Johnny boy / On n'est pas un couple.

Gunel Huseynova




Ok, après cette petite introduction, c’est parti… Premier chapitre, une petite (c’est un euphémisme pour minutieuse) chronologie de nos amours. Je parlerai assez peu de nos relations extérieures (mais ce sera pour le prochain chapitre). Je vous glisse la bande-son au passage.

* les prénoms ont été astucieusement changés





I. On n’est pas un couple.

Globalement, on s’est mis ensemble en mode plan cul amélioré, quelque part entre les niveaux 24 (Plan cul / je cherche des partenaires sexuelles stables) et le niveau 52 (Amour Libre / chacun·e fait ce qu’iel veut mais je préfère qu’on en parle) de l’échelle de l’engagement. En vrai, c’est moi qui tirais vers le haut de cette échelle (parce que c’est ma vision de l’amour) et lui vers le bas (parce que c’est sa vision de la tranquillité). En apparence, nous avions les mêmes intentions, celles de ne pas s’attacher et celles de ne pas s’affubler des rigueurs habituelles du couple, comme la fidélité et la vie en commun. J’entendais par là qu’on ne vivrait pas sous le même toit, que je ne tentais pas de recomposer une famille et que nos engagements se limiteraient au minimum. Ça voulait sûrement dire autre chose pour lui, peut-être « Ne m’en demande pas trop. »


Si ça se peut, on sera heureux !

Au début, nous sommes en décembre 2016, on ne se voit que quelques jours par semaine mais pas toutes les semaines, quand les occasions se présentent. On passe nos journées à baiser, à fumer, à écouter de la musique et à boire. Mais dès les premières semaines, il me cache une relation qu’il a à côté ( Éliane*), puis la révèle un petit peu, puis jure qu’il tient à moi, en promettant de faire mieux la prochaine fois. Il dit qu’il n’en parle pas pour ne pas m’offenser mais ça ne m’offense pas alors je crois plutôt que c’est parce qu’il ne veut pas que je m’en mêle, ce qui me perturbe puissance 2 sur une échelle de 10. J’aimerais qu’il soit plus détendu là-dessus, ça me permettrait de l’être également. La seule question que je m’autorise à lui poser pour ne pas paraître invasive c’est « vous vous êtes protégés ? » Je l’ai vu parallèlement galérer avec une ex, Naomi*, qui, d’après ce qu’il en disait, n’arrivait pas à se faire à l’idée que c’était fini. Il l’a quittée alors qu’elle développait des troubles psychologiques, j’ai assez vite craint (pour moi) que Johnny Boy soit ce genre de gars qui te quitte parce que tu es malade. Il n’était d’ailleurs pas très tranquille avec ça.

J'accorde beaucoup d'importance aux valeurs morales. Honte et Culpabilité sont les deux yeux qui nous regardent et le feu qui nous brûle de notre vivant, hein. Je déteste voir quelqu'un.e se compromettre ou atteindre à sa propre dignité en s'adonnant au mensonge, à l'intolérance, en se montrant vil.e, lâche ou mesquin.e. Donc I need a hero, c'est sûr. En face de moi, Johnny Boy possède une politique des valeurs nettement plus libérale où l'amitié est centrale et détermine qui l'on respecte et qui l'on peut se permettre de ne pas respecter.

En janvier 2017, on décide de se voir plus et de manière régulière, toutes les fins de semaines. En réalité on se voit plus souvent que ça, un peu tout le temps. Je me sens amoureuse, il me fait marrer, voir du monde, il a de l’esprit et il me baise bien. Il fréquente toujours Éliane mais il n’en parle pas. Quand je l’invite sur ce terrain de discussion, son jeu c’est de quitter la discussion.

En février, il se fait larguer par Éliane quand elle apprend mon existence, je fanfaronne que ça n’a rien d’étonnant et je me dis que ça l’incitera à s’y prendre mieux la prochaine fois. Il dit que je suis sa préférée mais aussi que je ne dois pas m’attacher, je dessine des petits cœurs dans mon journal, on ne s’embrasse pas encore en public mais il parle de moi pour la première fois à son meilleur pote. Ce sera toujours un peu comme ça : une alternance de mots d’amour et d’invitations à ne pas m’accrocher. On passe beaucoup de temps en ballades ou en musique.

