Oui !
La
noce fut belle.
Nous
nous sommes donné rendez-vous à une encablure de la mairie, et là-bas, ça
bruisse, ça jacasse, ça crie, ça court et ça rit.
Moi,
j’ai passé 2 heures à boire du café et à me faire belle. Lui, 2 heures à
organiser ce qui ne pourra plus l’être une fois qu’on aura mis les pieds dans
le plat. Et il est beau, salaud ! Elles vont toutes vouloir me le
prendre ! Allez, je m’accroche à son bras, pour être sûre. Là-bas, on
attend les mariés. Nous voilà.
Un
coin de rue à tourner, une flaque d’eau à sauter, telle la blanche biche. Les
voilà.
Alors,
c’était pas des blagues, ils sont tous venus fêter ça avec nous, venus de loin,
moins loin, ou d’à côté. Ils sont tous beaux, tout propres. Ils ont passé leurs
plus beaux pantalons, leurs plus belles robes, les jeunes la chemise achetée
par maman, les beaux-papas leurs costumes, les belles-mamans leurs chaussures
blanches, le maire son écharpe tricolore. Ils sont là, contents d’y être, on
dirait ; ils ont leur sourire, leurs hauts satinés, leurs cheveux qui
volent. Tout ça, rien que pour nous. Ceux qui ne s’apprécient pas s’évitent
civilement, ceux qui s’aiment se félicitent, ceux qui ne se connaissent pas font
connaissance.
La
cousine, je ne l’ai pas vu depuis, au moins, 10 ans ! Et les cousins, sont
d’venus beaux dis donc. Le petit est devenu grand. C’est ça quand on est pas
famille, ça vous fiche un coup de vieux quand les trajectoires se croisent à
nouveau. Je leur croque tous la joue, les deux s’ils l’ont bien mérité. Tiens,
celui-là, qui c’est ?
Allez,
mine de rien, la journée doit se faire, on l’assaille, cette mairie ?
Petite photo pour les paparazzi fous, et déjà, je me demande où est mon mari.
Je le retrouve, et c’est parti, à son bras. On remplit la salle autant qu’on
peut, on finit les salutations, on ouvre les fenêtres, on dispose les témoins,
quelques fleurs, une bougie, et on s’installe, droits et dignes, face au
représentant de l’autorité républicaine.
Il
nous annonce, avec regrets, qu’il va devoir nous lire quelques feuillets
ennuyeux, qui récapitulent les contrats et pièces de dossiers indispensables à
l’administration administrative... Puis passe aux devoirs mutuels des
époux : de communauté, d’entraide et de fidélité, dans la joie comme dans
la peine (dans cet ordre). Je serais pas foutue de dire, aujourd’hui, qui de
nous deux à dit la chose en premier, en tout cas, j’avais cette tête quand il
l’a dite :
Baiser
mouillé. Tumulte dans notre dos, ça applaudit, ça youyoute.
Et
enfin, un milliard de paraphes multipliés par quatre, toujours pour
l’administration administrative. Et nous sortons, mariés. Mon oncle ne fait que
commencer la série de 200 photos qu’il fera dans la journée. Les pétales
volent, je souris tellement que mes zygomatiques se bloquent sur
« crispés ».
On
se réjouit une dernière fois sur le parvis, puis le marié, avec sa grosse voix
qui porte, annonce le départ. Je case comme je peux les cerceaux de ma robe
dans la voiture, et le cortège, bruyant comme il se doit, et plus long que je
ne l’aurais jamais imaginé, s’ébranle. Direction : les festivités.
J’hallucine
encore : sur place, déjà autant d’invités qu’il n’y en avait à la mairie.
On appelle ça un vin d’honneur, je me prendrais presque pour une femme de
notable, mais non, c’est bien le paysan du coin, l’homme qui sent le plus le
mouton à des kilomètres à la ronde, qui me tient le bras.
