Born sexy yesterday - Pop Culture Detective




Une super vidéo, en anglais mais sous-titrée en français, dont je vous fais un petit résumé. Au passage, TOUTES les vidéos du Pop Culture Detective sont recommandables !




La femme pas comme les autres
"Born sexy yesterday" est ici traduit par « Née de la dernière pluie en étant sexy », il s’agit d’un trope nommé par l’auteur de la vidéo et qui décrit un modèle de personnage très (trop) récurent dans les comédies (romantiques surtout) et les films d’actions. Elle est présentée comme intrinsèquement différente des autres femmes par un subterfuge scénaristique bien connu : c’est une indigène (Pocahontas dans Le Nouveau Monde de Terrence Malick), une androïde (Quorra dans Tron, l’héritage de Joseph Kosinski) ou une extra-terrestre (J’ai épousé une extra-terrestre de Richard Benjamin), bref, elle vient d'un autre monde. Cette étrangeté la rend naïve, à ce point qu’elle prend souvent tous les traits caractéristiques… de l’enfant, puisqu’elle ne connaît pas les us et coutumes du héros, voire même de la race humaine. Et évidemment, ça la rend charmante, fragile et manipulable.


Leeloo, l'ingénue

Pocahontas, la bonne sauvage

Un trope sexy écrit pour les hommes
Cette naïveté est adorable aux yeux du héros mais la femme née de la dernière pluie est aussi physiquement sublime, hypersexualisée tout en étant inconsciente de son sex-appeal. Les mecs adorent ça, parait-il, les filles belles mais qui ne le savent pas ou se comportent comme si elles ne s’en rendaient pas compte, car ce serait la preuve de leur modestie. Et vraie-femme est modeste, n’est-ce pas, elle n’utilise pas son corps et les effets qu’il produit chez les hommes pour obtenir ce qu’elle veut. Un peu comme si le problème venait du corps des femmes et pas des yeux des hommes, posture affirmée et assumée du patriarcat le plus crasse. Pour que le spectateur juge par lui-même de sa perfection, à tous les coups on lui offre une scène où l’héroïne se retrouve entièrement à poil. Parce qu’elle n’a pas appris à être pudique bien sûr : vous devez vous souvenir de cette scène où Leeloo (Le Cinquième élément de Luc Besson) se déshabille entièrement devant le prêtre et son acolyte, qui, intimidés, se retournent pour ne pas la regarder mais précisent tout de même qu’elle est « parfaite ». Cette satisfaction du regard masculin hétérosexuel, le « male-gaze » signe le trope écrit pour les hommes. Trope qui ne s’embarrasse pas de ce paradoxe torturant que de devoir être une belle femme, sexy mais sans le savoir, sans en jouer, c'est-à-dire en toute naïveté, en toute innocence.

La femme parfaite, une arme avec 0 kilo de muscles.

Livrée, abandonnée, le héros découvre la femme comme on découvre une planète.

Une femme forte et fragile à la fois
Born sexy yesterday est donc fragile, ce qui la rend aimable, mais elle est aussi forte, ce qui la rend respectable : elle maitrise souvent un domaine respecté par les hommes, typiquement le combat et/ou le maniement d'armes (Leeloo est littéralement une arme, Quora est programmée pour se battre…). Ce n’est toutefois pas son seul paradoxe : vierge pas farouche, à la fois imbécile et super-intelligente, c'est un genre de manic pixie dream girl (la fille rêvée et délurée) qui couche ET qui tabasse. Très féminine donc pas trop musclée, lisse, nature, très intelligente mais ni ambitieuse ni hautaine, elle reste discrète et effacée malgré sa perfection très appuyée. Le rêve. Sauf que… cette femme n’existe pas, hein, ça fait trop de paradoxes clivants empilés les uns sur les autres...

Elle a l'air de gérer, mais dans 10 minutes elle va avoir besoin du héros.

Quorra, une enfant dans un corps de femme et avec des jouets d'hommes.

La femme parfaite
Ce trope nous parle de la relation à laquelle les hommes aspirent selon Hollywood : une fille à qui le héros (déçu par les femmes de son monde qui l’ont trompé, quitté ou ignoré) va tout apprendre (mais surtout le sexe puisque), vierge of course. En retour elle le trouvera génial puisqu'elle lui doit tout et ne connaît aucun autre homme, ce qui est bien pratique parce qu'ainsi il n'a pas besoin d'essayer d'être un meilleur partenaire, faire des efforts ou se remettre en question. Pour rappel, avoir des relations sexuelles par surprise avec une femme qui ignore ce qui va se passer, c'est un viol. "INNOCENCE IS NOT SEXY" messieurs. Mais à tous les coups, la femme se montre reconnaissante envers l'homme qui l'a initiée, c’est bô. Eh oui, les femmes vierges et pures adorent le sexe dès qu’elles le découvrent, ce qui défie tout ce qu’on sait de l’apprentissage de la sexualité féminine… On est sur un rapport professeur/élève (Pygmalion) où l'homme apprend à la femme à être... une femme pour lui : sexy, coquette et admirative. Cette figure est aux hommes ce que la figure du Prince Charmant est aux femmes : une princesse charmante, comme Giselle dans Il était une fois, de Kevin Lima.
 
Tout ça nous suggère que les hommes aiment la drague quand elle est facile, quand ils sont placés en situation de domination psychologique, face à une charmante idiote.


Giselle, charmante princesse de conte de fée propulsée dans le monde réel.


 Born Yesterday et Splash : des hommes subjugués par des femmes à qui il faut tout apprendre.


Et les hommes born sexy yesterday ?
Il y en a figurez-vous, mais Ô surprise, leur traitement est très différent. Exceptionnellement le rapport est inversé et le naïf c'est l'homme, initié par une femme comme dans Pleasantville, Première sortie ou Starman mais alors les dynamiques sont très différentes et présentées comme une exploration mutuelle et la femme tombera amoureuse malgré (et non pas à cause) de l'inexpérience de l'homme.

Adam rencontre Eve... qui n'est pas super chaude, de base, pour s'enticher d'un homme aussi maladroit.

Finalement, ce trope nous parle surtout de l'insécurité dans laquelle vivent les hommes concernant leur masculinité, leur manque de confiance en eux, une fixette sur leur besoin de supériorité pour se sentir à l'aise dans une relation. Ce trope n'est toutefois pas particulièrement moderne, puisqu'on le retrouve dès les premiers pas de la science-fiction au cinéma : Born Yesterday (Comment l'esprit vient aux femmes en France... titre d'une fable de La Fontaine tout à fait odieuse) en 1950 (qui donne son nom au trope), Planète interdite en 1956, La Machine à explorer le temps en 1960, La planète des singes en 1968... Il est temps de faire le ménage et de créer des héros qui ne rechignent pas à partager l'affiche avec des femmes qui sont leurs égales.


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