(MOOC) Violences faites aux femmes / Le féminicide





Le MOOC passe un peu rapidement sur un sujet pourtant capital : le féminicide. Mot qui fait peur, difficile à définir, soit-disant. On ne parle pas de féminicide dès qu’une femme meurt, on parle de féminicide quand il n’y a pas d’autre explication au meurtre que le fait que la victime était une femme. Et c'est là la difficulté : comment prouver qu'une femme a été tuée parce qu'elle était une femme, dans une société qui ne reconnaît pas la domination des femmes par les hommes, et dont la justice, les médias et le pouvoir sont toujours aux mains des hommes ?

Les médias jouent un rôle déterminants dans la perception que nous avons de ces meurtres. Il est très instructif de comparer le traitement médiatique des meurtres d’hommes par leur femme (« veuve noire », « empoisonneuse », « monstre ») et les meurtres de femmes par leur homme (« trop amoureux », « elle venait de le quitter », « drame familial »).



Les infos à retenir

- Le terme "féminicide" n'existe pas dans la législation française... ni même dans la plupart des dictionnaires, mais c'est une réalité pour l'Organisation Mondiale de la Santé. Pas du tout paradoxalement, les féminicides sont largement impunis et les meurtriers bénéficient de la complaisance de la population, de la police, de l'état.


- Féminicide : tout acte de violence physique ou sexuel entraînant la mort d’une femme, perpétré en raison de son sexe. L'OMS distingue 4 catégories de féminicides :

> le crime intime, commis par un partenaire ou ex-partenaire, le cas le plus répandu à travers le monde, dans toutes les cultures, toutes les classes sociales. C'est celui qui bénéficie de la plus grande complaisance de la part de la société. Le meurtre d'Alexia Daval est un exemple qui aura fait du bruit puisqu'il a tout d'abord été identifié comme un meurtre non-intime, perpétré par un "rôdeur" sur une "joggeuse".

> le crime d'honneur, commis par un membre de la famille comme punition pour une transgression sociale, une "inconduite" (généralement sexuelle : fréquenter un garçon, être accusée d'adultère ou avoir été violée). Radhika avait 13 ans.

> le crime de dot, commis par la belle-famille pour insuffisance de la dot : en Inde, 8 000 femmes meurent chaque année pour cette "raison" (une femme par heure).

> le crime non-intime, commis par une personne étrangère à la victime. Deux exemples qui sont rarement contestés en tant que féminicides : la tuerie de l’école Polytechnique de Montréal en 1989 par Marc Lépine ou les meurtres que l'on attribue à "Jack l’Éventreur". Seulement, il n'est pas nécessaire que ce soit une boucherie avec de nombreuses mortes, une seule femme morte c'est aussi un féminicide : le meurtre de Kim Wall par Peter Madsen est un féminicide.

Dans la grande majorité des cas, le meurtre est perpétré par un homme. Cette liste pourrait s'élargir à toutes les pratiques culturelles mutilantes réservées aux femmes et aux filles et qui causent "indirectement" leur mort, comme la maltraitance et la malnutrition, la mortalité maternelle par manque de soin, l'avortement sélectif, les mutilations génitales, les viols systématiques perpétrés par l'armée...

- En France, une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son conjoint.

- Au Guatemala, elles sont deux par jour. En Afrique du Sud (où une femme est assassinée toutes les 8 heures), en Australie, au Canada, aux États-Unis, en Israël, entre 40 et 70% des femmes assassinées le sont par leur partenaire intime.

- Au Mexique, 2 femmes sur 3 ont été tuées par un proche. À Ciudad Juarez, 300 femmes disparaissent « mystérieusement » chaque année. Les corps qui sont parfois retrouvés portent les séquelles de sévices physiques et sexuels atroces.

- Ciudad Juarez, la cité des femmes mortes, reportage de Jean-Marie Hosatte et Jean-Baptiste Gallot (1998) pour Envoyé Spécial.





« Le patriarcat est une structure de violence qui s’institutionnalise dans la famille, se consolide dans la société civile et se légitime dans l’État. »
Marie-France Labrecque, auteure de Féminicides et impunité. Le cas de Ciudad Juarez, pour L’Obs




…qui part du principe qu’il est bien normal de perdre la tête quand on est trompé / quitté par sa femme… n’existe pas et n'a jamais existé. Par contre, il était férocement ancré dans les mœurs comme privilège exclusif des hommes il n'y a encore pas si longtemps.


Le crime passionnel n’existe pas : il n’a jamais fait partie du code pénal. Le drame, lui, est un genre théâtral. «Crime passionnel», «drame de la séparation», «drame familial» ne sont pas des expressions journalistiques correctes pour qualifier des meurtres.
Et pourtant, les médias en abusent et contribuent à minimiser d’emblée la responsabilité du meurtrier présumé, voire à l’effacer. La passion, c’est ce qui nous dépasse. Le drame évoque l’accident, et occulte la violence. A chaque fois qu’un(e) journaliste utilise ces termes, c’est l’argumentaire du meurtrier qui est retenu. La version de la victime ? Elle n’est plus là pour raconter. Pour la rubrique fait divers, ce genre journalistique qui emprunte à l’inconscient romanesque et se délecte des archétypes, il n’y aurait que de l’amour déçu et des meurtriers malgré eux.
Paru dans Libération le 24 novembre 2014, par le Collectif Prenons la Une.


On ne tue pas parce qu’on aime, c’est le contraire en fait, ça défie juste l’entendement. Et la bonne foi en sus. Aucun meurtre dans le monde n’est perpétré parce que le tueur aime la victime. Le féminicide est l’apex de la violence faite aux femmes organisée par notre société patriarcale, la dernière tentative de soumission de la femme aux désirs de l’homme.

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