Metro Exodus – 4A Games (2019)

 


 Z’êtes toujours là ? Vous mangez bien, vous dormez bien, vos enfants sont beaux mais vous casseriez bien du zombie ? Lancez Metro Exodus bordel.

 

Hein, quoi ?

Adapté de la série de romans à succès de Dmitri Gloukhovski et développé par le studio ukrainien 4A Games, Metro Exodus est un FPS à tendance survival horror, un semi-open world post-apo claustrophobique aux graphismes ébaubissants, avec un gameplay lourd qui réclame du stealth, avec du loot (un peu), des gros flingues, un chara-design soigné, une BO de qualitay, un lore bouleversant et un HUD reposant.

Pas compris.

Fais un effort putain.

Un jeu de tir à la première personne ?

On dirait bien !

En tout cas, ça y ressemble : tu contrôles en vue subjective Artyom, un jeune russe mutique qui a grandi dans les couloirs du métro moscovite et qui, après avoir vidé des chargeurs dans le cœur aigri de tout un tas de nazis, de communistes et de monstruosités aveugles, velus, pleines de dents et très affamées dans les précédents opus (Metro 2033 et Metro : Last Light), décide de tout envoyer balader pour voir si, derrière les cratères encore radioactifs de la dernière grande guerre, on trouverait pas de vertes collines. Lui, il veut respirer de l’air pur.

Là, tu te dis : chic, chic, chic, tuer des gens, c’est relaxant ! Massacrer des sales bêtes, ça va être la fête ! Courir dans le noir, ça me redonne de l’espoir ! Et ainsi de suite avec d’autres rimes navrantes (du type : headshot / capote, sang qui gicle / tricycle, cervelle / manivelle, je te laisse le soin de donner du sens à tout ça).

« BOUM BOUM dans ta tronche ! Muhaha ! Ah mais oups, c’était mes dernières cartouches, non ? Pourvu que je trouve un cadavre ! » Voilà à quoi va se résumer ton périple si tu te donnes la peine de choisir les difficultés les plus difficultives. Tu vas devoir finir cette montagne de muscles à coup de crosse, bon courage.

Bref, j’ai jamais aussi peu tiré dans un FPS. Et pas seulement parce que les munitions, c’est rare. Aussi parce que ce n’est pas toujours (et même plutôt rarement) la meilleure solution. Bien sûr, tu peux tirer à tout va parce que tu possèdes au moins une arme par défaut qui envoie de la grenaille facile à trouver, que le mode « Récit » ou même « facile » t’oignent littéralement de cartouches, de grenades et de cocktails molotovs, TU PEUX tout cramer, fais toi plaisir bébé. C’est aussi la manière la plus rapide de finir le jeu. Et celle qui te mènera sans coup férir à la « mauvaise » fin, celle où tu perds tes potes, ta femme et tout espoir en l’humanité.

Avance en soum-soum !

Il te faut un silencieux.

En fait, le sel du jeu, c’est la furtivité. Sauf qu’Artyom pèse easy dans les 300 kilos en ressenti, vu qu’en vrai, la vie post-apocalyptique ne te permet pas de porter juste un jean déchiré et un t-shirt sexy, avec ton double-canon en bandoulière. Nooooon. Tu portes 220 kilos de matos, à vue de nez. Trois armes, quelques dizaines de munitions pour chacune, des trucs à lancer qui font mal (couteaux, grenades), des protections aux bras, aux genoux, dans le dos, sur le ventre et le visage, contre le froid, les balles, les radiations et un sac à dos rempli de choses indispensables à ta survie. Donc, ne t’attends pas à faire des galipettes et à courir en zigzagant entre les balles, ça va pas le faire.

