Habeas corpus

Claire Wendling



Une note qui a patienté avant d’arriver là (le responsable sait pourquoi !), date de création : samedi 18 août. Les lignes ont tellement bougé (tu finiras cul et chemise / dans ton flirt / avec la criiiiise), aujourd’hui je peux dire que cette rencontre avec toi a été déterminante.


Je ne suis pas une croqueuse d’hommes. J’ai multiplié par deux le nombre de mes partenaires sexuels au cours de ces six dernières années de mariage, dans le cadre de l’échangisme. C’était presque une première, qui m’a convaincue qu’il y en aurait d’autres.


Je pense y avoir trouvé un aperçu de ce que je recherche profondément, l’exemple type de la seule chose dont j’ai vraiment besoin. La personne en question n’étant pas libertine, mais adultère, on voit déjà quel pan on pourrait soulever pour que ça devienne compliqué, je n’ai toutefois jamais goûté aucune relation avec autant de simplicité, d’aisance et d’évidence.

J’intitule mes notes avec la première chose qui me vient à l’esprit quand j’ai fini de les rédiger. Là, il m’est venu « habeas corpus ».

HABEAS CORPUS : en latin, « que tu aies ton corps ».
Dispositif légal (anglo-saxon) garantissant à tout homme fait prisonnier d’être présenté physiquement à un juge et de bénéficier d’une forme de procès minimale ; il garantit donc, depuis 1679, les libertés individuelles et protège le citoyen d’une arrestation arbitraire.

Bouddha l’appelle « notre petit véhicule ». J’en ai qu’un, et c’est la seule chose que je possède vraiment. Il est la matérialisation de moi dans le monde, c’est une interface aussi. Mon corps. Le corps, comme le langage, m’a toujours fascinée. J’ai une histoire compliquée avec mon corps. Ma réaction face à ceux qui me disent anorexique le prouve. J’ai décidé de m’y consacrer très sérieusement. Disons que le cul, pour moi, c’est une hygiène de vie. Je le fais pour les mêmes raisons que je cuisine quand j’ai faim, que je jongle quand j’en ai envie et que je mets de la musique quand j’ai envie de jongler. Il est à moi, rien qu’à moi, je suis la seule à décider pour lui.

J’ai une gestion de mon corps dans l’espace très, très consciente, je ne sais pas trop quel mot utiliser en fait. Je m’habite très fort, même si j’ai la tête ailleurs. Je suis éthérée au-dessus, très solide en dessous.

Je suis une danseuse, et une gymnaste, éternellement. Je sais tenir sur les mains, mettre mes pieds sur ma tête, faire un grand écart et la roue (je mets alors mes plus belles plumes, bien sûr), chuis pas branque avec mon corps, chuis même plutôt fine, je pense. Mais les sports que je préfère, ce sont vraiment ceux  qui se pratiquent à deux, et pour avoir fait des duos à maintes occasions moins sexuelles, je sais que c’est pas évident. Les corps se parlent, et des fois, ils ne se comprennent pas. Ou tout juste, quoi, pas Byzance non plus.

Mais là, c’était Byzance ! Déjà dans le train, d’ailleurs…

Filer comme ça les minutes à 200 à l’heure, franchir les limites psychologiques de la provincialité (je sais pourquoi j’aime la campagne, j’adore le dire : je suis une bouseuse, d’ailleurs la nature est ma première source d’érudition), puis me faufiler avec toi dans le chas de l’aiguille parisienne pour finir dans cet ascenseur et cette chambre minuscules, ouverts et blancs sur l’horizon de ta ville, c’était déjà une expérience physique.


La seule chose qui me vienne à l’esprit, pour décrire le mouvement auquel mon corps s’est soumis et en même temps la situation à laquelle il s’est prêté, est la chignole.

‘Savez, cet outil pour faire des trous. Il y a translation du mouvement du plan horizontal (axe du mouvement de la main)  au plan vertical (axe de rotation du foret) par le truchement du mécanisme dit de la crémaillère, si je ne m’abuse.

Est-il nécessaire de faire un dessin ?


Mes courbatures, les jours qui ont suivi peuvent simplement s’expliquer (on est des bourrins) ou s’expliquer de manière plus subtile : mon corps a été secoué. Clac, comme un tapis qu’on aère par la fenêtre.

Oui, c’est vrai, donc c’est pas pour me vanter, mais ma rencontre avec J***  a été un grand moment de haute technicité, des actions précises et mêmes drôlement pointues, où les corps ont été des outils performants, connexion wifi et tout le Bataclan (Faites du bruit !!!!). La chignole, dont j’ai parlé hier, est un outil noble, intelligemment pensé. T’avais ta trousse à bricole, j’étais prête à faire le factotum. Au final, beau boulot quand même, ptain. J’en ai encore du cambouis sur le front. Je viendrais d’inventer et monter le premier agitateur de particules en collaboration avec la NASA que je ne serais pas plus satisfaite.

