur : la gratuité n’a pas de prix.

Pendant : ça brûle et ça pique en même temps

C’est ce que j’ai dit à ma fille pour qu’elle ne m’en réclame pas un avant sa majorité. Martin est – parait-il, c'est lui qui le dit – réputé pour sa délicatesse, mais faut pas rêver : aïeuh.

 

C’est complètement dans la limite du supportable mais c’est un peu comme on se découvre des muscles quand on se met au sport : on découvre que chaque zone du corps, jusqu’à la plus petite, a sa manière d’avoir mal. Souvent inattendue, genre la ptite peau du cou WTF ? Et puis ça dépend de la taille du truc et de la quantité de travail : après des heures, c’est plus dur. Ou pas, parce qu’on s’habitue aussi. C’était dur après chaque pause et puis c’était plus supportable ensuite, mais après 4 heures, il m’a fallu de l’abnégation (je n’en manque pas). Ça dépend enfin de la technique : j’avais les muscles des jambes qui palpitaient quand il traçait les lignes, je me reposais pendant le remplissage (y a des gens ça leur fait l’inverse). Puis y a le pire du pire : repasser sur une zone déjà travaillée (la jonction des branches et du vase) et les FUCKING LIGNES BLANCHES SUR MON DOS TOUT ECORCHE A LA TOUTE FIN DE SES MORTS POUR FAIRE LES REFLETS DU CRISTAL, parce que l’encre est plus épaisse alors faut y aller comme un bâtard.

On a commencé vers 11h avec les prints, ça découpe (on « articule » le tatouage pour qu’il épouse harmonieusement la forme de la zone), ça ajuste, ça pose le stencil (décalquage du modèle sur le corps), ça marque des repères, ça prépare le matos, on mange un bout et zébardi.

Les deux premières heures j’ai maté un Disney (Soul, pour celleux qui ne demandent pas) histoire de détourner mon attention et puis finalement j’ai fini sans : j’avais besoin de me concentrer, de gérer. Perso, je pense qu’il ne faut pas se détendre, surtout pas, LOL, faut rester bien tétanisé.e, bien focus, t’en penses quoi ? J’ai passé le plus clair du temps sur le ventre et on a fini en position assise pour les épaules, j’ai moins aimé mais c’était plus court alors bon.

On a fini vers 19h, il m’a empaquetée dans la cellophane après m’avoir tartinée de vaseline et mon corps bourré d’endorphine était bieeeeeen.

Je me suis posée la question quand même : il semble que le tatouage devienne une quasi-addiction, mais bon dieu, pourquoi on s’inflige ça ?? Pourquoi on ne propose pas une anesthésie locale, par exemple (apparemment ça peut se faire, genre en Espagne me dit-on dans l’oreillette). D’autant que plus tu libères de l’endorphine… moins tu en libères : ça fait donc de plus en plus mal et pour les gens, les sportifs par exemple, ou les malades chroniques j’imagine, qui ont déjà entamé leurs stocks, ça doit être un supplice ! La réponse, c’est que ce qui fait revenir lae tatoué·e au tatouage c’est bien la douleur. Ça fait partie du truc ; c’est un voyage en soi-même, à l’intérieur de son ressenti, de son corps, sous sa peau.

Après : les soins

Logiquement, y a le coup de bambou derrière la nuque qui est apparu quelques heures plus tard. Je me suis prostrée dans un coin de canapé et j’ai cuvé mes hormones. Il a bien fallu en sortir avant le dodo pour commencer les soins : la douche, le crémage. Je m’attendais à ce que ça picote sous le jet d’eau tiède, mais non. La crème cicatrisante, c’était galère à poser (ta main n’est pas spécifiquement faite pour te frotter entre les clavicules, c’est une hyperlaxe qui te le dit), et ça colle affreusement aux fringues (je pouvais pas me permettre une séance les boobs à l’air le temps que ça sèche, malgré toute l’ouverture d’esprit de mon frère et de son conjoint) mais c’est pas particulièrement douloureux.