Tu vas te planquer. Tu vas attendre la nuit et éteindre les lumières sur ton passage. Tu vas avancer à genoux, pour pas faire de bruit. Tu vas éviter de marcher dans le verre pilé et surtout, surtout, tu vas me ranger ce flingue. Tu te souviens ? tu as 22 balles. Et ils sont une trentaine, là, qui vont te tomber dessus au moindre bruit, à la moindre ombre qui bouge. Garde tes mun’ pour les bandits et les vilaines bébêtes. Eux, ce sont des gentils. Des gentils qui veulent te tuer, mais ils ne savent pas ce qu’ils font, pardonne-leur seigneur. Tu vas me traverser ce camp dans la paix du Christ, s’il te plait. En mode facile, c’est facile : l’IA est myope, tu leur fait un enfant dans le dos quand tu veux. En mode moins facile c’est moins facile : l’IA devient perspicace.

Il y a même des niveaux conçus pour ne pas se faire voir. Et  tout le jeu tend vers la non-létalité envers les humains : si tu tues, ça fout la merde.

Sois humble et bon.

Tuer ou avoir des amis, il va falloir choisir.

Tes potes te font la gueule, des opportunités se ferment et plus personne ne veut négocier avec toi ? Pas de doute, tu as tué le mec de trop. Alors que tu avais le choix ! Quand tu arrives discretos dans le dos d’un ennemi, rien ne t’oblige à le tuer. Tu l’assommes, tu le loot dans la foulée et tu recommences avec le garde suivant, jusqu’à ce que le silence grisant du vide sibérien reprenne ses droits. Plus une alerte, plus un bruit de pas, plus une blague graveleuse. Tu peux rentrer avec le sentiment, chaleureux dans ta poitrine, du travail bien fait. Et un karma tout propre.

Bien sûr, TU PEUX être un affreux tueur, sans visage ni vergogne, mais clairement l’histoire que veut nous raconter ce jeu n’est pas celle-là. Epargne les ennemis qui se rendent, ils s’en souviendront. Délivre les esclaves, montre-toi serviables envers tes compagnons de route, ce sont les rares quêtes secondaires que le jeu te propose (mais elles sont indispensables en fait, pour débloquer des interactions sympas, pour polir ton karma si tu as fait des bêtises et trouver du loot, du loot, du loot). Contourne cette meute de monstres, ils font partie d’un écosystème fragile et délicat (non, je déconne, défonce-les).

Un monde ouvert qui sent le renfermé.

Ton meilleur ami : ton briquet.

Les gènes de Metro c’est… le métro : ses couloirs étroits, ses portes fermées, son heure de pointe qui pue la viande agressive et bientôt faisandée. Le noir. Les courants d’air putrides, les toiles d’araignées. Bref, Metro 2033 et Metro : Last Light nous offraient une suite de niveaux linéaires, fortement scriptés, avec des phases d’exploration décrochées et optionnelles pour faire du rab si tu as encore faim. Impossible de se perdre.

Metro Exodus s’émancipe de cette linéarité. Oh, vous en aurez ! Puisque tout commence à VDNKH, dans le métro donc, et que régulièrement, vous reviendrez sous terre pour des phases de gameplay claustrogènes à souhait. Tu auras bien des occasions de voir vaciller la lumière de ta lampe frontale mon coco. Mais ce que Metro Exodus propose cette fois, ce sont des maps. C’est beau la Russie. Y a pas que du permafrost partout en fait. Tu quitteras Moscou pour t’aventurer sur les rives boueuses de la Volga, tu aborderas les terres désolées du mont Iamantaou, tu te dessécheras dans un putain de désert, du sable jusqu’au fond du slip et dans les moindre rouages de ton sniper, tu te perdras sous la canopée d’une forêt empoisonnée, avant de revenir au froid mortel de Novosibirsk. Et si tu es sage, si tu as été courageux, persévérant, tu atteindras le miroitement tranquille du lac Baïkal pour poser tes valoches. Et tout ça va te prendre un an, à bord de l’Aurora, la locomotive que tu as volée avec tes compagnons pour prendre le pouls de la fin du monde.

 

Moscou


La Taïga

Le désert de la Caspienne.

La map de la Volga. Avec au dos, tes objectifs.

Tes confipotes.