Notre relation, c'est surtout une ambiance. Sans projets communs, sans engagement de vie particulier, le temps passé ensemble consistait surtout à allumer la musique, rouler un joint, lancer un repas puis se diriger vers le lit, à moins que nous ne sortions au restau ou rendions visite à des ami.es. J'ai dansé pour lui pendant qu'il tapait sur son djembé, je me suis accrochée 47 659 fois à son dos pour faire un câlin de koala et j'ai beaucoup, beaucoup, sucé sa bite.

En mars, mon amant me rend visite pour une nuit et j’essaie de montrer à Johnny Boy que parler de ça ce n’est pas indisposer mais rassurer l’autre. Johnny Boy me présente à son père, il emménage dans une nouvelle maison et me fait une place dans son salon pour y mettre mon matériel d’écriture et de reliure. Tiens, cadeau, un échange qu’on a eu à ce moment-là (mes réponses sont en gras à droite) (c’est plus marrant si on fait attention aux heures d’envoi des messages) (Johnny Boy est en soirée, il fait la fête) :

(oui moi aussi j’aurais adoré pouvoir faire des screenshots)

(11/3/17, 21:51)
Je te confirme mon passage demain entre 18h et 18h30. Tu seras là ?
(12/3/17, 3:00)
Plein de bisous avant de m’endormir, en pensant à toi. Ravi de te recevoir dans mon nouveau chez moi. À demain ma belle Volu.
(9:00)
Mon message, rien à voir mais en fait si ! Je serais là. Bisou.
(9:39)
Je me suis demandé si tu avais bu, tu as tendance à être plus amoureux et plus expressif... :)
(10:28)
Oui j’étais saoul, mais le cœur y était ! ok à toute



Est-ce que l'amour est considéré comme un état d'altération de la conscience ?



C’est chez lui, devant sa grande baie vitrée, que j’ai dessiné mes 7530 premiers mandalas et relié un certain nombre des livres que vous trouverez en troc libre sur ce blog. On se voit désormais deux semaines sur trois, je couds des rideaux aux fenêtres de sa cuisine et il claironne qu’il pourrait vivre avec moi toujours si ça se passait toujours comme ça. C’est un enfant dans sa tête, il faut lui pardonner. En vrai, je fais le ménage et la popote parce qu’il m’héberge et je sens que ce n’est pas bon signe. Nous avons un peu hésité avant de tenter ce rapprochement géographique, même en sachant que ce serait transitoire. J'en avais vraiment envie, mais je pressens que quand Johnny Boy dit certaines choses, il les dit pour s’en convaincre, pour s’engager à y croire ; ce sont des mots qui ne sont pas complètement vrais du coup, mais en devenir. Il commence une seconde relation avec Rebeca* qui va rester assez lointaine et finir sans faire de bruit.

En avril, on a beaucoup baisé et pas mal pêché. Ce sont les deux choses que j’aime le plus faire avec Johnny Boy. Par contre, le rythme de ses sorties, beuveries et festoiements est trop élevé pour moi, tout comme le coût psychologique d’un après-midi ouverture de la pêche avec que des hommes et des packs de bières... ça me va bien de ne pas le suivre partout mais il déplore ma morosité d'homme des casernes.

Up and down.

En mai, il parle de moi à sa mère et je REPRENDS SES OURLETS DE PANTALONS, je prends la confiance. Ma vie sociale se fond quasiment avec la sienne et on commence à se dire des « je t’aime » qui font un peu bizarres. Il pose un grand miroir dans sa chambre devant le lit, j’adore. Je suis exténuée par les trajets et on inaugure nos premières disputes domestiques parce que je suis devenue la faiseuse officielle de repas, de courses et de lessives. J’ai hâte de trouver ma petite maison dans les bois, mais Johnny Boy exprime des doutes quant à notre relation si je m’éloigne de lui. Il va jusqu’à saboter la connexion internet pour que je ne puisse pas m’adonner à mes recherches. Pas du tout paradoxalement c’est lui qui trouve cette petite maison dans les bois, à 3 minutes de son travail. En même temps, il me fait savoir combien il désapprouve ce mode de vie précaire.


Dans ma tête je suis noire, barbue, musclée et je n'ai besoin de personne.

