Johnny Boy / Chacun.e garde une certaine liberté sexuelle...




Je n’ai pas eu beaucoup de contacts avec la vie sexuelle de Johnny Boy, à part celle que j’avais avec lui, je veux dire. J’aurais aimé pouvoir voir, connaître, estimer l’importance que cela avait pour lui mais ça n’a pas été possible. La seule chose que me donnait à voir Johnny Boy, c’est la vie qu’il avait avec moi. Il faisait toujours comme si les autres n’existaient pas. C’était faux pour elles : elles comptaient bien sûr ; et c’était faux pour moi : il n’y avait pas que moi qui comptait.

* les prénoms ont été astucieusement changés. Pour donner un petit air Choderlos de Laclos à tout ça, j'ai attribué aux dames des avatars de reines et de princesses, des princes pour les gars - des vrais cette fois.



II. Chacun·e garde une certaine liberté sexuelle

Elisabeth II le jour de son
couronnement, le 2 juin 1953
Rien que la formulation est casse-gueule, on frôle l’oxymore non ? La liberté sexuelle, c’est la seule chose qui a carburé de son côté, alors que je ne me suis moi-même pas beaucoup éclaté. Le cul, ça a eu pris de la place dans ma vie, mais c’est passé. Enfin… maintenant c’est surtout la bite qui m’occupe, c’est-à-dire le cul de mon partenaire. Depuis mon opération qui a vu partir un petit bout de mon utérus, la peur de collecter de nouvelles MST me rabaisse le mojo d’environ 75%. D’où le topo que j’ai fait à Johnny Boy quand on s’est mis ensemble : le cul ça compte, mais je veux pouvoir dormir sur mes deux oreilles. J’avais besoin d’une sexualité sereine et transparente. Libre, sereine et transparente. Après l’enfer de l’échangisme, le divorce, les plans culs, j’avais pris le temps d’y penser. Pour obtenir une sexualité libre, sereine et transparente, validée par ma Charte de Sécurité, il me semblait devoir exiger 3 conditions :

- c’est pas trop souvent : le turn over entre partenaires non-safe, c’est un cauchemar au carré pour moi.
- on se protège : capote, capote, capote, toujours, toujours, toujours.
- les choses sont dites : je sais, il sait, nos partenaires savent exactement de quoi il retourne.

Oh, t’as vu, ce sont les trois règles que j’ai imposées à Johnny Boy ?! Lui il était pour la liberté moi pour les limites. Et on a fait que ça pendant un an et demi : lui prendre des libertés et moi poser des limites. Il a noué une poignée (une poignée c’est 5) de relations plus ou moins abouties et suivies, dans des conditions qui sont l’exact contraire du safe (bourré en soirée 4 fois sur les 5), en m’en parlant fort tard (des semaines, des jours) et en étant trop parcimonieux sur les détails qui auraient éventuellement pu me mettre en confiance. Au bout d’un moment, il devenait clair que ma sexualité n’avait rien à faire avec la sienne.

***
LES QUESTIONS QUE JE ME TU TE POSES

Le sexe c’était bien avec Johnny Boy ?