Tes gars sûrs : Duke, Aliosha, Stepan, Anna et Sam.

Ah l’Aurora. Ton nouveau foyer. Elle tourne au charbon et on ne peut pas se croiser dans les couloirs mais putain, ce qu’on y est bien. A l’issue de chaque chapitre, de chaque saison, tu t’y retrouves avec ton équipe, les Spartiates, menés par le Colonel Melnik, ton beau-père. Ah oui, au fait : tu es marié à Anna, une tireuse d’élite qui t’aime fort et qui s’inquiète beaucoup. Bon. Les mœurs russes ne font pas la part belle aux femmes hein. On va dire que c'est réaliste hein, à défaut d’être progressiste. Hein. Bon. Voilà. Y a une autre femme qui va vous rejoindre, mère de famille, infirmière, fin de la blague (et allez, tu croiseras une ou deux PNJ furieusement badass aussi). Le reste, c’est vous, les zoms : vous êtes grands, forts, barbus ou chauves, tatoués mais plutôt bons bougres. Vous n’êtes pas là pour décaniller du mec, vous n’êtes pas là non plus pour libérer la veuve, l’orphelin et tous ceux qui ne savent ni lire et écrire du joug de l’oppression fanatique, non, vous êtes là pour… ne pas trop empirer les choses. Laisser les gens vivre. Trouver un coin tranquille. Libérer des mecs en cage à la rigueur. Tuer les monstres qui veulent les bouffer. Passer sans faire de bruit.

En parlant de bruit : Artyom est muet. Enfin, je crois pas qu’il soit muet, juste il ne parle pas. Les dialogues se font dans le vent avec lui. Ses potes lui parlent, et font comme s’il avait répondu (ou pas, c’est pas clair en fait), mais il ne dégoise pas. On ne voit jamais son visage non plus, dans aucun des opus si je n’m’abuse. Parce qu’Artyom, c’est toi. Et si tout se passe bien, tu devrais te surprendre à parler à sa place, tout seul devant ton ordi. Et nous n’avons aucun indice quant à sa moralité : c’est toi qui décide ce qu’est Artyom. J’ai trouvé ça sympa comme mécanique.

J’ai adoré le traitement des personnages de façon générale. Leur personnalité a été travaillée avec soin, loin de tous les archétypes habituels, leur background bien présent et leur design, bah c’est comme le reste : wahou. Bon, les PNJ sont souvent mal dégrossis à côté de leur magnificience mais franchement, côté animations, mouvements, dialogues, on n’a pas affaire à un tas de polygones expéditifs en mode barbouzes testostéronés qui rêvent de putes, merci pour ça.

Tes potes sont moscovites, kazakhs, américains, jeunes, vieux, mutilés, beaux gosses, romantiques, philosophes, joyeux, mélancoliques, empreints de bon sens et de principes très humains. Ça chante, ça joue de la guitare, ça trinque, ça se marie, ça cuisine, ça fume des clopes entre deux wagons. Ça vit incroyablement.

Là encore, rien ne t’oblige à passer du temps avec eux mais pourquoi pas ? Rester au lit à papouiller ta femme, écouter de la musique à la radio, discuter avec la gamine de 7 ans qui a perdu son doudou, prendre le temps de ramasser des fanfreluches, des cartes postales (le kink d’Artyom) pour décorer la piaule… Y a pas que le meurtre dans la vie...

C’est du loot qu’il nous faut. Et du craft.

Tu vas me nettoyer ça, oui ?

Mais le meurtre, c’est prévu quand même ! Côté matos et armement, le jeu fait dans l’efficace, sans fioriture. Vous croiserez au total une douzaine d’armes différentes, pas plus, mais avec un nombre pas dégueulasse de possibilités d’optimisation.