En juin, il trouve que je suis « plus extraordinaire que chiante ». Moi je déplore qu’il n’y ait pas toujours du café dans les placards mais toujours la télé allumée pour s’endormir. Ça y est, on a atteint un niveau d’engagement assez énorme et on a tout d’un couple. On se sépare la première fois le 20 juin 2017, quand je suis confrontée à une panne de voiture et donc à des problèmes de garde. Depuis des mois, mon ex-mari refuse d’aider sur les trajets et/ou de modifier le mode de garde de notre fille, c’est un bras-de-fer où je me fais copieusement insulter. Je n’ai pas les moyens d’acheter une nouvelle voiture ni de payer tous les entretiens dont elle a besoin, je décide que jusqu’à nouvel ordre, je n’ai plus de voiture et que tout se fera en transports en commun. Je te raconte pas le tollé que ça a provoqué. Chez mon ex-mari, c’était prévisible, chez Johnny Boy je ne m’y attendais pas. Cette vérité me frappe de plein fouet : notre relation n’existe que parce que je fais ces bornes à gogo, ça va davantage le solliciter si je ne peux plus me déplacer aussi facilement (faut dire que le réseau de bus et de train dans le coin, c’est une blague). Ensuite je déteste ses manières paternalistes qui consistent à juger mon mode de vie et à mecspliquer comment je devrais plutôt m’y prendre. C’est la première fois que j’ai pensé « connard ! » à son sujet (et ça non plus ce n’était pas bon signe). À cela s’ajoute le fait que Chicorée et Johnny Boy sont comme chiens et chats et que j’apprécie moyennement de le voir mettre son grain de sel là-dedans. Je me fâche fort, on boude au moins deux ou trois heures. J’obtiens finalement gain de cause avec mon ex-mari (il accepte de se déplacer jusqu’à la gare) et je me rabiboche le soir-même avec Johnny Boy parce qu’il me dit je t’aime.

(19/6/17, 22:48)
Ce que tu aimes chez moi c’est que je sois chez toi, bim, comme par magie. Bah c’est fini. C’était pas magique c’était épuisant. Je suis fort deg. On verra demain ce qu’il en reste.

[… là une nuit passe puis on a une conversation téléphonique houleuse…]

(20/06/17, 9:55)
Me raisonner ! Faut dire que je suis si conne et je sais tellement pas diriger ma vie ! Si ce que je suis te pose (encore) problème on arrête !!!
J’essaie juste de t’arranger et de comprendre tes décisions hâtives. Oui si ça te saoule on arrête.
Hâtives ? Ça va peut-être un peu vite pour toi mais moi ça fait des années que j’y pense. Oui ça me saoule.
(10:03)
Allez salut.
(10 :16)
Ok… Je m’attendais à du soutien genre : « super chérie, c’est courageux comme décision » pas « tu te tires une balle dans le pied »
(13 :47)
J’ai le cœur en miettes. Allez-y mettez m’en plein la gueule on dirait que c’est open bar aujourd’hui.
(13:55)
Je t’arrose de mon soutien pour que les miettes se recollent. On s’appelle ce soir avant la percu.
Je suis pris en réunion cet aprem. Bisou

[… J’appelle Ma Chérie pour pleurer ma tristesse. Elle décide ensuite d’appeler Johnny Boy pour le ramener à la raison… il m’appelle mais je ne réponds pas…]

(18:40)
Mon wagon était vide mais je me suis faite plaquer aujourd’hui du coup je suis pas d’humeur.
(21:26)
Et bien c’est pas vrai. Espèce de hippy ronchon d’écolo, garagiste du dimanche (comme moi !)… Je t’aime ma chérie.

Dans la foulée, on baise pour la première fois sans capote et on part en vacances ensemble au Grau-du-Roy (baise, vacances, bébé et maison sont les 4 rituels principaux du couple hétéro en perdition).

Johnny Boy et moi sommes nés la même année, à 11 jours d'intervalle (lui le premier), nous fêtons nos anniversaires en mai et juin. Cette proximité temporelle se double d'une proximité culturelle qui a largement contribué à notre amitié ; on est des Hyppyes (des Hippies de la génération Y).

En juillet, j’ai beaucoup d’orgasmes et on teste la sodomie mais je n’ai toujours pas rencontré sa mère (la confusion des sentiments je vous dis).