On s’est bricolé quelques moments de transcendance, oui… Johnny Boy est très sexuel, très sensuel et c’est un assez bon amant mais je ne me suis pas toujours sentie en parfaite sécurité et ça s’est dégradé avec le temps. Au tout début, j’ai eu beaucoup de mal avec son regard qui me trouvait peu conforme à l’idée qu’il se faisait des femmes, notamment sur ma politique du poil et des vêtements. Ensuite c’est lui qui a eu des petites faiblesses qui le mettaient mal à l’aise : quand il a bu il bande mou, comme tout le monde sauf qu’il boit assez souvent. Je me suis promis de ne plus jamais dire le mot « impuissance » à un homme à moins que je ne veuille spécifiquement lui faire du mal. Après j’ai trouvé que je manquais cruellement d’amour buccal (alors que lui n’en manquait pas) et ensuite que ses cunnis étaient nuls, je ne m’endors pas d’habitude. Il faut bien comprendre que je récupère ma sexualité après 2 ans d’abstinence, c’est plus tout à fait comme avant, c’est un champion qu’il me fallait mais je l’ai pas trouvé déso. Sinon on baise bien, oui, et je me masturbe beaucoup aussi, j’ai un nombre assez incroyable d’orgasmes cette année-là, 4 à 5 par jour certaines périodes. J’adore sa bite, figure-toi, je la cajole bien mais à un moment je m’en veux de donner autant alors que je ne reçois pas ce qu’il me faut en retour : ça manque de caresses, de tendresse, de baisers, de câlins. J’ai tout le temps envie de ses bras mais je ne suis jamais dedans. Vers la fin de notre relation, ça va se compliquer encore : je ne peux pas vraiment refuser une baise, c’est lui qui compte quand on peut baiser sans capote alors qu’il n’y a clairement que moi qui fais ça. Ce gars qui ne parle qu’à demi des relations qu’il a par ailleurs exige que mon système de calcul soit uniformément appliqué et que j’arrête de « pinailler ». Ce sont des atteintes gravissimes à mon intégrité physique : je devrais toujours pouvoir dire « non ». D’autant que quand on baise trois fois par jour une semaine de suite, je fatigue, je mouille moins, je fais des copeaux et je prends beaucoup moins de plaisir. Mes rythmes ne sont pas respectés. Je flippe toujours sur mes papillomavirus, et ça, ça me nique le mojo. Bref, j’ai eu de la misère à me sentir belle, bonne et aimée et je ne crois pas que Johnny Boy l’ait capté deux secondes. J’ai exprimé ces ressentis moult fois, ça l’a étonné à chaque fois. Tout ça faisait beaucoup d’obstacles à une sexualité libre, sereine et transparente.

***


Luise von Baden -
Franz Xaver Winterhalter
(1856)
À peu près en même temps que moi, il rencontre Éliane, mais préfère ne pas m’en parler. Je me souviens bien des interférences que ça a provoqué (c’est une blague… je note certaines choses, c’est tout) : il devient un peu plus distant et il écarte les weekends pour se voir, mais mon embrouillomètre ne bronche pas. Il m’en parle trois semaines plus tard, en janvier 2017, parce que ça devient compliqué sans m’en parler : il doit la voir le lendemain mais il préfère passer la nuit avec moi, il ne peut mentir qu’à une seule d’entre nous… Note qu’il ne me le dit pas comme ça, il commence plutôt par m’en parler à demi-mot : il fréquente une autre fille. Bon. Je comprends rétrospectivement qu’il m’a embrouillée mais je le pardonne dans la foulée : n’importe quel bobard peut être réparé par l’énonciation de la vérité qu’il cachait, j’aime en être la preuve. C’est là qu’il fait une double très grossière erreur : il l’appelle pour décommander sa journée avec elle sous mes petits yeux et lui profère des gros bobards devant mes petites oreilles. Il lui ment et il fait ça devant moi. J’impactais pas encore vraiment que ça voulait dire qu’il ne lui avait pas parlé de moi, tout comme il ne m’avait pas parlé d’elle. Je pensais pas que c’était possible parce que c’était tout à fait le contraire du deal qu’on avait. Il a le droit de pécho et ce n’est pas un problème pour moi qu’il le fasse, par contre il a très peu de choses à en dire, il ne partage rien de ce qu’il vit avec elle. Ça me frustre mais je ne vais pas non plus lui tirer les vers du nez. J’ai la confirmation qu’il merdoie par pusillanimité dans les semaines suivantes, quand il me dissuade de me rendre à une soirée où elle se trouve : il a l’intention d’avoir une discussion avec elle, lui dire qu’elle ne doit pas s’attacher etc. ça me perturbe chouïa chouïa parce qu’il me le dit souvent à moi aussi. Je l’invite à s’incliner face à la seule réponse qui vaille : la vérité, tu penses bien, s’il ne l’a pas encore fait. Il a dû finir par le faire parce qu’elle l’a largué le jour suivant. Là, j’ai compris que Johnny Boy mentait pour garder ses conquêtes, cette femme aurait refusé de sortir avec lui en sachant qu’elle n’était pas la seule. Je me suis dit que c’était en cernant les problèmes qu’il finirait par les éviter, alors on a continué à aller plus avant (c’est un euphémisme pour dire se faire confiance).


