La plus belle histoire des femmes - Sylviane Agacinski, Nicole Bacharan, Françoise Héritier et Michelle Perrot (2)



[…] Mais en plus, les femmes donnent du plaisir aux hommes. Dans certaines sociétés - par exemple, en Grèce, au Japon, en Inde, dans le judaïsme ancien – ces différentes fonctions étaient même réparties dans plusieurs corps de femmes. Dans le rapport conjugal, il s’agissait juste de faire des enfants, et d’autres femmes étaient chargées de procurer du plaisir – les enfants que ces dernières mettaient au monde n’étaient d’ailleurs pas légitimes. Dans la Grèce classique, auprès du citoyen, on trouve l’épouse, qui reste dans le gynécée, que l’on respecte, avec qui l’on a des rapports sexuels pour avoir des fils, rien de plus. Puis il y a la concubine, qui vit au foyer et assure le confort domestique, s’occupe des plaisirs de la vie quotidienne, de la nourriture, du linge. Les loisirs plus sophistiqués, sexuels et intellectuels, sont le domaine de l’hétaïre. Elle ne fait pas de travaux domestiques, elle accompagne les hommes aux banquets, discute philosophie et, éventuellement, couche avec eux. A côté de l’hétaïre, il peut aussi y avoir la prostituée proprement dite, réservée au plaisir sexuel, et avec qui on n’a pas de joutes intellectuelles. 
- Cela fait beaucoup de femmes au service d’un seul homme… Avez-vous observé cette dissociation des rôles attribués aux femmes dans de nombreuses sociétés archaïques ? 
- Non. Dans la plupart des sociétés, ces rôles ne sont pas dissociés. L’homme use de son épouse à la fois comme mère de ses fils, pourvoyeuse de confort, travailleuse et source de plaisir sexuel ! 
- Mais, quelle que soit la formule adoptée par les diverses sociétés anciennes, le corps des femmes appartient aux hommes, il n’a d’autre fonction que de satisfaire leur divers besoins… 
- Il faut bien comprendre que la prohibition de l’inceste et le fait que les rapports sexuels procurent à la fois des fils et du plaisir ont des implications très fortes. Cela veut dire que tout homme a théoriquement le droit de prendre n’importe quelle femme, toutes lui sont offertes, sauf celles qui sont déjà appropriées et sous la sauvegarde d’un autre homme.Une femme qui n’est pas protégée, elle est à prendre. La pulsion masculine est toujours considérée comme licite, toujours légitime, elle a le droit d’être. C’est ce que j’appelle « la licéité absolue de la pulsion masculine ». 
- Cette pulsion a toujours été vue ainsi : licite et irrépressible ? 
- Oui, c’est le modèle archaïque dominant qui nous vient de nos ancêtres, et dont nous ne sommes pas sortis. Cette licéité de la pulsion masculine n’est jamais remise en question. La pulsion est considérée comme un fait naturel, mais uniquement masculin. Il faut des femmes pour la satisfaire, séance tenante. La libido féminine, au contraire, a toujours été sévèrement contrôlée. Dans la plupart des sociétés il fallait que les filles arrivent vierges au mariage, et ensuite elles devaient être fidèles à leur époux, l’adultère étant sévèrement puni.  

Le mariage est un contrat d’exclusivité sexuel dans ce seul sens.
        




La plus belle histoire des femmes, par Françoise Héritier, Michelle Perrot, Sylviane Agacinski et Nicole Bacharan, éditions du Seuil, mai 2011.

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