Mais ta gueule, putain, ta gueule !!!




La Brouille de cet été s’étant largement installée cet hiver, j’ai comblé comme j’ai pu sur ce blog pour que les remous ne soient pas trop présents. Pour ceux qui ont suivis, ça a été assez hard. Le mot « divorce » a été prononcé plusieurs fois et des choses fâcheuses ont été dites.

Je suis aujourd’hui en mesure de dire que l’ambulance est arrivée sur place. Que les premiers soins sont prodigués, que la mère, le père et l’enfant se portent bien, infiniment mieux. Je vous laisse juger de l’intensité de la réflexion, et du mixer dans lequel nous sommes passés. Vous n’avez ici qu’un très bref aperçu (pour ceux qui sont très attentifs) de nos aléas professionnels, mais ils sont déterminants dans notre situation. Je ne les évoque que de très loin dans ce post, mais ne vous laissez pas croire qu’il ne s’agit que de pommes. Il y a aussi de la betterave.



Nous sommes au mois de mars, je fête le premier anniversaire de mon pétage de plomb. Au cours des trois premiers mois, j’ai repris la plume et j’ai beaucoup écrit et j’ai complètement vidé ma tête. J’en suis sortie, vierge, presque sauvage. Pendant les six mois qui ont suivi, je me suis donc promenée au gré du vent, sans surtout me poser de questions, et en ayant pour seul guide moi-même et mon désir. C’est contre ce mur que Graindorge et mon couple se sont fracassés. Quand, les trois derniers mois, il a été clair qu’il s’opposait à ma pleine liberté, les choses sont devenues violentes et très compliquées. Beaucoup d’interférences, d’indicateurs à prendre en compte, de circonstances, un maelström est passé sur nos corps et nos valeurs. Nous avons été tous deux contraints à CHOISIR. Et dieu sait comme je n’aime pas ça. Choisir empêche de tout avoir !

De fait il a été hors de question de m’engager sur la moindre limite à mes désirs. J’ai tenu tête pendant un an. Le jus a été pressé, exprimé au maximum, on a mis tous les écrans dans le rouge, jusqu’à ce que choisir soit une évidence et une obligation. Chuis carrée comme fille, j’évite de faire des promesses que je ne peux pas tenir. Mon front borné est inamovible, même si derrière, dans cette putain de boîte crânienne, c’est Mururoa. Tenez, ça me fait penser au surnom qu’un blogueur m’a donné, au tout début de mon aventure bloguesque, il y a plus de sept ans : Roycoshima Minute. Je suis plus forte que lui, je suis plus forte que toi, et je le sais. Ce que je te reprochais avant tout, c’est de plier si facilement devant moi. On fait pas des essais nucléaires dans un espace confiné. Il lui faut de la place. Je sais pas si tu saisis, lecteur.

Chuis carrée comme fille et je m’autoclasse dans la catégorie des êtres intelligents : même quand je franchis les bornes, je sais très bien où elles sont posées. J’ai certainement surestimé la gravité de mes actes, ce qui me fait un bon point en plus, quand on y pense, mais j’ai bien vu de quoi il retournait. De tout ça, j’apprends trois choses : j’ai un mépris insurmontable pour le mensonge ; persister dans une relation conjugale où je suis contrainte de dissimuler ne m’intéresse pas ; je veux persister dans ma relation conjugale. Avec Graindorge.

C’est un collier de perles simple et précis, non ?

Arrivant à cette conclusion, hier soir (je ne peux pas être au four et au moulin, hein), j’ai réservé deux places dans un restau classieux de la ville voisine et lancé les préparatifs d’une soirée coquine dans des lieux aquatiques (textile interdit). Grande question : aucune de nos discussions ne s’étant bien finies depuis un an, quelles chances avions-nous que cette fois-ci ça se passe bien ? Il était assez inquiet. Je lui promettais LA discussion alors forcément, l’idée qu’on puisse baiser après était assez faible dans les statistiques. Encore son amour immodéré des chiffres. La vérité, c’est que j’étais prête à m’engager.

La soirée a été exemplaire à tous points de vue : pour commencer, il est arrivé en retard (un quart d’heure…).

Je n’ai jamais connu mon mari autrement qu’en retard.

J’aurais pu réagir comme j’en avais envie : assez violemment.

Il a bourré comme un dingue sur la route, et après j’ai couru avec mes ptits escarpins.