*

Joséphine Éléonore Marie
Pauline de Gallard de
Brassac de Béarn, Princesse
de Broglie - Jean Auguste
Dominique Ingres (1853)
(Ici, il va rendre visite à son ex. Il est sorti un moment avec Naomi juste avant moi et l'a quittée parce qu’elle développait une maladie mentale. Enfin quand je dis quitter… il exprimait régulièrement la culpabilité de ne pas avoir fait les choses correctement et c’était un peu embêtant (c’est un euphémisme pour dire qu’il devait aller discuter dans sa voiture pour que je ne capte pas la conversation) pour lui parce qu’elle attendait toujours des explications. Je trouvais ça moyen qu’il la traite comme ça et j’ai trouvé normal qu’il aille la voir. Johnny Boy a un problème avec le téléphone, il n’arrive pas à dire la vérité dedans. J’aurais rien trouvé à redire qu’il fasse mieux, qu’il la garde, qu’il la traite bien ou qu’il couche avec mais il m’a juré rien de tout ça. Quand il est revenu c’était fini.)


*

Portrait de Joachim
Napoléon Murat, roi de
Naples et des deux
Siciles - Baron François-
Pascal- Simon Gérard
(XIXe)
Ensuite, ça a été mon tour, en mars 2017 : mon amant parisien est de passage près de chez moi, l’occasion à ne pas manquer. Bien sûr, Johnny Boy connaît déjà son existence, il sait de quoi il retourne et il sait ce qui va se passer une semaine avant que ça se passe. Je suis à l’écoute de ses angoisses, je réponds à ses nombreuses questions. C’est bien délimité dans le temps (une nuit), c’est clair pour tout le monde, je reste dispo avant, pendant, après, bref, un vrai moment de pédagogie. Selon les propres mots de Johnny Boy, ce fut pour lui facile et indolore. Pourtant ça n’a pas été parfaitement « réussi », parce qu’au final, j’ai merdé dans mon agenda et je me rends compte que la rencontre est le jour-même en me levant insouciamment fort tard le 3 mars. C’est un peu la cata, je peux pas voir mon amant sans passer deux heures dans une salle de bain avant ni sans faire garder ma fille ni sans prévenir Johnny Boy. Je confie à Ma Chérie ma fille Chicorée et le soin de prévenir ledit et je saute dans ma voiture. Tu as vu, je ne le préviens pas tout exprès, sachant qu’il sera vite informé néanmoins, d’abord parce que j’ai un peu honte d’avoir chié sur le jour de rendez-vous et puis aussi parce qu’il le mérite bien. Je m’envole insouciamment vers ma rencontre de la nuit. À 23h, Johnny Boy a croisé Ma Chérie et Chicorée à la soirée où ils devaient se retrouver, il sait où je me trouve et commence à me textoter - je suis en train de baiser. Je te laisse juger de son niveau d’angoisse, léger mais réel. Oui, ce gars qui donne des nouvelles après 3 semaines en demande in vivo. Je juge pas (d’ailleurs je prends le temps de répondre…), juste je trouve ça paradoxal.

