Le Diable, tout le Temps - Antonio Campos (2020) / Première partie (sans spoilers)
Allez, on reprend le chemin du blog avec une petite (non) critique/analyse de film : ça faisait longtemps ! Cette fois, je passe sur le billard le dernier film du jeune réalisateur Antonio Campos, sorti le 16 septembre sur Netflix : The Devil, All the Time, adapté du livre du même nom de Donald Ray Pollock. Autant le dire tout de suite : j’ai adoré. Les thèmes, leur traitement, la mise en scène, le jeu d’acteurs, les sons, les couleurs et la lumière, j’ai tout aimé. J’ai beaucoup tremblé, j’ai souvent souri mais surtout j’ai poussé de lancinants « non, non, non, non ! » en me tortillant sur mon lit (oui, avec mon café du matin, vu que le film sortait à 9h01 sur la plateforme).
Histoire de partager avec vous le plaisir que j’ai eu à le regarder sans vous le gâcher, je vais écrire cette analyse en deux parties : une première partie critique aujourd’hui, sans spoils, où je donnerai les points forts (et les points faibles) de ce long-métrage, la seconde demain sous forme d’analyse, avec moult spoils, où je pousserai le décorticage du récit et de la mise en scène dans les détails (parce que c’est là que se trouve le diable, hein).
Petit plan pour vous repérer.
I. CRITIQUE
Le synopsis.
Ce film est beau.
Ce film est fort.
Ce film est juste.
Ce film est structuré.
Cette voix-off m’énerve ?
Ce casting est ouf !
Le Diable, tout le temps
Scénario : Antonio et Paulo Campos, d'après le roman de Donald Ray Pollock
Réalisation : Antonio Campos
Distribution :
Tom Holland : Arvin Russell
Eliza Scanlen : Lenora Laferty
Mia Wasikowska : Helen Hatton
Robert Pattinson : Preston Teagardin
Sebastian Stan : Lee Bodecker
Jason Clarke : Carl Henderson
Bill Skarsgård : Willard Russell
Harry Melling : Roy Laferty
Haley Bennett : Charlotte Russell
Riley Keough : Sandy Henderson
Kristin Griffith : Emma Russel
David Atkinson : Earskell
Douglas Hodge : Leroy Brown
Gregory Kelly : BoBo McDaniels
Gabriel Ebert : l'homme à la station-service
Donald Ray Pollock (VF : Benoît Allemane) : le narrateur
I. CRITIQUE
Le synopsis. Alors c’est marrant mais le pitch que l’on voit un peu partout est un drôle de leurre :
« Knockemstiff, Ohio. Face à sa femme mourante, un homme désespéré, Willard Russell, tente le tout pour le tout. Il se tourne vers la religion. Ses prières vont petit à petit s'apparenter à des sacrifices dont Arvin, le fils du couple, pourrait être l'offrande ultime... »
Celui-ci n’est pas moins trompeur :
« Dans une ville minée par la corruption et la brutalité, des personnages sinistres rôdent autour d'un jeune homme déterminé à protéger ceux qu'il aime. »
Mais vous allez vous en contenter pour le moment (ouh, la vilaine).
Ce film est beau. Parce qu’il y a Tom Holland dedans d’abord, hot as fuck, sacrebleu. Je ne suis pas fan de Robert Pattinson mais vous pouvez l’ajouter dans cette section si vous voulez. Ok, blague à part, ce film est beau parce qu’il est pur et maîtrisé. Presque fade, académique, bien appliqué. Aux turpitudes et à la noirceur de ses protagonistes répondent la limpidité des lumières, la sérénité des couleurs, le calme de ses prises de vue. De la boue et des blue jeans, des arbres et des nuages, du tabac et de la fumée. Bleus et marrons : l’ambiance est calme, sérieuse, discrète, sans violence (c’est pour mieux te surprendre mon enfant). On est loin d’une chromatique déjantée, saturée, pas de « nuit américaine », les lumières sont naturelles, légères et dans le noir, on n’y voit vraiment rien.
Tom Holland est Arvin Russel |
Ce film est fort. On se retrouve plongé.es dans des problématiques bien casse-gueule, sans détours ni faux-semblant. On n’y va pas à demi-mots et ça j’adore. Si tout se passe bien, vous devriez sentir vos tripes se nouer. Nos protagonistes sont en détresse, ils sont fous, fanatiques, tordus, malsains pour certains, mais surtout maudits. Tout ce qui est merdique dans l’expérience humaine est là : la guerre, la maladie, le deuil, le meurtre, la dépression, l’injustice, la violence. Bienvenue en enfer. Avec comme première pierre pour le paver avec ses bonnes intentions : la religion.
