Recommandations de 1990
Vous aimez l’orthographe ?
Non, car on vous a appris que c’était
rigoureux et difficile, et que surtout c’était une science exacte : pour le
moindre mot, une orthographe et une seule.
Alors qu’en fait pas du tout. Ouvrez le
dico : des mots à orthographe multiple, il y en a. De la logique ? Oui, bien un
peu, en effet, mais d’une logique que l’on réserve soigneusement aux lettrés,
aux autres, les règles. Fermez votre bled ou votre besherel. Pour vous, rien
que pour vous, il y a les Recommandations de 1990. Des « règles » d’orthographe,
fort simplificatrices, mais malheureusement fort méconnus, malgré leurs 17 ans
d’âge.
Mais avant de vous en faire part : bref
historique.
Nous
sommes au XI° siècle. Le français, issu du
latin, est a peu de chose près une écriture phonétique : toutes les lettres se
prononcent, il y a correspondance biunivoque (un son = un signe et
réciproquement) graphie-phonie. L’orthographe, comme en latin, est donc
simplissime. Sauf que voila, l’alphabet latin est incomplet : pas de H, pas de
J, le U et le V se confondent. On s’en satisfait tout d’abord, tant que les
écrits sont choses rares. Mais avec l e développement de l’administration, ça
se complique. Ainsi, on va rajouter des lettres pour aider à la lecture de
certaines lettres. Par exemple, le mot « VILE », ici écrit avec l’alphabet
latin originel, est en fait le mot « uile », l’huile, quoi. Mais pour ne pas le
confondre avec « vile », on va signaler que la première lettre est bien un U et
pas un V en mettant un H devant. Idiot, mais voila, au moins, la confusion est
levé : Huile. Et inversement, ce qui est encore plus idiot, on va mettre un D
devant les V consonnes : aDvenir, aDventure… J’en passe et des meilleures (les
digrammes étant le must : OI, OU, ON, AN, CH, PH…)
Mais
alors vint le XVI°, et l’invention de
l’imprimerie. Ca va révolutionné la chose, puisqu’il faut d’une part être
clairement lu, mais aussi économiser les caractères, et le nombre de pages.
Jusque là on a fait l’inverse : ajouter, toujours ajouter, complexifier. Aussi
imprimeurs et auteurs oeuvrent-ils pour la réforme de l’orthographe. Ronsard en
particulier propose de proscrire le X et le Z en final, le Y partout, le PH
(pour généraliser le F), imposer partout la graphie AN, simplifier les doubles
consonnes et éradiquer toutes lettres étymologiques muettes (comme le G de «
doigts », vestige du digitum latin, ou le P de temps, ruine de tempus, qui ne
prononcent pas)… Mais ça ne passe guère, car alors Richelieu créa la machine à
immobiliser la langue, à savoir l’Académie Française et ses académiciens
français. Et l’académie choisit l’ancienne orthographe, argument (notez les
majuscules) : « Généralement parlant, la Compagnie préfère l’Ancienne
orthographe qui distingue les gens de Lettres d’avec les Ignorants et les
simples femmes. » Sympathique.
Mais heureusement, le vivier d’auteurs et
de philosophes tiennent le haut du pavé, et doucement, ça bouge tout de même
entre le XVIII° et nos jours : le J est adopté et le S remplace le Z en final
(amitiez), les accents se font leur place, le participe passé est décrété
invariable avant l’infinitif (mesure toujours ignorée…), les Y non
étymologiques sont escamoté et remplacés par I (moy, roy).
Ainsi notre orthographe reste-t-elle fort
ardue, même pour les natifs, ce qui est quand même un comble. Un exemple entre
mille de mots qui ne se prononce absolument pas comme ils s’écrivent : « oiseau
». Vous ne prononcerez pas une seule fois O, ni I, ni S, ni E…
Nous en arrivons donc aux Recommandations
de 1990. Ouvrez bien les écoutilles, et notez :
En
ce qui concerne les mots composés :
Certains mots (mais pas tous, et oui…)
seront écrits soudés, ce qui simplifiera la question du pluriel : des
portemonnaies (très drôle, mon ordi me le souligne en rouge !!)
Certaines (mais pas toutes…) onomatopées
seront soudées : blabla, coincoin.
Certains (mais…) mots latins ou d’origine
étrangère n’ayant pas valeur de citation seront soudés : apriori, callgirl.
Normalisation de la marque du pluriel pour
les mots gardant le trait d’union : des sans-abris, des perce-neiges.
Traits d’union entre tous les numéraux
d’un chiffre complexe :
un-million-deux-cent-soixante-mille-cinq-cent-soixante-douze.
En
ce qui concerne les pluriels :
Les noms et adjectifs d’origine étrangères
(n’ayant pas valeur de citation) ont un pluriel régulier : des scénarios, des
sandwichs (mais des mea culpa)
En
ce qui concerne les accents :
Circonflexe : suppression sur I et U, sauf pour les noms propres et
les terminaisons verbales, ainsi que pour les oppositions caractéristiques :
une buche, une voute, naitre, paraitre mais Nîmes et nous voulûmes, ainsi que
sûr/sur, dû/du/
Grave/aigu : rectification d’anomalies : cèleri (et non céleri),
allègement, asséner, sècheresse, évènement, allègrement, règlementer, sécherie.
On met des accents sur les mots d’origine
étrangère quand ils n’ont pas valeur de citation : critérium, révolver et
référendum…
Les verbes en –eter, -eler : l’accent
grave sera étendu à tous, sauf jeter, appeler et leur famille : il ruissèle (et
non plus il ruiselle), j’époussète, mais j’appelle. Les noms en –ement dérivés
de ces verbes suivent la même orthographe : ruissèlement.
Dans les inversions interrogatives, le
première personne porte l’accent grave : puissè-je.
Tréma : il est porté sur la lettre a prononcer : ambiguë (et non
plus ambiguë), gagëure, aigüe, argüer.
En
ce qui concerne les participes passés :
Le participe passé de « laisser » est
invariable dans tous les cas : elle s’est laissé mourir.
Autres rectifications d’anomalies :
absout/absoute, asseoir, sursoir, cahutTe,
boursoufFler, chaussetrape, combatTif, nénuFar, Ognon, relai, persifFler…
Et d’autres encore… Mais au finish, une
petite soixantaine de mots concernés, sur les 8000 les plus fréquents !
Donc de consensus, il n’y a point.
D’ailleurs, on ne dit plus « faute », mais « erreur ». Nous pouvons donc nous
rassurer : nous sommes pas les premiers cancres, et il y en a tant d’autres à
venir !
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