(3/3/17, 23:06)
… donc du coup demain tu peux m’aider à déménager… !!! J’ai les pieds palmés à cause de ta fille ! Et elle m’interdit de draguer ouais super
(23:48)
Ouaip :) Tu as appelé Ma Chérie, donc tu sais où je me trouve ! Pourquoi les pieds palmés ?? Et comment ça elle t’interdit de draguer ???
(4/3/17, 0:04)
Ah non je pige, tu es avec elle :) mais je pige pas pour les pieds palmés
Ta fille me marchait sur les pieds toute la soirée ! Blague
(… ici un échange sur la gestion du sommeil de ma fille maintenant couchée…)
(0:34)
Ok à demain alors ?
(0:54)
Tu dors ?
(0:55)
Non…
(1:04)
Mais tu peux pas répondre… ?! Pas de soucis. Bisous. Tu viens quand tu veux sachant que l’on est bon pour le déménagement.


*

Portrait of Princess Zinaida
Nikolaevna Yusupova -
Konstantin Makovsky
Pour sa seconde histoire, toujours en mars 2017, Johnny Boy a encore hésité à m’en parler, mais juste une semaine. Il dit qu’il s’est fait draguer par Rebeca et qu’il aimerait bien la revoir. J’applaudis des deux mains. Il a mis correctement les choses à plat avec elle, on discute ensuite de leur rencontre de manière détendue, il est capable de me dire quand il la reverra et pas seulement quand ça se télescope dans nos emplois du temps, ça a l’air de bien se passer entre eux… ça dure quelques mois très discrètement et puis je n’en entends plus parler du tout. Ce n’est qu’il n’y a quelques semaines que j’en ai discuté avec elle : elle tombait amoureuse de Johnny Boy et a préféré s’écarter.


*

Portrait du roi Georges III
en habits de couronnement
- Allan Ramsay (1775)
Là, j’ai un gars dans le viseur (et je suis pile dans le sien) mais je ne passe pas à l’action : j’ai trop de signes d’alerte qui me font penser que le gars ne s’insérera pas facilement dans notre configuration amoureuse (genre de signes d’alerte : c’est un pote, c’est le mec d’une pote et je ne parierais pas sur leur tendance à la non-exclusivité à toustes les deux). Je renonce des mois plus tard quand il me pose un lapin sur un rendez-vous qu’il m’a donné.


*

Portrait d'Isabel II -
Atelier de Federico
de Madrazo (XIXe)
En août, Johnny Boy fait une troisième rencontre alors que nous sommes un peu brouillés : Gamila. Il m’en parle trois jours après avoir couché avec elle bourré, à l’arrière de son camion à la fin d’une soirée. Apparemment, ça l’a tellement perturbé qu’il a choisi le silence radio pendant trois jours, puis il m’a emmenée au restaurant avec ma fille et m’a annoncé la nouvelle pendant que Chicorée était aux toilettes. Là, j’ai vraiment commencé à me dire qu’il avait des manières de malotru et pas du tout de Prince Charmant. Et c’est là que lui a commencé à confondre mes réactions quand il me parle de ses copines et mes réactions quand il me parle de ses copines dans une situation de bâtard. Ensuite, il la revoit quelques fois et je commence à tiquer sur le fait qu’il ne m’appelle jamais les lendemains de baise. Je n’en entends plus trop parler jusqu’à ce qu’il décide d’arrêter sa relation avec elle en septembre.


*

Portrait de la princesse
Louise-Hippolyte de Monaco
- Jean-Baptiste van Loo
(1712)
Sa quatrième relation avec Armel, en novembre, ne va guère plus loin. C’est elle qui lui a mis deux râteaux juste avant qu’on ne sorte ensemble. Je suis encore tenue au courant quand les choses sont faites, je commence à être franchement irritée et triste et déçue et énervée de son comportement. C’est à partir de là qu’il commence à considérer ce besoin que j’ai de savoir ce qui lui arrive comme de la jalousie. Leur relation refait surface en avril, mais la seule chose que je sais c’est que ça ne se passe pas très bien. J’exprime (again) mon ressenti face à son insincérité, au fait d’apprendre des trucs périmés ou de discuter de ces choses-là comme si elles étaient sales et honteuses.