Entendons-nous : Metro Exodus n’est pas un RPG. Artyom va développer zéro compétences, il ne va rien apprendre, il ne va pas s’améliorer en quoi que ce soit. La seule façon de le faire évoluer, c’est de faire évoluer son équipement : armes, gilet, quelques gadgets électroniques et c’est marre. Et encore, il faudra choisir… entre un filtre  de votre masque à gaz plus durable et un verre blindé. Entre une boussole et un détecteur de métaux. Entre une lampe puis puissante ou qui dure plus longtemps. Entre porter plus de munitions ou plus d’armes de lancer. C’est comme ça que vous personnaliserez votre façon de jouer. Bourrin ou furtif. Mort ou vif.

Côté équipement (masque, armes de lancer, gilet, munitions), il faudra looter, aka fouiller des cadavres (ou des mecs que vous aurez endormis) et ouvrir des boites, plus ou moins rares. Là, vous ne trouverez que deux types de ressources : chimiques ou métalliques. Avec, vous pourrez construire l’essentiel à votre survie en trouvant des ateliers (plus ou moins rares eux aussi), ou à la volée de manières plus limitée depuis votre sac à dos. Et là, encore, il faudra choisir : fabriquer des munitions ou rallonger la durée de vie de votre masque à gaz ? Fabriquer des grenades ou nettoyer vos armes ? Il n’y en aura pas assez pour tout faire ! Tu sais pourquoi ce fusil d’assaut s’appelle un « bâtard » ? Tu vas vite le comprendre si tu n’en prends pas soin.

Côté armes, il vous faudra explorer le monde à la recherche d’un équipement plus élaboré : visée nocturne, lunettes longue portée, triple canon (est-ce bien raisonnable de balancer des munitions par trois ? je ne pense pas, non), crosse plus lourde… Vous pouvez modifier toutes les parties de vos armes via les ateliers ou depuis votre sac à dos, à travers une interface basique et pour ainsi dire jouissive. Très immersive. Je ne connaissais pas encore de jeu où accéder à votre inventaire ne met pas le jeu en pause… On craft pas en pleine bataille, donc. Tu avais qu’à être plus prudent, je t’avais prévenu ! Anticipe bordel !

La survie du mieux caché.

Connard d'ours de ses morts.

C’est l’aspect le plus prenant du jeu, que d’aucuns qualifieront « d’immersif ». Et pas seulement parce que les décors sont à tomber par terre (j'ai pensé à te dire qu'il fallait une config robuste ou pas ?) et que tout se fait en temps réel, sans pause, sans possibilité de sortir du jeu (tu as accès à la map, aux objectifs en cours et à ton inventaire in vivo et l’interface est ultra minimaliste), ou que le sound design est orgasmique (on en reparle plus loin), mais surtout parce que tu souffres nom de dieu. Artyom n’a pas besoin de boire ou de manger comme le propose la plupart des jeux de survie, non, mais il se fait rekt en deux balles dans le coffre, il ne court pas vite et pas longtemps (rapport aux 220 kg d’équipement, t’as capté), qu’il  ne lui reste plus que 2 balles dans son chargeur, sa deuxième arme vient de s’enrayer et le Tikhar a perdu tout son air, c’est foutu putain, foutu… Bordel que ces araignées sont flippantes (il faut les éclairer avec ta lampe pour qu'elles reculent, donc leur faire face), nom de dieu que cet ours est dur à tuer (ah, j’ai trouvé la parade, ça t’intéresse d’en venir à bout sans prendre x coup de grosses patounes dans la tronche et épuiser tes carreaux d’arbalète (vu qu’il lui en faut au moins 25, putain, 25, alors que tu dois courir sans t’arrêter tout en balançant des molotovs mais est-ce que dieu existe seulement ? On est en droit de se poser la question face à de telles difficultés) ? C’est tout simple : la première fois, tu ne l’affrontes pas (c’est pas une blague), la deuxième tu cours tout droit et tu te réfugies vers une petite marche au bord du vide et LA TU LUI VIDES TON CHARGEUR DE POMPE DANS LA GUEULE SANS QU’IL PUISSE T’ATTEINDRE (c’est un bug je crois), et quand tu penses que c’est bon, tu sors de ta planque, tu te prends un ptit coup de rien du tout et hop, le script s’enclenche et tu n’as pas perdu 20 litres de sueur mais après, je dis ça, je dis rien, qui je suis pour te dire ce que tu dois faire et comment on s’amuse ou pas sur un jeu vidéo, hmmm ?) et attends, je viens de me faire enlever par un monstre volant là ??? 