En août, on se prend beaucoup la tête parce que je ne supporte plus de ne pas avoir de chez moi, mes rythmes, mon confort, on se quitte même une deuxième fois quand je pose mon état des lieux pour mon nouveau logement en plein milieu de ses vacances. Tu souviens ? J’ai pas de voiture à ce moment-là. Je me débrouille sans, j’aurais parfaitement pu me débrouiller sans lui mais voilà, ce fut l’une de ces fois où Johnny Boy a préféré dire non avant de dire oui. Il l’aurait sûrement fait et même j’en suis sûre vu qu’au final, la date a été déplacée hors de ses précieuses vacances. Il n’aime pas que je puisse compter sur lui et ça me fait fort chier. Cette fois, on met 5 jours à se retrouver. Alors que nous sommes fâchés il entame une troisième relation avec Gamila* à la faveur d’une murge, en mode plan cul de base sur lequel il n’a pas grand-chose à dire non plus et qui va durer quelques semaines avant qu’il n’y mette fin. Je commence à trouver étonnant qu’il n’adresse pas à lui-même les dures critiques qu’il adresse aux femmes de son entourage concernant leur sexualité ou leur comportement social.

En septembre, j’emménage dans mon vrai chez-moi. Johnny Boy monte ma bibliothèque dans mon salon mais on décide de moins se voir. Il me fait tout un laïus sur le fait que je ne veux pas m’engager, qu’il a peur que je le quitte à tout moment, que je n’ai pas de projets avec lui et que s’il croisait une fille plus motivée que moi, il me quitterait. Bon, j’ai pas compris j’avoue, ni sur le coup ni un an plus tard : depuis le début je n’arrête pas de poser des actes engageants, de plus en plus engageants et il n’aime pas ça. Je me suis dit alors que vivre un peu plus séparément pourrait être une solution, puisque la vie commune est un problème. La relation qu’il a avec ma fille devient carrément très mauvaise, je me résous à faire en sorte qu’ils se croisent le moins possible.

La lutte des sexes, c'est la pire chose qui puisse débarquer dans mon couple, j'ai été conçue pour y résister jusqu'à mon dernier soupir. Malheureusement, quand je détecte la présence de l'ennemi il est déjà tout près, dans mes bras, dans mon lit, partout dans ma vie. Les frontières entre zones libres et zones de danger deviennent floues et je sors tout mon arsenal défensif.

En octobre on se voit très peu, on cherche notre rythme.

En novembre, on joue à Fall Out, on s'offre des massages et on se mitonne des petits plats pour chauffer mon mobile-home. Il squatte presque tous les jours chez moi parce qu’il n’a plus de bois chez lui, je le trouve collant, très peu aidant et je le mets beaucoup à la porte. Il amorce une déprime saisonnière qui cohabite plutôt mal avec ma dépression karmique. Il foire aussi une quatrième relation, Armel*, à qui il reproche ses mœurs dissolues mais qui ne veut pas de lui. Là aussi, on n’en a pas assez discuté pour que je sache ce qui s’est passé : au lieu d’avoir son ressenti, j’ai surtout eu droit aux jugements qu’il émettait sur cette personne (sur ses mœurs festives et sexuelles notamment, qui ressemblent beaucoup aux siennes) et c’est là que j’ai commencé à penser que peut-être Johnny Boy était un macho tout à fait comme les autres. Il a immédiatement détesté être ça dans mes yeux.

En décembre, mes problèmes familiaux font un retour en force, je deviens une plaie béante saupoudrée de sel et je rencontre sa mère pour les fêtes de fin d’année. Je suis très agitée, lunatique, fatiguée, souvent malade et je tire à vue.

En janvier 2018, je chante I’m your lady mais je trouve qu’on lime trop. Ses valeurs machistes et racistes me sortent par les yeux. On se prend encore beaucoup la tête. On ne sait plus très bien pourquoi on est ensemble mais on aimerait bien que ça se passe mieux. On reste accrochés à cette idée de mieux qui ne viendra pas.

Je suis comme vous et moi, j'ai un petit cœur qui bat, des émotions sensibles et un romantisme hormonal que je peine à dominer.

En février, je lui fais regarder The Battle of the Sexes et une conférence de Patric Jean, Les hommes veulent-ils l’égalité ? Je pète un câble quand il rentre du boulot en demandant « Qu’est-ce qu’on mange ? » pour la 423e fois. Le sexe avec lui devient tyrannique : il compte les jours où on peut baiser sans capote et il trouve que je pinaille, il me baise en dormant et je ne sais plus quand j’ai envie et quand je n’ai pas envie.

