Le Rêve



Elle ouvre les yeux.

Elle remarque tout de suite que le plafond est d’un rose sucré délicat alors que d’habitude il est tout simplement blanc. Elle écarquille les yeux pour faire le point, mais rien n’y fait : le plafond est vraiment d’aspect cotonneux.

Elle tourne le regard sur sa droite, sur sa gauche. Elle n’est pas du tout dans sa chambre. Pourtant, elle reste très calme. Les lieux n’ont rien d’inquiétants ; il n’y a rien.

À l’instant où elle pense cela, une petite porte apparaît, là-bas, à une juste distance. Une petite porte d’un bois  aux reflets de chêne dorés, tendres. Une jolie petite porte. Elle s’approche – était-elle couchée pour être à présent debout ?

Comme elle s’approche de la porte, bien entendu celle-ci grossit, et quand elle arrive devant, elle est tout à fait à sa taille, et pas trop imposante non plus.

 La poignée est ouvragée, d’un laiton mielleux. Depuis tout à l’heure, elle a envie de lécher tout ce qu’elle voit, parce que ça a l’air bon. Les murs, très, très loin là-bas, ont bien l’air d’être en barbe-à-papa. Bien sûr, la porte de bois tendre ne se trouve pas sur les murs en barbe-à-papa, cela ne tiendrait pas. Tout est bien fait, ici.

Elle pose la main sur la poignée, elle est chaude, un tout petit peu plus que l’air ambiant, qui lui permet d’être nue sans même s’en rendre compte. L’air est chaud, lumineux, très pur. Quand elle pousse le battant de la porte, une brise encore plus tiède, comme l’haleine d’un gigantesque chaudoudoux, lui indique qu’elle a ouvert la bonne porte…

Chouette, un rêve, et je viens de passer la bonne porte, bordel de dieu, c’est génial.

Le courant d’ait se transforme en bourrasque compacte, prenant alternativement la consistance du tapioca, du duvet d’oie et enfin d’un tapis volant en pilou, qui vient se glisser, malicieux, entre ses jambes, tourbillonnant le long du galbe de ses mollets, de ses cuisses, lui écarte les jambes et la hisse sur son dos rond pour l’emmener voyager.

Elle s’allonge à plat ventre sur cette vague moelleuse et se laisse porter au gré de ce vent. Elle s’élève, s’élève, au-dessus de collines tantôt duveteuses, tantôt épilées, un téton érigé ou un anus discret venant parfois ajouter un peu de piment au paysage. On dirait un peu la carte du tendre, le sol sous elle parait tout à fait de peau, souple, à la musculature harmonieuse, la respiration du monde bat calmement, tandis que des effluves de sein émanent d’entre les replis des collines les plus nues.

Elle se demande où elle va, doucement. Elle n’est pas pressée de répondre à cette question et de toute façon, le vent n’en fait qu’à sa tête, la menant parfois haut, pour la lâcher tout à fait, de temps en temps, et la reprendre après une chute légère, dans un souffle. De telle sorte qu’après un moment, elle connaît le paysage par cœur. La lumière y est rose et tamisée, elle devine que c’est la nuit malgré la lueur qui vient du ciel et qui éclaire le pays en dessous. Elle sait que c’est la nuit parce qu’en se penchant un peu au bord de sa carpette en volutes, elle voit que des amants font l’amour sous les arbres, entre les collines.

Du coup, elle passe cul par-dessus tête et par-dessus bord et tombe au pied d’un monsieur qui n’avait justement personne avec qui danser, ce soir. Elle est tombée sur une mousse douce, d’une drôle de couleur oscillant entre le vert et le fuschia, du coup il a juste à donner son prénom et à lui demander le sien pour que toutes les conditions soient réunies pour passer à la vitesse supérieure.

Il lui sert une tisane – jasmin et hibiscus – qu’elle boit d’une seule main pendant qu’il lui lèche les lèvres aussi délicatement que s’il s’agissait de porcelaine. Il fait ça très bien, d’abord l’apex  titille le clitoris avant de naviguer dans les vallées de ses grandes lèves, puis sur leur crête. Enfin, il en explore les faces internes, avant de tendre du mieux qu’il peut vers le fond de cette cavité à la texture gingivale.

Puis, après une étape au point culminant de son Mont de Vénus, dans le creux de son nombril,  sur son chakra solaire puis aux extrémités de ses seins dans un mouvement d’oscillation de sa tête, il fait pareille dans sa bouche.

Elle remarque alors que le ventre sous eux prend beaucoup de plaisir à ce qu’ils font, ça les fait valser et onduler et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, sa tige de jade a pénétré sa grotte de satin en fibre de lotus. Les couples, les trios et les gang-bangs autours d’eux se sont doucement rapprochés, comme on apprivoise un renard, un peu plus près chaque jour, pour se tenir chaud et se faire de nouveaux amis. Pendant des jours, ils forniquent, allant et venant dans leurs orifices naturels pour les faire chanter aussi fort que cette longue nuit est orange, bientôt rejoints par une femme-serpent, touchés par un binôme en plein record du monde, attachés par un collège de vieux messieurs en toge orange, eux aussi, le crâne rasé et un peu bourdonnants quand ils se retrouvaient la tête en bas.

Heureusement elle et lui ne sont pas farouches, sont très partageurs et voient la liberté un peu comme les bocaux dans lesquels le BGG range les rêves : l’important, c’est juste de prendre un bocal à la bonne taille.

Après quelques semaines comme ça, de fait, ils forment tous une formidable bouille de gnome dorée. Ça doit être assez joli à voir, de loin, mais aussi de très près, se dit-elle. Des semaines après, encore, il y en a un qui a commencé à raconter des blagues et des histoires et à force, ça a fait un méga-giganto-poussin-montagne.

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