Ta meilleure amie : la nuit.

Les cycles jour / nuit s’enchainent impitoyablement : surveille ta montre parce que bientôt, tu seras en plein soleil, alors que tu n’as toujours pas trouvé la sortie de ce putain de foutu camp ! Cela dit, la nuit, les monstres sont plus actifs et plus nombreux, alors, je sais pas, la peste ou le choléra ? Ce bunker n’est pas très grand, mais son air vicié extermine tes filtres de masque à gaz à une vitesse folle, allez vite, démonte quelques munitions pour en refaire, avant de tomber à genoux d’asphyxie. J’ai pas fait gaffe, il était où le dernier point de sauvegarde ? Ah merde, je joue en mode iron, y a pas de point de sauvegarde. Et c’est là, quand tu te dis que c’est foutu, putain, foutu… que tu marches sur un serpent. Tu y survis une fois, deux fois (une vraie anguille c’t’enflure), mais pas trois. Voilà, là, c’est vraiment foutu.

T’as compris : ce n’est pas Artyom qui s’améliore, c’est toi ! C’est toi qui va finir par comprendre l’ordre des priorités, comment s’infiltrer ici ou tout faire péter là. Contourner ce groupe (franchement, le plaisir de se faire démonter par une horde de mutants, c’est surcoté), renoncer à cette lunette longue portée (y en a une autre ailleurs de toute façon… enfin je crois ?), établir l’ordre dans lequel mener chaque mission, secondaire ou non. Et écoute bien : c’est pas le son des emmerdes ça ?

Écoute ! C’est beau…

Hmmm, miam miam le sound design. On est gâtés là. Je vais pas m’étaler (encore) sur la beauté des décors (et celle des personnages), je vais plutôt mettre le paquet sur le son.

Déjà, la BO est ouf. L’intro du jeu est devenue ma nouvelle musique préférée, j’en avais des frissons à chaque fois que je lançais le jeu.


La respiration d’Artyom, les discussions entre les PNJ (à bien suivre, ce sont des indicateurs de jeu, de quêtes et des trigger pour décider de sortir ou non de sa cachette) et bien sûr le bruit que fait chaque ennemi : son cri, ses pas, son plouf, le bruit de ses ailes au-dessus de ta tête. Tu sais toujours quand tu n’es pas seul et ça marche rudement bien sur le système nerveux. Il te reste environ 15 secondes à vivre, voilà ce que ça veut dire.

Mais le must, ce sont les déflagrations. Le bruit d’un fusil qui se répercute violemment dans le silence de la nuit. La détonation du pompe, le pft-pft du silencieux, le son, différent pour chaque arme, quand tu la recharges, quand tu la craftes ou juste quand tu la sors de son étui. Tiens, j’en ai des larmes aux yeux.

 


La voix d’Aliosha ou de Duke, mes best boys… Le doublage VF est très honorable soit dit en passant (parfois aux fraises questions synchro mais correctement joué dans l’ensemble. On perd juste l’accent russe, totalement cliché mais absolument délicieux, déso pas déso, de la version anglaise).

Mais alors, ça fait peur ?

La skin-care de l'enfer.

