La Reine des Neiges - Hans Christian Andersen (1844) / Cinquième Histoire


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CINQUIEME HISTOIRE
LA PETITE FILLE DES BRIGANDS


On roulait à travers la sombre forêt et le carrosse luisait comme un flambeau. Des brigands qui se trouvaient là en eurent les yeux blessés, ils ne pouvaient le supporter.

- De l'or ! de l'or ! criaient-ils.

S'élançant à la tête des chevaux, ils massacrèrent les petits postillons, le cocher et les valets et tirèrent la petite Gerda hors de la voiture.

- Elle est grassouillette, elle est mignonne et nourrie d'amandes, dit la vieille brigande qui avait une longue barbe broussailleuse et des sourcils qui lui tombaient sur les yeux. C'est joli comme un petit agneau gras, ce sera délicieux à manger.

Elle tira son grand couteau et il luisait d'une façon terrifiante.


- Aie ! criait en même temps cette mégère.

Sa propre petite fille qu'elle portait sur le dos et qui était sauvage et mal élevée à souhait, venait de la mordre à l'oreille.

- Sale petite ! fit la mère.

Elle n'eut pas le temps de tuer Gerda, sa petite fille lui dit :

- Elle jouera avec moi, qu'elle me donne son manchon, sa jolie robe et je la laisserai coucher dans mon lit.

Elle mordit de nouveau sa mère qui se débattait et se tournait de tous les côtés. Les brigands riaient.

- Voyez comme elle danse avec sa petite !
- Je veux monter dans le carrosse, dit la petite fille des brigands.

Et il fallut en passer par où elle voulait, elle était si gâtée et si difficile. Elle s'assit auprès de Gerda et la voiture repartit par-dessus les souches et les broussailles plus profondément encore dans la forêt. La fille des brigands était de la taille de Gerda mais plus forte, plus large d'épaules, elle avait le teint sombre et des yeux noirs presque tristes. Elle prit Gerda par la taille, disant :

- Ils ne te tueront pas tant que je ne serai pas fâchée avec toi. Tu es sûrement une princesse.
- Non, répondit Gerda.

Et elle lui raconta tout ce qui lui était arrivé et combien elle aimait le petit Kay.

La fille des brigands la regardait d'un air sérieux, elle fit un signe de la tête.

Elle essuya les yeux de Gerda et mit ses deux mains dans le manchon. Qu'il était doux !

Le carrosse s'arrêta, elles étaient au milieu de la cour d'un château de brigands, tout lézardé du haut en bas, des corbeaux, des corneilles s'envolaient de tous les trous et les grands bouledogues, qui avaient chacun l'air capable d'avaler un homme, bondissaient mais n'aboyaient pas, cela leur était défendu.

Dans la grande vieille salle noire de suie, brûlait sur le dallage de pierres un grand feu, la fumée montait vers le plafond et cherchait une issue, une grande marmite de soupe bouillait et sur des broches rôtissaient lièvres et lapins.

- Tu vas dormir avec moi et tous mes petits animaux préférés ! dit la fille des brigands.
Après avoir bu et mangé elles allèrent dans un coin où il y avait de la paille et des couvertures. Au-dessus, sur des lattes et des barreaux se tenaient une centaine de pigeons qui avaient tous l'air de dormir mais ils tournèrent un peu la tête à l'arrivée des fillettes.
- Ils sont tous à moi, dit la petite fille des brigands.

Elle attrapa un des plus proches, le tint par les pattes.

- Embrasse-le ! cria-t-elle en le claquant à la figure de Gerda.
- Et voilà toutes les canailles de la forêt, continua-t-elle, en montrant une quantité de barreaux masquant un trou très haut dans le mur.
- Ce sont les canailles de la forêt, ces deux-là, ils s'envolent tout de suite si on ne les enferme pas bien. Et voici le plus chéri, mon vieux Bée !

Elle tira par une corne un renne qui portait un anneau de cuivre poli autour du cou et qui était attaché.

- Il faut aussi l'avoir à la chaîne celui-là, sans quoi il bondit et s'en va. Tous les soirs je lui caresse le cou avec mon couteau aiguisé, il en a une peur terrible, ajouta-t-elle.

Elle prit un couteau dans une fente du mur et le fit glisser sur le cou du pauvre renne qui ruait, mais la fille des brigands ne faisait qu'en rire. Elle entraîna Gerda vers le lit.

- Est-ce que tu le gardes près de toi pour dormir ? demanda Gerda.
- Je dors toujours avec un couteau, dit la fille des brigands. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Mais répète-moi ce que tu me racontais de Kay.