Robert Pattinson dans le rôle de Preston Teagardin |
Ce film est juste. Au chapitre de la justesse, le casting est au top, je me suis dit que ça n’avait pas dû être facile à tourner. Les émotions sont jouées sans lourdeur, vraiment, y a rien de trop. Peut-être même qu’il en manque, mais c’est probablement l’habitude que j’ai de voir des protagonistes exploser, jubiler trop fort, ou se répandre sans raison. Peut-être bien que c’est comme cela que l’on réagirait si on était à leur place. J’ai eu l’impression d’avoir affaire à de véritables humains, taiseux, mais véritables. C’est encore plus saisissant si vous regardez le film en VOST (je conseille pour savourer les répliques gutturales prononcées du bout des lèvres). Au chapitre de la justice ensuite : on rend à César ce qui appartient à César. La part d’humanité des personnages n’est pas flouée et chacun.e obtient son dû. Et ça aussi j’aime, cet équilibre des forces. Quand le monde tourne rond. Attention : absolument tout, tout de A à Z, suscitera votre désapprobation, tout est hors-la-loi, tout est condamnable. Et pourtant, et c’est là le tour de force de ce film, tout est juste, ça ne peut, ça ne doit que se passer comme ça. Pas possible autrement, sinon ce serait tellement pire. On sait, nous, ce que la justice ferait de telles situations : beaucoup de rien, beaucoup de mal. J’en parlerais avec plus de détails dans la deuxième partie.
Jason Clarke et Riley Keough sont Carl et Sandy Henderson |
Ce film est structuré. Derrière son montage sans exubérances se cache une structure conçue pour broyer ses personnages et ses spectateurices, en mode spirale infernale. Après un tiers de film, on se demande bien ce qu’il va encore pouvoir nous raconter, l’intrigue nous parait ficelée, terminée… et c’est vrai : les dés sont jetés, c’est cuit pour tout le monde sauf que ça va prendre une heure et quart de plus pour nous sauter à la gueule. C’est l’illustration parfaite des malédictions familiales, cet atavisme grégaire qui tire tout le monde vers le bas et vous démolira, le moment venu. On n’échappe pas aux fantômes du passé. C’est aussi la clé du titre : en tant qu’héritiers des erreurs de nos parents, on se bat contre le Diable, tout le temps.
Bill Skarsgård dans le rôle de Willard Russel, le père d'Arvin |
Ce casting est ouf ! Bon, on revient un peu sur Tom Holland ? Ce jeune homme simple et hanté est le nerf à vif de ce film et il nous montre qu’il est capable de faire dans la dentelle avec du fil barbelé. Je ne sais pas si ça mérite un Oscar pour autant (Il semble que ce soit plutôt pour sa prestation dans Cherry (qui n'est pas encore sorti !) qu'il pourrait être nominé) mais sa fraicheur sert définitivement ce film. Il donne physiquement de sa personne en bombe prête à exploser, tout en retenue, dosée. Le jeune en a sous le coude cela dit : rôle-titre dans le spectacle musical Billy Eliott : the Musical, gamin rompue par les flots, à la recherche de sa famille dans The Impossible, jeune aventurier dans Lost City of Z (où il a croisé Pattinson et Melling), mousse nauséeux dans Le Cœur de l’Océan, figurez-vous qu’il ne s’est pas contenté de savoir marcher au plafond ces dernières années… From « With great power, comes great responsibility » (qu’il n’a jamais prononcée) to « There’s a lot of no good sons of bitches out there » (avec une voix rurale de l’Ohio) not so quick. Je l’ai adoré en Spidey, mais franchement, je le love 3000 en Arvin. D’ailleurs, on retrouve ici d’autres acteurs du MCU : Jake Gyllenhaal (Mysterio) est à la production, et Sebastian Stan (le Soldat de l’Hiver) dans le rôle du Sheriff en candidat à sa propre succession. Je ne connais pas bien Robert Pattinson (Harry Potter, Twilight, Cosmopolis, Queen of the Desert, Tenet…), mais je crois bien que ce pasteur charismatique n’est pas un perdreau de l’année. On retrouve également Harry Melling (cousin Dudley Dursley, tu situes ? mais aussi le fou furieux de The Old Guard…) dans un rôle halluciné, Mia Wasikowska (l’Alice de Tim Burton) en pure pieuse, Jason Clarke (Course à la mort, Public Ennemies, Terminator Genisys…), en photographe malsain, Riley Keough (la fille d’Elvis ! que vous avez vue dans The Runaways, The Good Doctor, The Girlfriend Experience ou Mad Max : Fury Road), sans oublier… Bill Skarsgård (Simple Simon et bientôt dans Cherry aux côté de Tom Holland) qui ne vous traumatisera pas autant que dans son rôle de Grippe-Sou dans Ça… ou peut-être que si. J’ajouterais une mention spéciale à la jeune Eliza Scanlen (Sharp Objects), méritante en dévote dévouée. Bref, un casting de gars et de meufs sûr.es, avec des prestations qui ne vous décevront pas, promis.
Ah tiens, oupsi, j’ai pas vraiment trouvé de points faibles (tu veux une critique plus nuancée ? tu peux toujours lire celle de Libé ou celle de Cineserie.com qui est plus proche de ma perception). Si je ne t’ai pas donné envie de le voir, là, je ne vois pas ce que je peux faire de plus… Si tu as l’intention de le voir, merci pour lui d’abord. Ensuite, tu n’as plus qu’une chose à faire : lire mon analyse de demain.
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