Bon, si tu as suivi jusque-là, tu as compris que ce qui fout les boules, c’est surtout la peur de crever. Mais cela dit, tu as bien quelques jump-scare, en mode mutants qui te tombent dessus sans crier gare. Mais surtout, c’est l’ambiance. T’es pas tranquille, jamais. Les loups rôdent, il y a sûrement une sale bête dans cette flaque, tu viens d’entendre le pssss d’un serpent, le flap flap d’un démon volant qui t’a sûrement vu, les goules ne se contentent pas d’être immondes, elles te jettent aussi des parpaings à la gueule, tu peux pas recharger ta lampe et tenir ton flingue en même temps, l’obscurité est épaisse, les araignées énormes, les crevettes te harcèlent, tu ne sais pas nager, ton flingue est dégueulasse il va bientôt te lâcher et bordel, tu t’étais pourtant bien dit « un mec une balle » mais ils bougent trop vite ces cons. C’est foutu, putain, foutu…

Et puis, dans l'ensemble, si tu kiffes moyen l'eau, l’obscurité, les lieux confinés, les araignées, les serpents, ou si tu as juste peur d'avoir peur, tu vas passer un sacré moment.

Metro, c’est rough, avec un gameplay bien brut, intransigeant et rugueux. Enfin, si tu en as envie. Lance le mode « récit » et il ne peut à peu près rien t’arriver. Les QTE sont rares et difficiles à louper. Si tu n’aimes pas le noir, monte les gammas. Tu peux changer la difficulté à tout moment, même en plein combat. Et si tu es un peu maso sur les bords, alors tu as de quoi te faire plaisir : tu peux jouer sans possibilité de sauvegarde, en temps réel (1 heure dans le jeu = 60 minutes irl, ce qui peut te permettre te faire tout un niveau dans le noir), avec moins de ressources, des ennemis plus forts, des intempéries plus hardcore, des radiations plus fréquentes. Et si tu veux platiner le jeu, il va falloir le relancer quelques fois.

Et l’histoire alors ?



C’est très subjectif mais moi, j’ai kiffé. C’est une belle histoire oui, épique comme il faut, simple et avec zéro tirage de cheveux coupés en quatre. Je comprends les tenants et les aboutissants de tout ce que je fais, je décide comment le faire et dans quel ordre. On ne farm pas, on ne m’envoie pas chercher 1000 petites pièces de rechange pour la loco, je suis pas livreur pour d’obscurs PNJ teubés, on ne me fait pas tourner en rond. On est à fond dans le scénario principal, parce qu’il n’y a que le scénario principal. L’histoire est viscérale (survivre, trouver de l’eau, du carburant, ne pas se faire bouffer par des cannibales, trouver une carte pour planifier la suite du voyage), sa narration bien rythmée, bien amenée. On cherche activement des chemins, des solutions, vu qu’on nous largue en pleine nature et démerde-toi avec les trois infos que j’ai gribouillé sur ta carte et les messages, manuscrits et enregistrements audios que tu trouves en chemin pour distiller le lore. Les personnages rencontrés prennent le temps de te raconter leur histoire et l’angoisse ne te lâche pas d’une semelle. Tu as peur pour tes compagnons, qui, à l’occasion, viennent te prêter main-forte (mais ils ne font pas semblant, ils passent devant).

Le jeu est émaillé de nombreux scripts qui s’incorporent très bien au récit. Au contraire, quand un de tes potes te tend la main pour te hisser à bord de l’Aurora, c’est un soulagement. Tu vas pouvoir souffler. Quand tu dévales une pente boueuse, tu sais que tu ne pourras pas la remonter et que le récit vient de prendre un tournant décisif. Le jeu prend le temps d’installer ses décors, ses protagonistes, son action se déploie gentiment et c’est méchamment bon.

J’ai un gros faible pour le post-apo, et celui-ci est assez loin de cette autre franchise que j’affectionne fort : Fallout. Disons que Metro, c’est rayon boucherie-charcuterie à côté. T’as les mains dans le sale jusqu’aux couilles, c’est abrupt, t’as pas le temps de faire joujou avec tes armes, y a pas d’inventaire à rallonge, tu vas partout avec tes pieds, pas de voyage rapide, tout juste un vieux camion qui couine sa race dans sa rouille à un moment du jeu. Les radiations te filent des hallus et y a pas de Radaway à disposition. Les PNJ sont mus par la peur et l’ignorance, tu ne fais confiance à personne et pourtant il va falloir épargner tout le monde. La guerre n’a ravagé la planète que 20 ans plus tôt mais pas moyen de trouver des objets en bon état, le décor menace de te tomber sur la gueule, tu rampes, tu souffles. Han, c’est très réel.