*

Prince Philip Emmanuel
de Savoie - Juan Pantoja
de la Cruz (1604)
En avril 2018, je sens que j’ai un gros petit faible pour un gars, je lance le protocole habituel trekking_PrincessesDisney_FBI. Les pronostics sont merdiques (c’est un ami de Johnny Boy, on sent le romantisme dans chaque note de sa voix et j’ai l’impression qu’il traine un truc très lourd que je ne peux pas porter), je cale l’affaire juste avant qu’il ne se mette en couple.


*

Princesse Henri-Amédée
de Broglie - Carolus Duran
(1881)
En juin, enfin, le lendemain de mes 34 ans, il est dragué par Odile, qui lui plait bien. Il m’en parle le lendemain, mais il n’est vraiment pas à l’aise. Nos relations sont tendues en ce moment et il organise rapidement sa vie sociale avec elle plutôt qu’avec moi. Il passe avec elle sa dernière soirée avant de partir en Croatie et quand il rentre en juillet, il m’explique qu’il a oublié de me dire qu’elle est en stage dans le coin ce mois-ci et qu’il a proposé de l’héberger 3 jours par semaine et aussi de passer ce weekend avec elle. Il a même la confiance d’affirmer qu’il préfère ne pas me faire l’amour, pour pouvoir assurer. Je suis estomaquée mais toujours pas censée être jalouse. Notre relation se dégrade depuis des mois, il tente quelques efforts de communication mais c’est toujours raté parce que c’est toujours trop tard. On se quitte, on se rabiboche, mais dans l’intervalle, Odile lui a proposé la botte et moi j’en suis venue à l’idée que peut-être, ce serait bien que Johnny Boy puissent profiter d’autre chose que de plans cul qui foirent : il réclame des relations amoureuses épanouissantes. Je le lui concède : je lève la règle du « pas trop souvent » mais je me cramponne plus que jamais à celle qui dit « à condition d’en parler ». À ce moment-là, nous parlons beaucoup, mais c’est de la négociation quasi hostile, c’est usant. Il organise maintenant ses weekends avec elle mais la vapeur s’inverse : c’est elle qui ne veux plus entendre parler de moi. Ça devient épique quand nos intentions de squatter la même plage se croisent un après-midi, elle et lui, ma fille et moi. Ça me fait chier de devoir naviguer entre ses sorties et me priver des miennes pour l’éviter, et surtout : comment on fait sans communiquer ? Ça pue sérieusement du cul non ? Je ne vivrai pas dans votre monde de cocus, qu’on se le dise, j’ai éprouvé le besoin de normaliser nos relations de trouple et j’ai posé un ultimatum à Johnny Boy (bon, alors, vous saurez qu’un ultimatum c’est à peu près 0 sur l’échelle de la diplomatie, hein, on l’oublie souvent) : soit on en parle à 3 et on se reconnait mutuellement pour vivre en bonne intelligence, soit je dis niet. Niet c’était soit tu la quittes soit je te quitte, un truc finaud… Je n’ai pas eu la teneur de leur discussion mais ils ont rompu là-dessus… avant de se récupérer, c’est bon, chialez pas. Aujourd’hui, quand il parle de cet épisode, il dit qu’il l’a quittée pour moi. J’ai pas trouvé ça fair play non plus de lui demander un truc pareil si tu veux savoir, c’est tout à fait contraire à l’idée que je me fais de l’amour libre et je l’ai encouragé à rafistoler leur truc mais je n’ai pas bougé d’un iota de mes positions. Au début, ça a eu l’air de marcher : lors de leur discussion de sauvetage le 10 août, on est allés jusqu’à discuter à 3 par messages interposés. Il en ressort qu’ils ne doivent pas se revoir avant le mois de septembre, et que nous aurons une discussion d’ici là. Ça me calme, forcément, mais je n’y crois pas, je le sens pas du tout. D’ailleurs je ne suis pas la seule à le penser, ils proposent une semaine plus tard de s’organiser une soirée entre eux le 23 et de se voir plutôt après, le 27, parce qu’elle est certaine qu’ensuite, elle ne le verra plus. Je n’en démords pas (et même je sers très fort les dents), il en fait beaucoup pour me convaincre - il me propose de lire leurs SMS, je refuse et je regrette en même temps - il ne lui répond pas et il se fait re-larguer, cette fois par elle. Nous rompons dans la foulée. Les derniers soubresauts sont pénibles : on se revoit quelques fois par faiblesse mais son comportement, la facilité avec laquelle il s’est détaché et le dédain avec lequel il me traite me blasent profondément. Je m’octroie le droit de lire ses échanges avec Odile et ça achève de me convaincre : les mœurs de Johnny Boy tournent à la poudre de perlimpinpin : j’ai vécu avec lui l’expérience du chat de Schrödinger. Johnny Boy est un objet quantique dont on ne peut pas déterminer la position exacte, parce qu'il promet d'être là un peu partout.