Tandis que la petite Gerda racontait, les pigeons de la forêt roucoulaient là- haut dans leur cage, les autres pigeons dormaient. La fille des brigands dormait et ronflait, une main passée autour du cou de Gerda et le couteau dans l'autre, mais Gerda ne put fermer l'œil, ne sachant si elle allait vivre ou mourir.

Alors, les pigeons de la forêt dirent :

- Crouou ! Crouou ! nous avons vu le petit Kay. Une poule blanche portait son traîneau, lui était assis dans celui de la Reine des Neiges, qui volait bas au-dessus de la forêt, nous étions dans notre nid, la Reine a soufflé sur tous les jeunes et tous sont morts, sauf nous deux. Crouou ! Crouou !
- Que dites-vous là-haut ? cria Gerda. Où la Reine des Neiges est-elle partie ?
- Elle allait sûrement vers la Laponie où il y a toujours de la neige et de la glace. Demande au renne qui est attaché à la corde.
- Il y a de glace et de la neige, c'est agréable et bon, dit le renne. Là, on peut sauter, libre, dans les grandes plaines brillantes, c'est là que la Reine des Neiges a sa tente d'été, mais son véritable château est près du pôle Nord, sur une île appelée Spitzberg.
- Oh ! mon Kay, mon petit Kay, soupira Gerda.
- Si tu ne te tiens pas tranquille, dit la fille des brigands à demi réveillée, je te plante le couteau dans le ventre.

Au matin Gerda raconta à la fillette ce que les pigeons, le renne, lui avaient dit et la fille des brigands avait un air très sérieux, elle disait :

- Ça m'est égal ! ça m'est égal !
- Sais-tu où est la Laponie ? demanda-t-elle au renne.
- Qui pourrait le savoir mieux que moi, répondit l'animal dont les yeux étincelèrent. C'est là que je suis né, que j'ai joué et bondi sur les champs enneigés.
- Ecoute, dit la fille des brigands à Gerda, tu vois que maintenant tous les hommes sont partis, la mère est toujours là et elle restera, mais bientôt elle va se mettre à boire à même cette grande bouteille là-bas et elle se paiera ensuite un petit somme supplémentaire - alors je ferai quelque chose pour toi.

Lorsque la mère eut bu la bouteille et se fut rendormie, la fille des brigands alla vers le renne et lui dit :

- Cela m'aurait amusé de te chatouiller encore souvent le cou avec mon couteau aiguisé car tu es si amusant quand tu as peur, mais tant pis, je vais te détacher et t'aider à sortir pour que tu puisses courir jusqu'en Laponie mais il faudra prendre tes jambes à ton cou et m'apporter cette petite fille au château de la Reine des Neiges où est son camarade de jeu. Tu as sûrement entendu ce qu'elle a raconté, elle parlait assez fort et tu es toujours à écouter.
Le renne sauta en l'air de joie. La fille des brigands souleva Gerda et prit la précaution de l'attacher fermement sur le dos de la bête, elle la fit même asseoir sur un petit coussin.
- Ça m'est égal, dit-elle. Prends tes bottines fourrées car il fera froid, mais le manchon je le garde, il est trop joli. Et comme je ne veux pas que tu aies froid, voilà les immense moufles de ma mère, elles te monteront jusqu'au coude - fourre-moi tes mains là-dedans. Et voilà, par les mains tu ressembles à mon affreuse mère.

Gerda pleurait de joie.

- Assez de pleurnicheries, je n'aime pas ça, tu devrais avoir l'air contente au contraire, voilà deux pains et un jambon, tu ne souffriras pas de la faim.

Elle attacha les deux choses sur le renne, ouvrit la porte, enferma les grands chiens, puis elle coupa avec son couteau la corde du renne et lui dit :

-Va maintenant, cours, mais fais bien attention à la petite fille.

Gerda tendit ses mains gantées des immenses moufles vers la fille des brigands pour dire adieu et le renne détala par-dessus les buissons et les souches, à travers la grande forêt par les marais et par la steppe, il courait tant qu'il pouvait. Les loups hurlaient, les corbeaux croassaient. Le ciel faisait pfut ! pfut ! comme s'il éternuait rouge.

- C'est la chère vieille aurore boréale, dit le renne, regarde cette lumière !

Et il courait, il courait, de jour et de nuit.

On mangea les pains, et le jambon aussi. Et ils arrivèrent en Laponie.



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