Et sinon, des points négatifs ?

Quoi, non, pourquoi tu voudrais qu'il y ait des points négatifs ? C'est quoi ton problème putain ??

 

Bref. Lance Metro Exodus, bordel.


 

 

 Bon, bon, bon.

J’ai profité que l’orage m’ait réveillé à 4 du mat’ pour lancer cet article qui est le seul truc que j’avais envie de pondre depuis des fucking mois.

J’écris plus, je baise pas, le monde entier laisse mon cœur tranquille, je bosse beaucoup trop et j’ai pas revu ma psy depuis mon COVID (mai dernier). Ma fille vient de rentrer dans l’adolescence avec un panache, un bagou, un sens du drame rarement égalés, aussi. Cœur sur elle. Je reperds quelques kilos durement acquis, ce qui soulage ma dismorphohobie mais attise mes angoisses anorexiques. Je ne fume toujours plus, je fais du yoga, de la muscu, du cardio, je marche trois fois par semaine s’il ne pleut pas. Je suis en bonne santé (ciao le crabe), mon compte en banque va plutôt bien, ma mutuelle va assurer ma prochaine couronne. Bref, ce que ce résumé ne laisse peut-être pas entrevoir, c’est que je vais bien. Ça roule, ça ronronne. Et je me fais un peu chier. Enfin, j’imagine. Parce qu’en vrai pas du tout. Enfin, je veux dire… je me sens parfaitement bien mais c’est quel genre de vie où le summum de ta satisfaction c’est d’acheter un ordinateur capable de faire tourner les derniers triple A, hein ? Quand ta seule envie c’est de finir ton service en te disant qu’enfin, tu vas retrouver ta partie de Fallout ?  Quand ton compteur de jeu Steam affiche 1000 heures en quelques mois ? Que ton crush du moment, c’est Connor, l’androïde envoyé par Cyberlife ?

J’avoue, je culpabilisais moins quand je me gavais de cinéma et de séries Netflix. Et je ne sais plus si mon problème c’est cette  foutue culpabilité ou bien ce qu’elle essaie de me dire : Volu, Volu, personne ne t’attends, bouge-toi le cul. Il est pas sorti ton best-seller. J’en suis à ce stade où devenir autrice, c’est devenu le running-gag de ma vie. Où, du haut de mon immense tolérance, mon respect pour la vie et mon désir de paix pour le monde entier consistent à ressentir des orgasmes sociaux quand je vais retirer mon drive sans parler à personne. Les gens, c’est pas ouf. Bref, je serais pas en train de rater ma vie, là ? Et pourquoi c’est aussi peu problématique ? C’est quand même dingue, au cours de mes 20 ans de dépression, je ne rêvais que d’une chose : qu’on me lâche la grappe. Et là, ça y est, je suis über-tranquille, enfin. Je pensais que j’allais level-up tout seul, comme papa dans maman, sur une pente doucement glissante vers la joie, le bonheur et l’accomplissement de soi ah ah, mais non. Je suis paisible, à peine troublée par ma propre inertie. Et il ne se passe rien. Rien hier, rien aujourd’hui, rien demain.

Je suis pas amoureuse et j’ai pas envie de l’être, mon plan cul d’y il y a 3 ans va peut-être passer cette semaine, le boulot c’est chiant mais ça va, suffit de se coucher tôt et ça pique presque pas, la famille ça va bien, mes frères se marient les uns après les autres, des bébés naissent, grandissent et me consacrent meilleure tata du monde, ma pelouse est tondue et c’est pas un cafard que je viens de voir sortir de sous le frigo, là ? Putain, j’ai bientôt 40 ans.

 

Quel enfer ce bonheur.

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