J’ai fait, en long, en large, et en travers sur ce blog et partout où je suis passée dans ma vie, la preuve de mon imbécilité. Un sage explique à l’âne que je suis qu’il faut découper la montagne en petits morceaux quand on n’arrive pas à la franchir. Chef, oui chef ! Je n’aime rien tant que m’équiper d’un mortier pour partir à l’assaut de situations où une clé de douze suffirait (parfois même, juste les petits outils fournis avec les meubles IKEA).

Et tu es comme moi : vive la grosse bordée ! Les denteliers, les amateurs de plumes et de souffles d’air, les amoureux de la lenteur silencieuse et autres froissements tendres de minutes vaporeuses, halte à tout, en s’emmerde bien assez le reste du temps, quand on fait la queue devant les toilettes ou dans la salle d’attente de la gynéco ! On sort les liens, les plugs et les lubrifiants, et on s’en met jusqu’aux couilldes !

Ça y est, j’ai un amant. Je vous raconte ?

PLUG AND PLAY

La haute compatibilité de nos interfaces a permis un apprivoisement quasiment instantané (sur la selle du scooter). D’habitude, je ne parle pas de MST la première fois. Nous nous sommes facilement embrassés, enlacés, caressés. Arrivés sur le lit, tu m’as visitée sans t’attarder, tu as plongé d’abord tes doigts, jouer avec mon intimité. Avant de plonger tout entier.

Non, je t’ai sucé avant, tu m’as demandé « tu veux que je te prenne tout de suite ? » parce que je me frottais les fesses sur ta crampe en ouvrant plus grand la fenêtre (combien d’étages déjà ?). Un doigt ici, mes lèvres pressées là j’adore faire ça. Celles qui pensent qu’une pipe ne se fait qu’avec la bouche ont trop, trop tort. On a causé gorge profonde. J’ai toujours été nulle en apnée.

Ceux qui la ramènent, juste pour rire bien sûr, en disant que si j’utilise tant mes doigts c’est parce que ma bouche est nulle, je les prive de dessert. Je suis comme ma Mimi Cracra : petite, mais vous seriez étonnés de tout ce qu’on peut y mettre quand même. Par contre, le haillon est fragile, prudence.

Ensuite tu as plongé tout entier. Nous nous sommes méthodiquement rompus. Tu m’écrivais, juste avant qu’on se rencontre, qu’avec « l’âge, on devient moins explosifs », ben je crois qu’on est encore jeunes, alors. Avec un peu d’entraînement je pense pouvoir faire ça toute la journée.

J’ai aimé ! Sentir ton vit tout remplir là-dedans, et replier encore mon intimité sur toi, t’emprisonner dans mon ventre, hmmm… Chaud. Bon. Tiens, preuve de ma téméraire honnêteté : je le dis ici aussi, c’est bon une grosse queue !


La double a été purement et simplement réglementaire. C’était celle qu’il fallait administrer dans cette situation, le défi a été relevé de main de maître (je vous parlais de mon haillon, tout à l’heure). Je ne résiste pas à partager avec vous une boutade que m’a faite un toujours cher internaute il y a quelques semaines, c’était à propos de la levrette, en fait, mais ça ira aussi bien.

Ah p'tain, une levrette réglementaire, j'aimerais voir ça, on m'a jamais appris ça sous les drapeaux. C'est comment? Le p'tit doigt sur la couture, le menton haut, l'œil fixé sur la ligne bleue des Vosges? A mon command'ment, en avant-HAN! Sortez-lui les doigts du cul, bandes de têtes de nœuds hydrocéphales! Qui c'est qui m'a foutu des couilles de loup pareil, c'est pas nom de dieu possible! Han-deeuuux, Han-deuuuuuux....


Hm, voilà, c’était très bien fait quoi. Je crois que ça s’est vu, non ?

Et ces monstrueux cunnilingus (j’ai mis un pluriel, mais attends… t’as fait autre chose ? L’impression d’avoir été tout le temps dans ta bouche…) de gourmand dont tu m’as gratifiée...

Tu m’as toute remplie, de chair, de silicone et de vapeur. Une Volu en robe des champs, cuite à la baise, dans sa papillote bronzée. Miam.

On a fait ce qu’on a pu pour labourer l’espace disponible, charrue au sillon et pneus Michelin, mais c’est pas un avorton d’hectare qu’on avait à travailler, le temps a manqué… On en a pour un moment avant de plus savoir quoi faire, je crois. Comme je te l’ai dit, j’ai même trouvé de la place pour des progrès de mon côté. Je crois que toi,  tu dois encore progresser dans le domaine du nœud. Je kiffe travailler avec mon corps, j’ai kiffé travailler avec le tien. On pourra être doux une prochaine fois, si tu veux… Je suis sûr qu’on saura aussi faire.


Je baise comme je danse : avec mon corps et pas trop ma tête, ça me repoooose.
J***, nous nous retrouverons bientôt.



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