Ce genre de propos féministes ne dérange pas foncièrement Johnny Boy, il est même plutôt d'accord, ce qui le dérange c'est que je voie un rapport avec lui... Il ne veut pas "prendre pour les autres".


***
LES QUESTIONS QUE JE ME TU TE POSES

Est-ce que je suis vraiment chiante ?

J’ai été élevée à l’école de la rage, fils. Je suis dans l’ensemble agréable à vivre (je crois) mais quand je ne suis pas sympathique, je ne le suis vraiment pas. Pour te donner un exemple de ma non-sympathie, je te propose de lire un échange salé-poivré que j’ai eu avec Johnny Boy : celui qu’on a eu après le 423e « Qu’est-ce qu’on mange ? ». Tu comprendras aussi comment il s’est mis à compter les jours de mon cycle pour cibler ceux on où peut baiser sans capote.

(17/2/18, 11:17)
Bonjour. Je t’ai répondu hier. Je veux bien en rediscuter et mettre à l’œuvre mes faiblesses. J’espère que tu vas mieux et que tu as bien dormi. Première grasse mat’ en me couchant tôt depuis longtemps. Bisou
(16:14)
Le moral bof. Pour le reste bah je demande à voir. J’ai pas l’intention de refaire ton éducation et je vois pas comment tu peux te transformer en ce que tu n’es pas. Tu me donnes le change tout le temps.
(21:49)
Vas-y, dis-moi des mots d’amour féministes stp. Je fais le jury comme dans The Voice (faut tout te dire putain)
(23:01)
Chatte nichon bite … ?
(23:22)
Vu que tu ne réponds pas c’est que tu as dû t’endormir. Alors on part sur une séance d’enlacement de nos corps au petit matin sous la couette encore toute chaude… Je te sens tout contre moi, à moitié endormis et plongés dans nos rêves… qui finissent par se réaliser entre nos cuisses. Sinon, si je suis à côté, bon p’tit déj !
(18/2/18, 5:42)
WTF ?? mots d’amour féministes c’est ça ? Y a une version sans ta bite ??? dont j’ai tellement rien à foutre en l’état de notre relation ? Chuis un humain en fait, pas une pute. La réponse était « je t’aime ma chérie, j’ai confiance en toi ». Merci mais vous êtes le maillon faible.
(9 :29)
C’est ça, chuis maillon faible.

(… quelques jours passent et je lui soumets un nouveau challenge…)

(20/2/18, 7:42)
J’ai eu mes règles hier. Petits exercices : sachant que le mois dernier elles ont commencé le 23 combien de temps a duré ce cycle ? Sachant que l’ovulation intervient 15 jours AVANT les règles et en partant du principe que le prochain cycle sera de même durée que le précédent, quand vais-je ovuler ? et enfin coloriez en jaune (ou rouge…) la première et dernière semaine de ce cycle, les moins propices à une grossesse. Vous avez 2 heures.
(8:37)
J’ai jamais retenu les règles en maths… Laisse-moi plus de 2 jours stp
(8:39)
Non :b
(8:40)
J’ai pas vu ça a mis jours au lieu de heures.
(8:41)
Et la marmotte elle plie le papier d’alu. Il te reste 1h20.
(8:42)
Bonjour aussi. Ça va, t’es déjà repartie sur ton calendrier maya ? Des bisous
(8:43)
Oui je suis dessus. Ça va et toi ?
(10:24)
Alors ton cycle a duré 28 jours, tu vas ovuler pour le weekend de la fête des mères. Les semaines les moins propices sont les 15 premiers jours de ton cycle. Ai-je bien saisi ? Pas sûr pour la fin. Y a qu’à essayer.
Sans tricher sur internet.
(10:30)
Pas mal, par contre les semaines les moins propices sont la première (maintenant) et la dernière (dans 3 semaines). Et sinon c’est DÉJÀ la fête des mères ???
(10:36)
Je pourrais aussi te demander des trucs comme :
- le SPM intervient 2 à 3 jours avant les règles : s’est-il passé quelque chose de particulier ce jour-là ?
- quand commencera le prochain SPM ? Mes prochaines règles ?
- Qu’est-ce que ça fait d’y penser pendant 2h alors que j’y passe le quart de ma vie ?
(17:49)
Oui on s’est engueulés. Tes prochains SPM débuteront 2-3 jours avant tes prochaines règles dans 28 jours environ. Ça me donne envie de devenir doc gynécologue !
(18:31)
Lol C’est pour que tu comprennes pourquoi on n’est jamais tranquilles les meufs. SPM = très fort risque d’engueulade. SPM / règles / ovulation, on est ovairebookées.
(21:02)
Oui mais même le reste. Je suis avec L. on va manger et oui je cuisine.
(21:04)
*salves d’applaudissements grandioses de 15 minutes*
(22:36)
*salve de remerciements* et vous comment c’était ?
(21/2/18, 7:49)
*c’était ironique* C’est normal de cuisiner en fait. Mais comme t’es un homme ÉVIDEMMENT c’est un prodige. Ta mère serait tellement fière de toi.
(16:48)
J’t’ai vexé ?