Vous
prendrez bien une nouvelle rasade de bisous, de félicitations, de retrouvailles
et de sourires ? Avec ça, je vous proposerais :
Des
canapés d’escargots au persil.
Des
huîtres en cuiller.
Un
ptit cocktail, avec ou sans alcool.
Des
tranches de foie gras.
Du
velouté de melon, ou de concombre.
Du
jambon persillé.
Le
problème, c’est que ça reste sur les dents.
Je
bise absolument tout le monde, on me présente les trois quarts de la fête, et
mine de rien, ça va faire du monde à se souvenir (ne pas appeler Marion
Gertrude, ne pas confondre un voisin et une lointaine cousine). On cause,
mariage, bien sûr, couple, avec des vieux, des jeunes, des middle age, on en
vient toujours à ce constat : aujourd’hui est forcément un beau jour, le
gros du boulot viendra demain, après-demain, et les 10, 20, 50, 70 années à
venir, si le cœur nous en dit. Les disputes de l’années avec untel, ou
celle-ci, oubliées, aujourd’hui, le monde entier s’aime (sauf mon père et ma
mère, cela va de soi).
On
a bien commencé à mangé, certains à bien boire (certains en resteront même au
vin d’honneur jusque vers 22h, je vous dit pas leur état). Il est 13h, on va
passer aux choses vraiment sérieuses : se faire péter la panse, se marrer,
danser, chanter, oublier que la terre tourne autours de nous.
Le
rôtisseur, le dj, les serveuses, le maître d’hôtel, les cuisinières intègrent
leurs postes. Les invités cherchent leurs places, certaines étiquettes valsent
(tout le monde s’aime, mais n’exagérons pas, on éloigne pas titi de tata). Les
fleurs n’ont pas bougé depuis hier soir, le blé, le lierre et l’avoine poussent
sur les colonnes du bal, ce mariage sera champêtre ou ne sera pas.
Pour
vous narrer cette après-midi de noces, oublions les mots, voici dans quel
bonheur j’ai nagé :
17h.
Le dessert fond doucement sur les dents du fond, la table à cadeaux disparaît
sous les paquets, on se disperse, qui vers un terrain de boules improvisé, qui
dans la campagne environnante, pour une promenade digestive, qui aux toilettes,
qui dans l’herbe, tout simplement, pour faire la sieste, à l’ombre des
discussions calmes de cette mi-temps.
Les
moins chanceux ont du pain sur la planche : apprendre les quelques pas de
danse qu’il est bon de connaître soi-même pour pouvoir entraîner le reste de la
fête sur la piste (cirée de frais). Monter la pièce montée. Préparer le repas
qui va suivre. Allumer des bougies dans le village. S’assurer que tout le monde
va bien, et profite de la fête. Et c’est reparti.
Le
marié a disparu, c’est donc la mariée qui réceptionne les intimes du soir
(quand il y en a plus, y en a encore, plus de 200 personnes ont foulé le
plancher de nos vaches aujourd’hui). On les installe, la musique monte d’un ton
(en même temps que la moyenne d’âge des participants redescend), l’apéro se
fait désirer.
Paf,
c’est rereparti.
La
marquisette, le punch, le whisky, le vin coulent à flot, des tonneaux entiers,
avec toujours des gosiers tout secs au bout. Les petits-fours défilent une
nouvelle fois, puis on va se protéger de la fraîcheur qui monte auprès des enceintes
hurlantes du bal. Emile et Image secoue quelques quinqua à talons hauts, elles
sont belles, quand elles s’y mettent, hein ? Les célibataires se font
voir, les pas célibataires vont voir dans l’assiette du voisin, les assiettes
se remplissent. Après les musiques de vieux (Emile et Image, donc), place aux
jeunes : l’accordéon se met en branle, le biniou, le cajon, et les pieds
de ma maman. Les jupes volent, et moi, je fais ce que je peux pour pas marcher
sur la mienne, ou que d’autres ne m’approchent de trop près, ce qui serait du
plus mauvais effet, la mariée toute à plat par terre ! Je trempe mes
lèvres dans quelques verres, n’abuse de rien sauf de sourires. Les autres en
revanche, profitent du fait qu’ils ne sont ni mariés ni enceintes : quand
on vient me draguer avec des gros sabots, je leur donne le bénéfice de
l’alcool. Un cercle circassien ou une champelloise avec des danseurs imbibés et
une dizaine de gamins, ça paie ! J’ai bien rit.