La seule chose que j’ai pu produire, c’est donc un grand silence. Claquemuré ma bouche : « Ta gueule, putain, ta gueule !!! » ça ressemblait beaucoup à mes exercices de méditation où l’on occupe l’espace mental par du vide ou une pensée positive, là, j’occupais mon espace mental par « Ta gueule, putain, ta gueule !!! » et puis des « Tant pis, qu’est-ce que ça fait, t’en es morte, hein ? T’es en sucre, c’est ça ? Tant pis, quoi, même si, la demi-heure passée, on nous refoule, tu trouveras bien un restau où les gens sont moins cons, non ? C’est ce qui manque ici ? Regarde l’heure, bien oui, vas-y, ça s’appelle même pas encore un retard, y a que toi pour… » etc. Ouais, je suis sans pitié. ‘Tout cas, j’ai réussi. Ma vie a toujours été en dawa, peuplée de personnes peu fiables, inconformes, perturbées, bref, de la poussière partout sous les meubles. Ce n’est vraiment pas le moment d’être psychorigide.

En plus, la souplesse, je devrais y arriver, c’est mon truc. Il va bien falloir que j’entame le bloc que je suis. J’ai donc fait avec mes armes : les insultes verbales. J’ai constaté que j’y suis assez peu sensible, en fait, j’y suis un peu habituée, du coup, ben, ça va, je m’en suis pas mal sortie.

Quand j’ai eu fini de me dire « ta gueule, putain ta gueule », je me disais « ta gueule toi-même, et goûte-moi donc ce foie gras, tu veux ? ».

Il n’était pas bon leur foie gras, parce qu’il était trop gras. Je développe, depuis quelques semaines, une forte intolérance au gras, il se passe quelque chose les enfants, j’en suis convaincue ! La sauce au topinambour et pire encore, les Saint-Jacques, me sont restées sur l’estomac bien trop longtemps. Nous avons été tout deux fortement déçus par nos assiettes qui nous ont pourtant coûté 154 euros. Le meilleur c’était le vin (le même que dans notre cave, mais beaucoup plus cher). Non, le meilleur, ça a été la conversation.

C’est toujours une bonne idée de me faire boire, de toute façon, je deviens excessivement sentimentale.

Bref, je lui ai dit, pendant les amuse-bouche, que je fermais la mienne pendant disons dix minutes mais qu’il pouvait y aller, j’avais pas de montre. J’ai entendu, évidemment, ce que je savais déjà, mais ça a été très efficace :

- Je l’ai mis dans la situation d’accepter mon comportement, et de ne pas s’y retrouver, ou d’être squeezé purement et simplement, en vertu du «persister dans une relation conjugale où je suis contrainte de dissimuler ne m’intéresse pas », ce que j’ai été très sérieusement tentée de faire, et même ce que j’ai commencé à faire, ce qui a eu d’heureuses répercussions (une histoire domestique, d’argent, bref, délicate), ou pour le moins rentrer dans un long conflit ouvert. Même moi, avec mon cœur en cuir de psychopathe, je suis capable de voir que ça s’appelle du chantage et que la position dominante, c’est moi qui l’ai. Et que ce n’est pas bon pour lui.

- Il ne se retrouve pas dans la sexualité que je lui propose. De fait : il n’y est pas. J’ai essayé très fort de me mettre à sa place. Je ne suis pas forcément parvenue à ressentir cette émotion qui est alors la sienne, mais je pense avoir compris l’idée. Une fois, ça m’a posé problème, avec une fille qui se laissait conduire en laisse et qui léchait des couteaux. Je pouvais pas lutter, là, c’était un aveu d’infériorité, mais aussi, comme un creux, un vol, d’une chose que je n’avais pourtant pas, qu’elle me faisait. Elle pouvait vivre des moments vraiment forts avec lui, sans moi. Bon moi, j’ai lutté contre ce sentiment de jalousie, de perte, d’abandon, en me disant que c’était pas sérieux, mon mec c’est moi qu’il aime, et j’en attends un peu autant de lui. Bref, je peux imaginer ce qu’il ressent, en me disant que lui, il n’a pas un cœur en cuir de psychopathe. Il va bien falloir que je plie face à la reconnaissance d’une évidence : la jalousie est universelle. De même que les MST. D’où : je ne PEUX PAS baiser n’importe comment. Ce qui m’intéressait de savoir, le truc où j’avais besoin de son avis, finalement, c’était « comment alors ? » Et là… je n’avais vraiment pas envie d’être conduite en laisse. Je pouvais l’accepter de n’importe qui, mais pas de lui. Dur à avaler.

- Qu’il regrettait de ne plus fréquenter le blog, mais qu’il s’en sentait obligé pour ne pas y nourrir nos conflits. Qu’il s’y sent noyé, parfois. Que lui en tant qu’homme, il devait se domestiquer, et que moi en tant que femme, j’avais le droit de sortir de ce dans quoi on m’enferme depuis des siècles. Qu’il ne peut pas flamboyer comme je le fais. Qu’il veut bien me laisser libre, mais qu’il trouve juste qu’il en profite aussi.
Une fille aux ongles rongés a fini par nous apporter du turbot et de l’émulsion au lard, on a passé la vitesse supérieure. J’ai eu excessivement peur d’être jugée pour mes fantasmes, et de ce qu’il penserait de ce que j’avais trouvé en cherchant toute seule, ce qui n’a pas été le cas même après récit complet de ce qu’il ne savait pas. Je voudrais être libre devant lui, et lui voudrait que je le sois. Il veut les avantages d’être marié à une Marie-Salope. Je dis OK.