Au quotidien, il ne faut pas marcher sur mes plates-bandes ou essayer de me faire faire un truc que je ne veux pas faire. C’est sur le terrain du quotidien qu’il m’a trouvée la plus chiante. Imagine : lui demander de faire à manger, critiquer ses cunnilingus, gémir parce que la télé tourne encore et me réveille à 4h du matin, que des reproches de vieux couple qui agonise. Si je lui en veux, je mouds du sarcasme en grains très grossiers, l’œil torve et le silence lourd ; par contre si je me mets vraiment en colère, y a plus rien à faire que s’enfuir. Johnny Boy dit que c’est ce qu’il a fait. Un exemple de la forme que peut prendre ma colère ?

(28/4/18, 8:34)
En fait ça me fout carrément les glandes qu’un mec qui trouve que j’exagère quand je parle de la violence des hommes me dise que c’est hyperviolent d’entendre 3 reproches. C’est trop fifoukikoulol comme t’es fragile.
(8:43)
Tu trouves pas ça violent d’insister pour m’enculer / me doigter alors que j’ai dit plusieurs fois non ? De ne vivre que comme ça te plait chez moi ? De m’accuser de violence même alors que tu es un adulte et que tu sais ce qu’est la violence ? Tu trouves cool de comparer des sautes d’humeur à un truc qui tue ? Je t’ai pas tué ni frappé ni pourri c’est pas vrai. Que j’ai été désagréable, oui. Depuis le début on cherche la dose de vie commune qui va bien parce que ça frictionne. Je me souviens de tes mots : « si je te saoule tu me fous dehors et puis voilà » hier tu as même suggéré que je te traite de con pour résoudre un conflit. En vrai t’aime pas ça du tout.
(9:05)
Si tu le vois comme cela je comprends que je t’énerve. Pour moi c’est pas vraiment le sujet qui me gêne mais mon [ton ?] comportement. En fait si je te propose régulièrement nos pratiques c’est pour communiquer pour te faire plaisir. Je focalise pas sur ton cul. Pourquoi tu dis que je vis comme ça me plait chez toi ?
                                        
Sa dernière question m’a déposée en orbite stratosphérique, tu penses bien. Mon féminisme prend beaucoup de place dans ma vie, presque toute. Et là, je suis intransigeante aussi souvent que je peux l’être (parce qu’il m’arrive d’être faible aussi). Un dernier exemple pour la route :

(11/6/18)
Désolé mais dans le fond je te soutiens, pas pour la forme. Bisou.
Mon cul. Si c’était le cas tu comprendrais la forme.

Cela étant dit, est-ce que dire « mon cul » et penser « connard » c’est être chiante ? Je ne le pense pas.

Christopher Stoll

***

En mars, mon féminisme lui prend la tête. Je suis tourmentée, épidermique, mon anorexie est de retour parce que je commence à prendre des décisions importantes relativement à ma famille. Il exprime son soutien et des encouragements et m'aide à élaborer ma réflexion quand je suis volontaire et forte mais peine à en faire autant quand je vais mal (vraiment mal). Je le vois pour la première fois étendre une lessive chez moi.

En avril, on regarde ensemble Et au milieu coule une rivière, je chante Down to the river to pray mais rien n’y fait : rien ne va plus. Sa relation avec ma fille se complique encore et on se retrouve au bord de la rupture parce qu’il a toujours tendance à faire le forceur. Il sort de nouveau avec Armel et je lui reproche encore de me laisser dans le flou.

 
On a pataugé et on a souvent aimé ça. L'eau c'est le troisième personnage principal de notre histoire.