***
LES QUESTIONS QUE JE ME TU TE POSES

Johnny Boy m’a tout l’air d’être menteur, lâche, excessivement centré sur lui-même et presqu’idiot, qu’est-ce que j’ai fait avec ?

Très bonne question, en même temps, c’est un homme, il faut relativiser, il peut pas être aussi bien qu’une meuf.

Sans rire, ce n’est pas la faute de Johnny Boy, c’est la mienne ; c’est une question d’habituation, de répétition et de fragilité personnelle.

Ma fragilité perso, c’est de vouloir être aimée par un homme sauf que mon esprit associe irrémédiablement un homme à sa bite (qui est à la fois son cœur et son cerveau). J’en parlerais à mon frère qui m’a abusée et à mes parents qui l’ont laissé faire si vous voulez ? Toujours est-il que je suis quasiment certaine que je laisse aux mecs leur liberté sexuelle et que je pardonne leurs écarts pour pas qu’ils me quittent, pour leur faire plaisir. Ça marche pas.

Et ça se répète parce que c’est ma boucle à moi. Je me suis à peu près systématiquement retrouvée avec des hommes qui ne me respectaient pas, sexuellement notamment. Avec Johnny Boy, j’ai essayé de réparer ça, parce que je l’avais vaguement repérée, cette répétition. Je me suis dit que cette fois, il y aurait des règles, que j’aurais des limites. On a joué à cloche-pied par-dessus pendant deux ans.

Parce qu’on s’habitue, hein. Il n’a pas joué les gros cons tout de suite, tu te doutes. Il y a eu des signes immédiats de sa lâcheté et de sa propension au mensonge mais j’ai fait comme tout le monde : je lui ai laissé une chance. Puis deux. Puis cinq. Il a fait de menus efforts, il a parlé de « calage », il avait tout à apprendre. C’est en laissant faire comme ça la toute première fois quand j’avais 11 ans que je me suis habituée à laisser faire jusqu’à aujourd’hui. Je peux encore tomber dans le panneau mille fois si je n’arrive pas à enrayer ce cycle de la relation violante.

***

Charles, Prince de Galles.

Aujourd’hui il est - ou il n’est pas - avec Odile. Il revoit Gamila et Rebeca « parce que c’est facile ». Il dit que maintenant il utilise ce qu’il a appris avec moi pour driver ses relations (la frontière entre l’humour et la malhonnêteté est franchie plusieurs fois dans cette phrase). Ce qui me frappe aussi dans cette succession de relations, c’est l’absence d’un truc qui devrait être partout : le plaisir. La joie du sexe, tu sais ? Le fait de se sentir séduisant·e parce qu’on s’est fait draguer, qu’on commence une nouvelle relation, de parler de choses coquines, de se découvrir des appétits qu’on ne connaissait pas etc. Ça a été totalement absent de notre expérience d’amour libre, essentiellement parce que Johnny Boy préférait qu’on n’en parle pas.

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