Entrée
en scène de la pièce montée, toute de chouquettes et de sucre tiré. Putainement
belle, l’artiste, c’est mon frangin à moi, qui sue sang et eau depuis des jours
pour ça. Il la pose, les flashes crépitent, les applaudissements font crouler
les fondations en bois du bal, le voila rassuré. Mais attention : le
timing est formel, qui dit pièce montée arrivée, dit jarretière à monter. On
hisse la mariée à la vue de tous, on dépose l’anneau de froufrous délicats sur
mes chevilles, et le grand moment de solitude commence. On a pu éviter
l’église, les alliances, les photos dans l’herbe et la danse des canards, mais
la jarretière, non.
Un
temps fou à démarrer, cette jarretière. C’est républicain comme festivités,
ça ? Allez, ne nous leurrons pas, il s’agit de faire profiter une dernière
fois les mâles du clan de la jeune pucelle. Mon père me regarde d’un œil
sévère, ma maman s’amuse bien. C’est parti, ça monte pour 20, 10, 5 euros, côté
gars. Côté filles, une maman se ruine pour qu’elle redescende, de son vivant,
son mari ne verra pas mes cuisses ! Ma belle-mère triche et fait passer de
l’argent aux hommes qui l’entoure pour que ça monte. Alors ça monte, ça monte,
redescend, remonte. Le jeune homme chargé du coulissage cuissier sue à grosses
gouttes, nettement aviné. On avait dit au chauffeur de salle : quand le
haut du bas apparaît, on arrête. Il a préféré se donner des objectifs de temps,
et pendant une demi-heure, on aura défiler,plusieurs fois, cheville, mollet,
genoux, cuisse, jarretelle, et presque un début d’entrejambe, salaud, quand,
arrivé à mi-cuisse, un gros bifton tombe dans le panier. Sans compter que pour
celui qui officie, les euros font plus vite monter que descendre. Un classique.
Et moi, votre Volu, votre volubile impudique, qui donne sans compter de sa
blanche peau, qui se sent dans ses petits souliers, d’être ainsi vendue. Parait
que j’avais l’air emprunté. Mais tout le monde fut d’accord : la mariée
avait de belles cuisses, toutes en coordonnée de dentelles. Au finish, personne
n’en voudra de cette jarretière, allez comprendre, c’est le marié qui viendra
la descendre (avec les dents, bien sûr), et c’est une gamine qui repartira
avec. Et moi qui avais tout spécialement changé de culotte.
Allez,
c’est passé, on va vite oublier tout ça, OK ? On distribue les
chouquettes, on monte le son, et tout ça n’est plus qu’un souvenir. Retour sur
la piste, mais cette fois, je suis au bout du rouleau : mes chaussures
font parti intégrante de mes pieds (cuir vachette), les baleines de mon bustier
me traumatisent le sein gauche, et toutes ces épaisseurs commencent à être
lourdes. Pas le courage de traverser le village jusqu’aux vestiaires, je
m’isole dans un coin du bal, la porte gardée par une personne d’un certain âge,
dont je sais qu’elle prendra soin de ma pudeur (légendaire). Rien n’y fit, deux
portes mènent à ma cachette, et celle qui n’est pas gardée s’ouvrira trois
fois, ouverte par le mari de ladite dame. Malgré tout, j’y arrive, déboutonner
les 25 boutons du corsage, retirer le jupon, la jupe (par la tête, toujours),
changer de soutien-gorge, passer un jeans, un second bustier, plus ample, pour
mes pauvres seins et mon ventre naissant ; qu’une seule
impossibilité : changer de chaussures. Baste, je sens presque plus mes
pieds de toute façon.