En mai, on jardine ensemble et je me lance dans un ramadan-shabbat qui consiste à ne rien entreprendre et à ne plus manger. C’est une grève doublée d’une grève de la faim pour faire plier la vie, qui m’exploite et m’humilie depuis trop longtemps (j’ai perdu). Rétrospectivement, je pourrais appeler cette période Les 30 Premiers Jours et les 30 Premières Nuits de la Grande Dépression. J’insiste sur le fait que c’est une décision que j’ai prise avec fermeté. Elle a largement niqué mon non-couple : ma « passivité » sociale emmerde Johnny Boy au plus haut point car elle transforme chaque jour en jour identique à la veille. Il a l’impression qu’il ne se passe rien, qu’on ne fait rien, à part manger, boire, baiser, sortir et se disputer. J’ai du mal à saisir ce qu’il pourrait y avoir de plus dans un couple qui refuse de s’engager, je crois qu’il trouve que c’est ennuyeux. Ma vie l’ennuie : pas de valorisation sociale, une tourmente familiale craignos et un féminisme invasif qui l’empêche de demander ce qu’on mange juste pour rire.

À ce stade, les dés sont jetés depuis un petit moment et on s’achemine doucement vers des frictions délétères. On a grimpé notre échelle de l’engagement, tout comme si on n’était un couple, sauf qu’on bloque sur un nombre de trucs trop important. Tout ce qu’on avait craint en commençant cette relation s’est réalisé. Si je regarde ma petite carte des relations sentimentales ci-contre, je vois bien qu'on a fait pas mal de chemin. Rétrospectivement, je dirais qu'en commençant notre histoire et quoi qu'on en disait alors, Johnny Boy envisageait les choses sous l'angle de l'anarchie amoureuse, c'est-à-dire qu'il avait des relations différentes avec chaque partenaire, sans forcément envisager d'en rendre compte aux unes et aux autres ou de les hiérarchiser entre elles ; tandis que de mon côté, je me complaisais doucement en mode relation non-exclusive solo, en m'imaginant me tenir à bonne distance d'engagement de mon partenaire. Puis nous sommes devenu un couple, encore une fois quoi qu'on en dise. Je préférais dire que j'étais sa régulière, la première, ça faisait moins couple... Nous voilà donc dans une relation non-exclusive hiérarchisée. Dans deux secondes ça va être encore plus compliqué parce qu'on va tenter la relation non-exclusive égalitaire.

Les tensions sont quasiment quotidiennes, je me sens incomprise, il essaie de bien faire mais je resserre toujours davantage la portée de mes attentes. Je ne lui pardonne plus le moindre faux-pas et mets en doute sa bonne volonté (qui est réelle mais pas aussi bonne que je l'attendais).

En juin, je gère ses lessives parce qu’il n’a plus de machine à laver et il entame une cinquième relation très différente des autres : Odile* lui plait vraiment, genre vraiment. Il s’y prend encore un peu tard mais il essaie de se rattraper en me faisant davantage partager cette nouvelle relation. Il m’explique qu’il prendra toujours un peu de délais pour me parler des choses parce que je suis ingérable s’il en parle par SMS. Je suis un peu étonnée (euphémisme pour dire dangereusement irascible) car on n’a encore jamais vu comment je réagis quand il est sincère, franc ou direct avec moi. De toute façon, j’en suis au point où le moindre souffle de vent m’éparpille, les chances que ça se passe bien sont de 0 (zéro). Il part en Croatie à la fin du mois, pour 10 jours pendant lesquels on ne communique quasiment pas.

Quand il rentre en juillet, il y a des choses qu’il n’avait pas osé me dire avant de partir et je rentre dans une colère assez furieuse. Il répète que plus il est avec moi et plus il m’aime, mais je n’arrive pas à y croire. Pas seulement parce qu’il ne partage pas ça, surtout parce qu’il ne partage pas le reste : il me confond avec une bonniche, s’enfuit quand j’ai des soucis, ne caresse pas mon corps, ne partage pas ma peine, ne me donne aucun coup de main avant d’avoir déjà dit « non », pour finalement trouver que lui et moi on ne s’engage pas assez. Il y a eu ce moment où je me suis dit que si l’amour de Johnny Boy c’était ça alors je n’en voulais pas. On se quitte le 20 juillet, et je pleure beaucoup. Nous revenons sur notre rupture une troisième fois quatre jours plus tard et là, les choses partent en vrille. Sa relation prend tellement de place et il en parle si peu que je suis rongée par le doute d’être la femme qu’il aime : je dois éviter leurs lieux de promenade, elle rencontre nos ami·es et voit d’un très mauvais œil la manière dont je « manipule » mon mec. C’est très vite pas ma copine. Johnny Boy essaie de communiquer, mais c’est vite contre-productif.