Les grandes lignes de nos grandes décisions :
- Je m’engage à l’inviter à toute première rencontre que je ferais, et à lui faire vivre toute expérience qui me serait décisive. Il sera ensuite le bienvenu de temps en temps, s’il en a envie. Il pourra faire le voyeur, l’indiscret, voire le profiteur. Voire pire.
- Qu’il met en place des dérogations (spéciales, pour des cas spéciaux), avec procédures administratives simplifiées, voire absence de procédures. Je n’ai jamais trop apprécié ses manières comptables, mais bon, c’est le seul mari que j’ai trouvé.
- Que plus je l’invite à la fête, plus je pourrais être folle. Un chiffre, pour les numérophiles : pour deux rencontres que je me bricole, une que je lui organise.

Et puis le reste, collatéral ou influent :
- il renonce lui-même à un certain nombre de ses mauvaises habitudes, et pose l’engagement de s’impliquer dans la vie de sa famille, son économie, sa logistique, son hygiène de vie, sa pensée vivante. Que son travail ne soit plus une menace pour notre famille. Qu’il sera un père et un époux véritable pour parler symbole. Et moi de repenser aussi mon statut d’épouse.
- j’arrête de mordre, d’aboyer, de vitupérer, de bouder en silence, de pester bruyamment, de me moquer sarcastiquement et de me lever de mauvais poil (Dark Vador, sort de ce corps), je serais moins sévère avec lui, avec sa maîtresse et tout ce qui les concerne.
- qu’on fera tout ça ensemble, parce que c’est ce qu’on n’arrive pas à s’empêcher de faire malgré tout, et que c’est quand même plus facile à deux.

Après, je lui ai dit qu’on allait baiser outrancièrement au sauna.

Le jacuzzi était méga chaud, le sauna méga bien, le hammam méga noir mais tout ça très, très calme… Après nous être bien détendus (tout en bulle et j’étais un peu pompette) nous sommes allés nous installés dans la pièce la plus grande, celle qui fait carrefour avec toutes les autres et qui a un vraiment très grand écran et un lit géant en skaï noir, et plein de fauteuils tout autour pour d’éventuels spectateurs/participants, et on l’a fait, notre gros câlin.

Pas forcément monumental, ni monstrueusement indécent, plutôt bien content d’être là et intimiste sur les bords. De toute façon, les passants n’ont fait que passer. Ils nous sentaient peut-être trop occupés, je sais pas… On a beau eu se lécher, se porter, gémir, s’enculer et se faire jouir, il était déjà fort tard, et ces samedis soirs, ils sont toujours un peu morts ici.

Nous profitons de l’heure restante avant la fermeture pour nous replonger dans les bulles (un peu moins chaudes) du jacuzzi, où deux amoureux se tripotent à côté de nous. Un second couple les aborde doucement, ça se bécote et ça commence à prendre de la place, on se pousse d’un cul pour cuver notre propre plaisir. Graindorge se rend peu après compte qu’ils ne sont plus que trois : la femme du second couple est partie.
Nous repartons vers le sauna (où la température chute aussi, vite, profitons-en, ça ferme dans une demi-heure), où nous retrouvons l’épouse solitaire. Nous discutons tous deux à côté d’elle, avant d’être rejoint par le mari. Celui-ci s’asseoit entre nous et elle, après lui avoir demandé « comment ça va » (faut pas croire que c’est plus simple chez les autres que chez nous mouhahaha). Nous commencions à avoir froid, à être fatigués, nous allions envisager de partir, lorsque je me sens être touchée, une main se pose sur mes seins et commence à me tordre les tétons. Il me faut quelques instants pour comprendre que vu nos positions respectives, ça ne peut pas être Graindorge. J’ouvre un œil et je constate qu’il s’agit du mari, qui a la tête tournée vers son épouse, qui elle lui tourne le dos, et ne vois donc pas ce qu’il se passe. J’étais pas foncièrement contre, d’autant que moi, j’avais pas suivi le ballet des allers-retours, relevé par Graindorge, mais j’ai trouvé son approche un peu branque, vu l’heure, vu la situation. J’en avise Graindorge d’un tapotement sur l’épaule, qui me demandait si nous y allions, n’ayant rien remarqué non plus, histoire d’éviter tout incident diplomatique par une si belle nuit d’hiver, lequel, constatant la situation, se contente de répéter que nous y allons.

Nous sortons et laissons le couple en question à son règlement de compte.

L’harmonie est chose dure à atteindre, et n’est jamais le fruit du hasard. En rechaussant la Mimi, nous avons la certitude de nous être tirés d’affaire. Et aussi, que tout est à faire.


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