Le frangin m’a fait les recommandations suivantes (j’ajoute des détails persos) :

- douche au savon PH neutre (j’utilise le gel lavant LIPIKAR de Laroche-Posay) deux fois par jour, pendant trois semaines,

- suivi de son tartinage de crème cicatrisante (j’ai pris le baume CICAPLAST B5 et sa version SPF 50 pour les parties potentiellement exposées au soleil) une fois la zone bien séchée (sans frotter ! on tapote, on tapote),

- suivi d’une séance de boobs à l’air, donc, aussi longtemps que possible pour que ça respire et éviter que ça flingue mes fringues,

- fringues, qui soit dit en passant et franchement ça a été le plus compliqué, doivent être impérativement et absolument en 100% coton ou autre fibre naturelle, respirante et sans mailles (sinon ça accroche les croûtes) MAIS SURTOUT PAS DE LAINE NI DE SYNTHETIQUE, et cela pendant un mois. Si vous avez une bonne adresse (en ligne, déconnez pas) de fringues en coton pas moches, je prends, par pitié, libérez-moi du hoodie/t-shirt.

- ça va peler, crouter, éventuellement dégorger : on frotte pas, on comprime pas, on gratte pas, on n’expose sous aucun prétexte au soleil, pas de bain, de piscine ou je ne sais quoi qui consisterait à se plonger dans l’eau, la vapeur etc. On rappelle que c’est une plaie. On évite, naturellement, la saleté, faut-il le préciser ? Si vos activités l’exigent néanmoins, protégez le tatouage avec de la cellophane, et pas trop longtemps.

- Ensuite, et pour toute la vie : pas de bain de soleil. Non. Non non non. Et hydratation quotidienne (il me conseille l’huile de grenade Weleda). Oui oui oui.

Comme le travail n’est pas fini, il va falloir poser les branches de buis en arrière-plan au mois d’avril (sans oublier les retouches), je suis partie pour quelques mois de soins, d’attention et de putain de fringues en coton. Je fus jadis une ayatollah du coton et de la fibre naturelle, je ne jurais que par ma ptite peau qui respire en accord avec mon être céleste gnagnagnignagnagna, mais c’était y a longtemps et entre-temps la société a décidé que le coton était réservé aux gens gnagnagnignagnagna qui aiment, semblent-il, uniquement les coupes asymétriques, informes ou simplement approximatives, je suis tristesse et je répète : si vous avez une bonne adresse (en ligne, déconnez pas) de fringues en coton pas moches, je prends !

Le tatouage va évoluer avec la cicatrisation, puis il va entamer sa ptite vie personnelle de tatouage dans le dos d’une meuf, une zone qui, a priori, n’évolue pas trop parce que la peau reste bien tendue et est relativement à l’abri du soleil et des changements physiques type prise de poids et naufrage de la vieillesse, contrairement au ventre, bras, mains et autres fesses…

 

Après, ça, c’est sûr, il y en aura sûrement d’autres : les avant-bras, probablement. Vu la circonférence des miens, ça devrait être plus cool.


Commentaires

  1. Eh ben c'est un chouette partage d'expérience, et surtout, le résultat est 😍 MA-GNI-FIQUE !
    Je trouve que le tatouage s'équilibre de façon très harmonieuse sur ton dos, tes épaules, entre tes omoplates, et que le vase n°8 a de l'allure.

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    1. Mon ptit frère gère à mort... Je lui ai dit "fais moi un truc comme ça" et il m'a proposé un truc plus gros, plus beau que j'adore absolument. Jme souviens plus, tu es tatoué toi ?

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    2. Effectivement, je me suis un peu baladé sur son Insta et j'ai vu plein de trucs chouettes !
      Non, moi, toujours pas. Mais j'ai toujours cette envie d'un tatouage assez grand au creux des reins. Juste, je n'arrive pas encore à trouver le dessin (et c'est quand même le point le plus crucial, en tout cas pour moi !).

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