Le problème de l'amour, c'est sa transcendance : c'est un méta-état humain qui rend fol. Pas d'autre commentaire.

En août, j’en viens à vouloir court-circuiter Johnny Boy et faire ce qu’il n’a pas réussi à faire avec elle : mettre les choses à plat, parce que le mode guerre des cocues, ça a le don de m’insupporter super profondément.



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LES QUESTIONS QUE JE ME TU TE POSES

Hey, minute papillon, je n'ai pas déjà vécu un truc dans le genre, mais avec moi dans le mauvais rôle ?

Tu fais chier, si tu n’avais rien dit, je suis sûre que personne ne l’aurais remarqué. Oui, c’est vrai. Un jour, j’ai été soldate dans l’armée de la guerre des cocues, du côté des méchantes. Quand j’étais encore en amour avec Graindorge, mon ex-mari, nous sommes passés (entre autres avanies) par l’échangisme. J’y ai appris deux choses : 1) je me fiche que mon mec couche 2) en revanche je ne supporte pas qu’il en aime une autre. Ça paraît cohérent dans le cadre d’un mariage, non ? Bah y a pas de quoi être fière pour autant. Je l’ai marave la meuf, je l’ai pas bien traitée, j’en ai énormément voulu à mon mari et ça a contribué à notre séparation.

Ce moment où je me retrouve en concurrence avec une meuf aussi pimbêche que moi, celui où tu lâches ton mec pour lui laisser du large et qu’il t’explique qu’avec elle au moins, la fête est plus folle, c’est un mauvais moment, admettons-le. Ton estime de toi est sous le niveau de la mer, avec ta dignité et les cendres de tes illusions. La situation requiert beaucoup de doigté, d’empathie et d’écoute de la part de toustes les participant·es, à défaut tu peux prendre une pelle et commencer à fossoyer ton couple.

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Sa relation avec Johnny Boy est parfaitement légitime mais je ne pense pas qu’on puisse mutuellement exister si on ne communique pas, parce que Johnny Boy commence à servir de fusible entre nous deux. Tout d’abord elle refuse, puis elle accepte presque, puis elle accepte à moitié, puis elle accepte mais plus tard. Et puis finalement non, personne n’y croit, personne ne lâche rien, Johnny Boy a beau ménager la chèvre et le chou, c’est elle qui plaque Johnny Boy. Là, je t’avoue que plus personne ne s’amuse. Je suis forcée de voir que tout coince, qu’il vient encore de se faire larguer et que c’est encore parce que j’ai donné mon avis. Je jette définitivement l’éponge avec son accord enthousiaste, le 20 août : nous ne sommes plus ensemble, je ne veux plus rien attendre de lui. Je suis très en colère, il se sent très coupable, nous sommes séparés pourtant on continue de se voir. Ce que ça doit avoir changé, c’est qu’il n’a plus de comptes à me rendre. Sauf que c’est incompatible avec le fait d’avoir une relation avec moi. On va se revoir une fois (je crois lui rendre service), puis deux (il croit me faire plaisir), puis je vais me demander ce qu’il fait encore dans mon lit, si je ne suis plus avec lui ? Un gros chagrin s’installe sur ma poitrine et je me sens très en colère. Je commets une grosse bêtise : je lis tous les SMS qu’il a échangés avec Odile, pendant qu’il ronfle dans mon lit. C’était relativement conforme (mais pire) à ce qu’il m’en avait dit par ailleurs, mais ça m’a quand même révélé une chose : Johnny Boy me ment tout à fait depuis que nous n’avons plus d’engagement ensemble - il l’a revue la veille ce qui explique bien des choses. Il est dans mon lit sans pouvoir me faire l’amour parce qu’il se sent coupable. Ça a été notre dernier moment d’intimité.


Alors non, l’histoire ne se termine pas comme ça, tu as compris qu’il y a d’autres chapitres et il y a des choses qui méritent d’être observées de plus près. J’ai tendance à penser que le chapitre de la vie en commun, celui de notre engagement l’un pour l’autre est le plus important, mais le suivant est pas mal non plus : le chapitre de la liberté sexuelle.







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