Fin
de soirée à la va comme je te pousse : je me surprend à danser sur du
disco de grande consommation (j’avais pourtant dit au dj, PAS de disco de
grande consommation !), une nana me drague comme une folle, bisous
mouillés à la clé, avant qu’elle ne se rabatte sur un non célibataire non
accompagné (j’en connais une qui regrette de s’être couchée tôt, et un autre de
s’être laissé à boire), la musique me pulvérise la tête, mes yeux tombent, je
ne connais plus personne, soit que l’alcool ai profondément changé leur
personnalité, soit qu’il s’agisse des intimes du marié. Qui a de nouveau
disparu. J’aurais passé, facile, 5 heures sans lui, 2 à le chercher. Ca a bien
fait rire les gens.
3
heures du matin : on chope quelques joyeux drilles, et on leur explique,
avec de lourdes menaces dans la voix et les yeux, que leur charivari, ils se le
gardent, cette nuit, on veut dormir ! De toute façon, vu leur état,
m’étonnerai qu’ils se souviennent de notre lieu de résidence... effectivement,
on a bien dormi.
Je
m’éclipse une demi-heure plus tard, incapable d’aligner deux mots, deux pas. Et
hop au lit. A 5h, je sens le marié me rejoindre dans le lit désormais
conjugale. Vous croyez qu’on a fait du sexe ? Je crois bien qu’il m’a
caressé la croupe, peut-être embrassée dans le cul, mais our le reste, on a
fait comme 95% des jeunes mariés, on a dormi. La bringue du cul, les explosions
de dentelles et de satin, les orifices mouillés-dilatés, c’est toute l’année.
Je sais bien faire l’étoile, mais pour lui, difficile de bander passivement...
Bref, brisons rapidement le mythe et passons à autre chose.
10h
du matin. Debout, vieille branche. Retour sur les lieux du crime. La plupart
des participants ont eu la bonne idée de ne pas tenter de rejoindre qui son
hôtel, qui sa maison à 50 bornes d’ici : à même la voiture, et même un
dans l’herbe, qui renifle et éternue ce matin, les yeux pocheux. On ramasse
quelques bouteilles, quelques mégots de pétards, on apprend que celui qui était
chargé de fermé les lieux à clé n’a pas trouvé le trou de la serrure, mais peu
importe, il y a eu du monde en non-stop, à 5 heures du matin, il restait une
trentaine de personnes, et ça s’est dispersé doucement. Cool, pas de morts, pas
de pertes matérielles, ça sent juste la pisse autours du lavoir. On range un
peu, on distribue le café à ceux qui pensent ne pas le vomir, on sert les
restes, on papote doucement, on se lance des invitations, on déconne. On fait
LA blague aussi : on sort le drap dans lequel les bêtes à rôtir on été
découpées encore cru, en lançant : « le drap de la nuit de
noce ! ». Voila comment on fait passer un mec bien pour un boucher.
Voila,
ce fut mes noces. Compter encore quelques jours de nettoyages, les cadeaux à
ouvrir (on a halluciné devant la générosité des invités, avec un gros chiffres
devant 3 autres), les remerciements à envoyer, les photos à développer, trier,
regarder (compter 3 bonnes heures avec tonton Serge). Et voila, c’est derrière
nous.
Mais
c’était bien, tout le monde s’est vraiment amusé, les mixe des familles a bien
fonctionné, les filles étaient jolis et les hommes bien habillés, le buffet
garni, la buvette pas radine. Oui, je peux dire : les plus belles noces
que j’ai faites, ce sont les miennes.
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